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Bénéficiaire effectif et directive européenne Intérêts et Redevances: un tournant belge

1. Un jugement remarqué à Bruxelle

Le 12 août 2025, le tribunal de première instance de Bruxelles a rendu un jugement qui retient particulièrement l’attention.

La juridiction a estimé que la transposition belge de la directive européenne “Intérêts et redevances” (IRD) ne comporte pas d’exigence de bénéficiaire effectif (beneficial owner – BO).


2. Fondement juridique

L’article 107, §6 de l’AR/CIR 92 vise les paiements à un « gerechtigde » (bénéficiaire / bénéficiaire légal), défini comme le propriétaire légal ou l’usufruitier.

Selon le tribunal, il s’agit d’un concept purement juridique : y lire le critère de bénéficiaire effectif de la directive reviendrait à aller contra legem.


3. Une divergence avec le droit de l’Union

Cette position dépasse le cadre du droit européen.

L’article 1er, §4 de la directive IRD définit le bénéficiaire effectif comme l’entité qui bénéficie économiquement du revenu et qui n’est pas un simple intermédiaire.

Depuis la jurisprudence danoise de la CJUE, cette notion est comprise comme autonome en droit de l’UE, impliquant un test de substance économique.


4. Un contraste avec la jurisprudence belge antérieure

Cette lecture s’oppose à une décision du 27 octobre 2023 du tribunal de première instance de Louvain (21/942/A).

Celui-ci avait aligné la notion conventionnelle de BO sur la directive et la jurisprudence européenne, refusant l’exonération lorsqu’un bénéficiaire n’était qu’une entité relais.

Le tribunal de Bruxelles considère au contraire que l’exonération belge fonctionne selon ses propres termes, même si elle est plus large que la directive.


5. Conséquences immédiates

  • À ce stade, la littéralité du droit belge pourrait permettre une exonération sans test économique de bénéficiaire effectif.
  • Cette position semble difficilement conciliable avec le droit de l’Union européenne.
  • Un appel est attendu et d’autres contentieux suivront. La question n’est plus de savoir si mais quand l’exigence européenne de bénéficiaire effectif s’imposera pleinement.


6. Un débat européen plus large

Ce jugement s’inscrit dans une discussion paneuropéenne : les tribunaux européens doivent sans cesse définir la frontière entre le droit formel de créance et la réalité économique du bénéficiaire effectif, que ce soit dans le cadre des conventions fiscales ou des directives de l’UE.


7. Enjeu pour les États membres

Une interrogation demeure : les États membres peuvent-ils encore s’en tenir à une notion purement juridique de “bénéficiaire”, ou la norme européenne du bénéficiaire effectif est-elle devenue incontournable ?

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