L’ATAD illégale ? Une faille juridique qui secoue le droit fiscal européen
Le 22 mai 2025, un avis retentissant a ouvert une brèche juridique dans le dispositif européen de lutte contre l’évasion fiscale. Dans l’affaire C-524/23, l’avocate générale Juliane Kokott interroge la légalité même de la directive ATAD (directive (UE) 2016/1164), fondement de nombreuses mesures nationales de lutte contre l’optimisation fiscale agressive.
Au cœur du débat, une question redoutable : l’Union européenne avait-elle seulement la compétence législative pour adopter cette directive ? L’ATAD a été adoptée sur la base de l’article 115 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui permet l’harmonisation des législations fiscales nationales lorsque cela est nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur.
Or, l’avocate générale souligne un paradoxe de taille : loin de favoriser ce fonctionnement, certaines dispositions de l’ATAD restreindraient l’exercice des libertés fondamentales européennes, telles que la liberté d’établissement ou la libre circulation des capitaux.
Si la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) devait suivre cette analyse, la portée en serait considérable. Toutes les législations nationales transposant l’ATAD pourraient alors être remises en cause :
Ce sont les piliers mêmes de la fiscalité anti-évitement en Europe qui pourraient vaciller, faute de base légale claire.
Dans une publication récente co-signée par G. Galéa, C. Guéry et T. Grüter, les auteurs explorent cette hypothèse inédite et ses implications :
La question est désormais posée, et la réponse pourrait redéfinir durablement l’équilibre entre souveraineté fiscale des États membres et ambitions harmonisatrices de l’Union européenne.
G. Galéa, C. Guéry, T. Grüter, « ATAD : la directive anti-évasion fiscale adoptée sans compétence législative ? », Actualités fiscales, 2025/30.