Malgré les postures incantatoires de certains responsables politiques qui diabolisent les impôts à coup de statistiques et de comparaisons, sans avoir la moindre solution robuste sinon que d’espérer que leur baisse, conjuguée à une diminution des prestations sociales, suscitera un surcroît de croissance au bénéfice de tous, je crois que les impôts ne vont pas baisser sous la prochaine législature
On peut bien sûr, à juste titre, se plaindre de l’efficacité et de la complexité de l’État, mais il ne faut pas oublier la valeur de nos systèmes d’enseignement et de soins. On peut s’insurger contre les allocataires sociaux, en oubliant que l’on peut, un jour, le devenir. On peut tempêter contre les pensions, trop généreuses pour certains, en oubliant que ces dernières sont le tribut que nous devons nous acquitter à ceux qui ont construit la Belgique avant nous…. Et que nous serons nous-mêmes, un jour, pensionnés. D’ailleurs, lorsque l’on parle d’une allocation universelle, ce n’est pas en déchiffrant les parchemins de vieilles études universitaires qu’on va en trouver le fondement, mais en ouvrant nos fenêtres et en observant ce que ceux qui nous ont précédés dans ce Royaume ont construit, à notre bénéfice.
Mais, bien sûr, il y a un problème de gouvernance publique, de manque de vision, de courage, de lucidité, propre, sans doute, à un petit pays dont la croissance autonome est très faible puisqu’elle dépend de celle de ses partenaires économiques.
Mais il y a autre chose de plus fondamental : les impôts sont liés à la nature des prestations sociales. Et la sécurité sociale, tout comme les pensions, ne sont plus des systèmes autonomes qui permettent de voir leurs dépenses couvertes par des cotisations. Les causes en sont multiples, mais c’est probablement le vieillissement de la population qui l’entraîne. Et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle des recettes de TVA, de précompte mobilier, voire d’autres taxes sont utilisées pour financer la sécurité sociale. On appelle cela son financement alternatif. C’est le reflet d’un échec politique, mais nous voulions, tous, profiter du présent au lieu de constituer des réserves pour faire face à ce même vieillissement de la population, totalement prévisible. C’est Etienne de Callataÿ qui, il y a déjà trente ans déjà, nous mettait en garde.
La fiscalité est devenue une pelote de laine où tous les fils sont noués les uns aux autres, et qu’on ne peut pas toucher à l’impôt sur le revenu des personnes physiques sans envisager toutes les interactions avec les dépenses sociales, la taxation du capital et de la consommation. C’est ainsi qu’un retour à l’équilibre budgétaire et une baisse des impôts sont concomitamment impossibles, sauf à diminuer les prestations sociales, au sein desquelles les dépenses de chômage sont, en, termes relatifs, faibles. En d’autres termes, à prestations sociales égales (et ces dernières sont certainement mal ciblées), on ne peut pas baisser certains impôts sans en augmenter d’autres. Je ne crois donc plus au tax shift du précédent gouvernement, dont les promesses furent plus impressionnantes que les résultats.
Il n’en demeure pas moins qu’il faut faire quelque chose pour alléger la taxation du travail, qui est le seul revenu soumis à une fiscalité progressive. Il faut augmenter le montant net des salaires les moins élevés pour éviter ce que l’on appelle des pièges à l’emploi, c’est-à-dire que le fait de travailler n’est pas suffisamment récompensé par rapport au chômage. Et tous les partis politiques sont d’accord sur ce point, même si je ne suis pas convaincu que cela va résorber, en quoi que ce soit, le chômage.
Comment compenser cette baisse d’impôts, qui devra être très ciblée ? Par une hypothétique croissance ? Par une augmentation de la fiscalité sur les revenus professionnels les plus élevés ? Par des taxes ciblées sur la consommation ? Par une taxation du patrimoine des riches ?
Je crois que sauf à jouer au petit chimiste qui voit son éprouvette lui exploser en pleine figure, il faudra considérer d’introduite un barème supplémentaire, de plus de 50 %, sur les revenus professionnels les plus élevés. Et, à plus long terme, on devrait tenir compte des revenus globalisés des personnes physiques pour déterminer s’ils ont besoin, ou pas, d’avantages sociaux. Cela exige une réflexion de fond très appliquée, car notre héritage, l’État social, qui est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas, est une construction certes bigarrée, mais qui est aussi le ciment du Royaume.