Nul ne contestera que le gouvernement belge soit probablement en train de se consumer, comme les larmes d’une bougie finissante.
Mais je m’interroge : cette perte de direction du pays, entraînée par des forces politiques centrifuges, n’est-elle pas le symptôme d’une société épuisée ?
Cette dépression morale, c’est celle de la fin d’un modèle qui a éreinté ses espoirs dans un consumérisme effréné et dans des inégalités sociales d’une envergure croissante.
En d’autres temps, cette situation aurait pu conduire à de la violence sociale. Aujourd’hui, c’est une résignation qui engourdit le corps social.
La cohésion sociale est aussi gravement mise à mal par l’anxiété enflée par la croissance de nos besoins d’accumulation, eux-mêmes entraînés par notre peur du futur.
Toute la société s’englue dans une inquiétude qui tente d’exorciser, par l’immédiateté, son incapacité à discerner un futur. Et tout cela s’échoue dans la résignation.
Notre pays manque d’une respiration.
De calme.
De compréhension.
D’un projet de société.
De vérité aussi, portant sur la dualisation de la société et de la pauvreté, intolérable pour ceux qui la subissent et pour les autres qui ne veulent pas la voir.
De vision longue.
De femmes et d’hommes d’État calmes et érudits.
De citoyenneté.
De démocratie.
Je garde une conviction chevillée au corps : cette indispensable jouvence passera par la restauration du débat démocratique au sein des différents parlements, parce que c’est là, et pas ailleurs, que l’orientation politique trouve sa légitimité.
Et l’émanation respectueuse de cette expression démocratique pourra s’appuyer sur l’engagement de très nombreux citoyens, eux-mêmes accompagnés de toutes les expertises remarquables que compte le Royaume.
Souvent, je relis cette phrase de « Souvenirs » d’Alexis de Tocqueville, prononcée en 1848 : « Est-ce que vous ne ressentez pas, par une sorte d'intuition instinctive qui ne peut pas s'analyser, mais qui est certaine, que le sol tremble de nouveau en Europe ? Eh bien ! ma conviction profonde et arrêtée, c'est que les mœurs publiques se dégradent ; c'est que la dégradation des mœurs publiques vous amènera dans un temps court, prochain peut-être, à des révolutions nouvelles.»