Dans le cadre de la lutte contre la crise économique due à la pandémie COVID–19, le parlement a récemment adopté deux mesures fiscales destinées à soutenir les entreprises impactées par le ralentissement –voire l’arrêt– de leurs activités suite à la crise COVID-19.
Ces dispositions sont reprises dans une loi du 23 juin 2020, dénommée «Loi portant des dispositions fiscales afin de promouvoir la liquidité et la solvabilité des entreprises dans le contexte de la lutte contre les conséquences économiques de la pandémie de COVID-19». Ce texte a été publié au Moniteur du 1er juillet dernier.
Elles peuvent être synthétisées comme suit :
Une société ayant réalisé un bénéfice imposable en 2019 et subissant par ailleurs une perte en 2020 devrait en principe payer ses impôts relatifs à l’année 2019 à la fin de l’année 2020.
Si toutefois, durant l’année 2020, elle accuse une perte importante, cet état de fait risque d’handicaper gravement sa trésorerie, voire de mettre son existence en péril.
Pour éviter cela, le gouvernement a institué un système de « Carry Back » des pertes fiscales.
Plus précisément, ce système permettra de constituer une réserve extracomptable en prévision des pertes escomptées par une entreprise en 2020 et d’imputer cette perte sur ses résultats fiscaux 2019.
Pour viser le spectre temporel le plus large possible, la mesure est applicable au résultat imposable de tout exercice comptable clôturé entre le 13 mars 2019 et le 31 décembre 2020.
La réserve ne doit pas être exprimée dans les comptes annuels mais bien dans une annexe à la déclaration fiscale.
La réserve « COVID–19 » ne pourra pas dépasser le résultat imposable de 2019 (avec un maximum absolu de 20.000.000 €) et devra être aussi proche que possible de la perte escomptée en 2020. Un écart de 10 % sera toléré, mais si cet écart est plus élevé, le solde de la réserve sera imposable, le cas échéant majoré de pénalités qui pourront être importantes.
Toute entreprise pouvant, à l’heure d’établir sa déclaration fiscale 2019, escompter qu’elle subira une perte importante en 2020 peut donc constituer cette réserve, avec pour effet qu’elle sera imputée sur le résultat imposable de l’année 2019.
Sur un plan pratique, il sera ainsi possible d’annuler totalement ou partiellement la charge de trésorerie résultant du paiement de l’impôt, voire de récupérer des versements anticipés qui s’avèreraient excédentaires.
En 2020, la réserve imputée sur les résultats 2019 sera reprise et compensée par la perte effective de l’année 2000.
Détail important, les entreprises qui auraient versé des dividendes entre le 12 mars 2020 et la date de dépôt de leur déclaration fiscale, ou qui auraient procédé à un rachat d’actions propres ou à une réduction de capital durant la même période, sont exclues du bénéfice de la mesure.
Une exclusion est également prévue pour les sociétés qui auraient réalisé des transactions avec des entreprises établies dans des paradis fiscaux ou détiendraient des participations dans des sociétés établies dans de tels paradis.
Si une société subit des pertes affectant ses fonds propres et sa solvabilité durant l’année 2020, elle pourra créer une réserve de redressement exonérée d’impôt au cours des années 2021à 2023.
Le but est de permettre à ces sociétés de ramener, en exemption d’impôt, leurs fonds propres comptables à leur niveau de fin 2019.
Le montant de cette réserve de redressement est limité aux pertes d’exploitation de l’exercice comptable 2020, avec un maximum absolu de 20 millions d’euros. Cette réserve pourra être créée durant les années 2021 à 2023.
Il s’agira d’une réserve temporaire exonérée d’impôt, à condition qu’elle soit portée et maintenue à un compte distinct et intangible du passif conformément à l’article 190 du code des impôts sur les revenus. Contrairement à la réserve « COVID-19 » examinée auparavant, il s’agira bien d’une réserve comptable devant figurer dans les comptes annuels.
Cette réserve diminuera à due concurrence les résultats imposables des périodes pendant lesquelles elle aura été constituée.
L’exonération fiscale réserve sera perdue en cas de non-respect de la condition d’intangibilité, ainsi que dans l’hypothèse où la société procède ou aurait procédé à un versement de dividendes, à un rachat d’actions propres ou à une réduction de capital postérieurement au 12 mars 2000.
Il en sera de même si l’entreprise revendiquant la réserve a réalisé ou réalise des transactions avec des entreprises établies dans des paradis fiscaux ou détient une participation dans une société établie dans un paradis fiscal.
Enfin, l’exonération sera également perdue en cas de réduction des dépenses de rémunération et avantages sociaux directs de plus de 15 % par rapport à 2019.
Voilà deux mesures rationnelles et simples à mettre en œuvre (sous réserve du caractère délicat de l’estimation de la perte pour le carry-back) qui sont de nature à permettre aux entreprises de franchir le cap difficile qu’elles seront nombreuses à devoir traverser.
On ne peut donc qu’applaudir …
Thierry Litannie
Avocat spécialisé en droit fiscal (LAWTAX Avocats),
Administrateur à l’O.E.C.C.B.B..