Circulaire 2022/C/95 relative au traitement fiscal en droit interne des engagements collectifs de pension complémentaire étrangers

L' Administration générale de la Fiscalité – Impôt des personnes physiques a publié ce 23/09/2022 la Circulaire 2022/C/95 relative au traitement fiscal en droit interne des engagements collectifs de pension complémentaire étrangers.

La présente circulaire commente le traitement fiscal en droit interne des engagements collectifs de pension complémentaire étrangers dont les cotisations ont été versées au profit individuel permanent et exclusif de l’affilié.

Table des matières

I. Introduction

II. Jurisprudence

III. Distinction non justifiée

IV. Commentaire de l’art. 28, L 21.01.2022

V. Entrée en vigueur

VI. Pension complémentaire de source néerlandaise – suppression de la double imposition

A. Pour les prestations de pension perçues au cours de l'année civile 2021 (exercice d'imposition 2022)

B. Pour les prestations de pension perçues au cours de l'année civile 2022 (exercice d'imposition 2023)

C. Pour les futures prestations de pension de source néerlandaise

VII. L 21.01.2022– version coordonnée du CIR 92

VIII. Dispositions légales

I. INTRODUCTION

1. Pour les engagements collectifs de pension complémentaire étrangers (plus particulièrement néerlandais), dont les cotisations ont été versées par l’employeur au profit individuel permanent et exclusif du travailleur, il est ces dernières années de jurisprudence constante que ces pensions complémentaires ne peuvent pas être imposées à titre de pensions, ou ne peuvent l’être que partiellement (1).

(1) Depuis l’introduction de la loi du 28.04.2003 relative aux pensions complémentaires et au régime fiscal de celles-ci et de certains avantages complémentaires en matière de sécurité sociale (ci-après LPC), cette jurisprudence constante accepte bien que la partie de cette pension complémentaire qui a été constituée à l’aide de cotisations versées à partir de l’entrée en vigueur de la LPC, à savoir à partir du 01.01.2004, soit imposée comme pension, en raison du fait que seules ces cotisations ont été expressément exonérées d’impôt pendant la phase de constitution, en vertu de l'article 38, § 1er, alinéa 1er , 18° ou 19° du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 92).

2. Il s'agit en l’occurrence de pensions complémentaires dont la constitution à l'étranger a été fiscalement facilitée, à savoir dont les cotisations patronales n'ont pas été imposées dans le chef du travailleur pendant la constitution à l'étranger.

II. JURISPRUDENCE

3. Le raisonnement général de cette jurisprudence est le suivant.

4. Les cours et tribunaux appliquent le principe selon lequel le traitement fiscal en droit interne d'une pension complémentaire constituée à l'étranger qui est versée à un affilié qui a entre-temps transféré son domicile en Belgique, doit être déterminé comme si ce dernier était habitant du royaume pendant la constitution de la pension.

5. Les cotisations que l’employeur a versées dans le cadre d’engagements collectifs de pension complémentaire avant le 01.01.2004 (c’est-à-dire avant l’entrée en vigueur de la LPC) au profit individuel permanent et exclusif du travailleur, auraient dû constituer selon les cours et tribunaux, en application du principe précité, des avantages de toute nature imposables dans le chef de ce travailleur et devraient dès lors être assimilées à des cotisations d’assurance-vie individuelle, ce qui est désormais rectifié par le législateur.

6. La partie de la pension complémentaire constituée à l’aide des cotisations précitées ne pourrait pas être imposée à son tour comme une pension lorsqu’aucune réduction d'impôt pour épargne à long terme telle que visée à l'article 1451, 2°, CIR 92, n’a été accordée en Belgique pour ces cotisations. Cette partie des prestations de pension serait exonérée d'impôt sur base de l'article 39, § 2, 2°, a, CIR 92.

III. DISTINCTION NON JUSTIFIÉE

7. Le législateur ne partage toutefois pas le point de vue précité. Le fait que des cotisations ont été versées avant le 01.01.2004 au profit individuel permanent et exclusif de l’affilié, n’enlève rien au caractère collectif de l’engagement de pension. Il ne peut pas être question de requalification (partielle) comme prestations d’un contrat d’assurance-vie individuelle. En effet, la loi ne le prescrit pas. Par conséquent, il ne peut pas non plus être question d’exonération sur base de l’article 39, § 2, 2, a, CIR 92.

8. Les cours et tribunaux ont accordé un régime fiscal beaucoup plus favorable aux engagements collectifs de pension complémentaire étrangers, ce qui a entraîné une différence de traitement par rapport aux situations purement belges.

9. Pour les engagements collectifs de pension complémentaire belges, il est en effet généralement admis que les prestations sont imposables dans leur totalité (2) à titre de pensions.

(2) En ce compris la partie de la pension qui est constituée à l’aide des cotisations versées avant le 01.01.2004.

10. Les pensions complémentaires collectives étrangères et belges sont pourtant constituées pratiquement de la même manière. Par conséquent, aucune distinction ne peut être faite sur le plan de leur traitement fiscal en droit interne.

11. En outre, il n'a jamais été dans l'intention du législateur d'opérer une telle distinction dans le traitement fiscal sur la seule base du caractère transfrontalier de l'engagement de pension. Son intention n’était pas non plus de soumettre les pensions complémentaires collectives au régime d’exonération des contrats individuels d'assurance-vie visé à l'article 39, § 2, 2°, a, CIR 92.

12. Par ailleurs, ces décisions des cours et tribunaux entraînent le transfert de recettes fiscales vers l'étranger. Par exemple, dans le cas des Pays-Bas, le pouvoir d'imposition sur ces pensions revient sous certaines conditions à l'état de la source, à savoir les Pays-Bas, lorsque ces pensions ne sont pas imposées au taux progressif en Belgique (3).

(3) Application de l’art. 18, § 2 de la convention belgo-néerlandaise préventive de la double imposition.

13. La présente disposition légale fait en sorte que le pouvoir d’imposition tel qu’il revient en principe à la Belgique, puisse également être exercé par la Belgique. En d’autres termes, il est mis fin à la perte de pouvoirs d’imposition. Toutefois, cela ne signifie nullement que la Belgique serait obligée de renoncer à sa souveraineté fiscale ou de la limiter : l’exercice d’un pouvoir d’imposition en vertu d’une convention internationale n’est pas lié à l’application d’un régime fiscal déterminé. En effet, cette application se déroule suivant les règles de droit interne du pays à qui revient le pouvoir d’imposition. En d’autres termes, la Belgique ne peut nullement être tenue d’appliquer les règles fiscales d’un autre pays à une quelconque prestation de pension au seul motif que la constitution de celle-ci aurait eu lieu partiellement à l’étranger. Ce raisonnement constituerait en effet une entrave à la souveraineté fiscale d’un Etat et irait à l’encontre des principes consacrés par le droit international.

14. Par ailleurs, le simple fait que différents pays connaissent également des taux d'imposition différents et des régimes fiscaux différents n'implique pas en soi une violation de l'une des libertés européennes. A cet égard également, l'application du régime fiscal belge, tel qu'il s'applique aux situations purement belges, à des situations fiscales présentant un aspect transfrontalier, ne constitue nullement une violation de l’une des libertés européennes ou de l’un des droits fondamentaux.

IV. COMMENTAIRE DE L’ART. 28, L 21.01.2022

15. Pour remédier à ce problème, le législateur a décidé d'intervenir (4).

(4) Art. 28 et 60, alinéa 4, de la loi du 21.01.2022 portant des dispositions fiscales diverses (MB 28.01.2022).

16. Dorénavant, l’article 39, § 2, 2°, CIR 92, confirme expressément que :

- les revenus qui résultent de pensions, de pensions complémentaires, de capitaux, de rentes et de valeurs de rachat ;

- qui sont constitués dans le cadre d’un régime de pension, étranger ou non ;

- que l’affilié ait ou non accédé individuellement au régime de pension

- et que la constitution de la pension, des capitaux ou des rentes ait lieu ou non au profit permanent et exclusif de l’affilié,

ne constituent pas des revenus d’un contrat individuel d’assurance-vie.

17. Par conséquent, ces revenus tombent hors du champ d’application du régime d’exonération pour les assurances-vie individuelles tel que visé à l’article 39, § 2, 2°, CIR 92.

18. Par « régime de pension », on doit entendre ici :

- un engagement collectif de pension d’un employeur ;

- pour lequel des fonds sont collectés et gérés dans un organisme de pension ou un fonds de pension interne pour ou par les employeurs ;

- pour le compte d’au moins deux travailleurs affiliés, anciens travailleurs ou leurs ayants droit ;

- en vue de la distribution d'une pension, d'un capital ou d'une rente

- et qui est régi par un régime applicable de façon commune à tous les travailleurs affiliés et, le cas échéant, à leurs ayants droit, répartis ou non en différentes catégories.

19. Sur base de cette disposition, les cours et tribunaux ne peuvent dorénavant plus considérer les prestations de pensions complémentaires collectives étrangères (5) comme des prestations d’un contrat individuel d’assurance-vie et les exonérer sur base de l’article 39, § 2, 2°, CIR 92. Le fait que des cotisations aient été versées au profit individuel permanent et exclusif de l’affilié est à cet égard sans incidence.

(5) Prestations d’assurance de groupe ou de fonds de pension.

20. Les cours et tribunaux devront dorénavant soumettre les pensions complémentaires collectives aux mêmes règles, qu’elles soient d’origine étrangère ou belge.

21. Cette disposition ne peut toutefois pas être utilisée pour imposer des prestations de pensions complémentaires collectives étrangères lorsque les primes n'ont pas été fiscalement facilitées lors de la constitution de cette pension complémentaire, à savoir lorsque les cotisations patronales ont été effectivement imposées dans le chef du travailleur lors de la constitution à l'étranger.

V. ENTRÉE EN VIGUEUR

22. Ces dispositions entrent en vigueur à partir de l’exercice d’imposition 2022 (voyez l’art. 60, alinéa 4, L 21.01.2022).

VI. PENSION COMPLÉMENTAIRE DE SOURCE NÉERLANDAISE – SUPPRESSION DE LA DOUBLE IMPOSITION

23. Cette disposition lève également toute ambiguïté quant à la question de savoir quel état, la Belgique ou les Pays-Bas, peut imposer ces prestations. En vertu de la convention bilatérale préventive de la double imposition, la Belgique est compétente pour imposer ces prestations. Étant donné que ces pensions sont imposées en Belgique au taux progressif, les Pays-Bas doivent s'abstenir de les imposer (6).

(6) Application de l’article 18, § 1er, a et § 2 de la convention belgo-néerlandaise préventive de la double imposition.

24. Pour supprimer ou éviter une éventuelle double imposition, l’administration fiscale néerlandaise a demandé de communiquer les directives suivantes aux résidents de la Belgique qui perçoivent une pension complémentaire collective de source néerlandaise relative à un emploi antérieur (7).

(7) Voyez également la communication « Imposition d’une pension complémentaire (2e pilier) de source néerlandaise – éviter la double imposition » du 09.02.2022, à consulter dans la rubrique « Actualités » sur https://finances.belgium.be.

A. Pour les prestations de pension perçues au cours de l'année civile 2021 (exercice d'imposition 2022)

Vous avez peut-être payé des impôts aux Pays-Bas sur votre pension néerlandaise pour l'année civile 2021. Pour éviter de payer des impôts dans deux pays, vous pouvez demander le remboursement des éventuelles retenues d’impôt néerlandaises pour l'année 2021 via une déclaration néerlandaise d’impôt sur le revenu. C’est possible à partir du 01.03.2022. Vous pouvez introduire la déclaration néerlandaise d’impôt sur le revenu en tant que contribuable non-résident (comme résident belge) via le site internet de l'administration fiscale néerlandaise.

(Belastingdienst Nederland – wonen en werken buiten Nederland (lien externe))

B. Pour les prestations de pension perçues au cours de l'année civile 2022 (exercice d'imposition 2023)

Au cours des premiers mois de 2022, des retenues d’impôt néerlandaises ont peut-être été effectuées sur votre pension néerlandaise. Pour éviter de payer des impôts dans deux pays, vous pouvez demander le remboursement des éventuelles retenues d’impôt néerlandaises pour l'année 2022 via une déclaration néerlandaise d’impôt sur le revenu. C’est possible à partir du 01.03.2023. Vous pouvez introduire la déclaration néerlandaise d’impôt sur le revenu en tant que contribuable non-résident (comme résident belge) via le site internet de l'administration fiscale néerlandaise.

(Belastingdienst Nederland – wonen en werken buiten Nederland (lien externe))

Via ce lien, vous pouvez également déjà demander une imposition provisoire pour l’année 2022. Vous pourrez alors déjà demander un remboursement des retenues d’impôt préalablement effectuées. Gardez à l'esprit que vous devrez encore introduire en 2023 une déclaration pour les revenus de 2022.

C. Pour les futures prestations de pension de source néerlandaise

Pour mettre fin aux retenues d’impôt sur vos futures prestations de pension de source néerlandaise, vous devez soumettre une demande d'exonération des retenues d’impôt/cotisations sociales (« Vrijstelling van loonbelasting/premie volksverzekeringen »). L’administration fiscale néerlandaise évaluera alors votre droit à une exonération des retenues d’impôt ultérieures. A cet effet, veuillez consulter le site internet de l’administration fiscale néerlandaise.

(Belastingdienst Nederland – vrijstelling inhouding loonheffing (lien externe))

VII. L 21.01.2022– VERSION COORDONNÉE DU CIR 92

Les modifications sont reproduites en gras.

25. Art. 39, § 2, CIR 92 (modifié par l’art. 28, L 21.01.2022) :

§ 2. Les pensions, pensions complémentaires, rentes, capitaux, épargnes et valeurs de rachat sont exonérés :

1° dans l'éventualité et dans la mesure où ils sont constitués suivant la technique de la capitalisation individuelle propre à l'assurance-vie et où ils se rapportent à des cotisations versées avant le 01.01.1950 ;
2° dans l'éventualité où ils résultent d'un contrat individuel d'assurance-vie conclu en faveur du contribuable ou de la personne dont il est l'ayant droit et :

a. pour lesquels aucune exonération n'a été opérée en vertu des dispositions applicables antérieurement à l'exercice d'imposition 1993, pour lesquels la réduction d'impôt prévue à l’article 1451, 2°, n'a pas été accordée et pour lesquels aucune réduction d'impôt régionale ni aucun crédit d'impôt régional n'a été accordé ;
b. pour lesquels l'exonération a été refusée en vertu de l'article 15, alinéa 1er, de la loi du 13.07.1959 ;
c. pour lesquels il a été renoncé à cette exonération conformément à l'article 15, alinéa 2, de la loi précitée ou à l’article 508 ;
d. qu'ils ne sont pas constitués en tout ou en partie au moyen de cotisations patronales ou de cotisations de l'entreprise, ni de cotisations ou primes visées à l’article 38, § 1er, alinéa 1er, 16°, ni de cotisations qui ont pu entrer en ligne de compte à titre de frais professionnels conformément à l’article 52, 7°bis, ni de cotisations qui ont pu entrer en ligne de compte pour l'application de l'article 1451, 1° ou 1°bis ;

3° dans l'éventualité où ils résultent d'un compte-épargne ou d'un contrat d'assurance-épargne pour lesquels la réduction prévue à l’article 1451, 5°, n'a pas été accordée ;
4° dans l'éventualité et la mesure où ils ont été soumis à une taxe sur l'épargne à long terme visée au Livre II, titre VIII du Code des droits et taxes divers, à l'exception de la perception anticipée de la taxe visée à l’article 185, § 4, du même Code, ou à l'article 119 de la loi du 28.12.1992.

Les revenus visés à l'alinéa 1er, 2°, ne comprennent pas les revenus qui résultent de pensions, de pensions complémentaires, de capitaux, de rentes et de valeurs de rachat, qui sont constitués dans le cadre d'un régime de pension, étranger ou non, que l'affilié ait ou non accédé individuellement au régime de pension et que la constitution de la pension, des capitaux ou des rentes ait lieu ou non au profit permanent et exclusif de l'affilié.

Pour l'application du présent article, on entend par régime de pension, un engagement collectif de pension d'un employeur pour lequel des fonds sont collectés et gérés dans un organisme de pension ou un fonds de pension interne pour ou par les employeurs pour le compte d'au moins deux travailleurs affiliés, anciens travailleurs ou leurs ayants droit, en vue de la distribution d'une pension, d'un capital ou d'une rente, et qui est régi par un régime applicable de façon commune à tous les travailleurs affiliés et, le cas échéant, à leurs ayants droit, répartis ou non en différentes catégories.

VIII. DISPOSITIONS LÉGALES

26. Art. 28 et 60, alinéa 4 de la loi du 21.01.2022 portant des dispositions fiscales diverses (MB 28.01.2022).

27. Art. 23, § 1er, 5 ; 34, § 1er, 2°, b et 39, § 2, alinéas 2 et 3, CIR 92.

Réf. interne : 732.165

Source : Fisconetplus

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