Pour éviter cet impôt successoral, de nombreuses personnes anticipent le transfert de leur patrimoine financier, par exemple en réalisant des donations de leur vivant.
Une donation d’avoirs financiers (liquidités, portefeuille-titres, private equity, etc.) peut être réalisée de diverses manières, comme la remise de liquidités en mains propres (donation manuelle), le transfert bancaire (donation indirecte) ou par acte notarié (donation notariée).
Depuis le 15 décembre 2020, toutes les donations réalisées par un résident belge auprès d’un notaire belge ou étranger (notamment, aux Pays-Bas ou en Suisse) sont obligatoirement enregistrées auprès des autorités fiscales belges. A cette occasion, des droits d’enregistrement sont dus (taux réduits de 3% à 7% selon le cas).
Concernant les donations non réalisées auprès d’un notaire, les parties sont libres de procéder ou non à leur enregistrement auprès des autorités fiscales belges.
Notons que le recours à un notaire est obligatoire dans certaines situations (par exemple, lorsque le donateur souhaite se réserver un usufruit sur les avoirs financiers donnés). La réforme du droit des biens entrée en vigueur le 1er septembre 2021 combinée aux opportunités offertes par le nouveau Code des Sociétés et des Associations limite toutefois significativement ces situations.
Donner des avoirs financiers de son vivant permet d’éviter tout impôt successoral sur les avoirs transmis. En effet, le donateur et la personne gratifiée peuvent, selon la forme de la donation, librement choisir de ne pas soumettre la donation aux droits d’enregistrement réduits (3 à 7%). Dans ce cas, si le donateur ne vient pas à décéder dans les 3 années de la donation, aucun impôt ne sera dû. En cas de décès du donateur dans cette période, la personne gratifiée sera redevable de droits de succession sur les avoirs reçus. Le risque fiscal lié à un décès dans cet intervalle peut être couvert de plusieurs manières (notamment, en souscrivant une assurance spécifique).
Notons que la Wallonie entend porter prochainement ce délai à 5 ans. Sur base des informations en notre possession, cette nouveauté devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2022. Reste à savoir si cette extension aura un « effet rétroactif » ou si elle ne concernera que les donations réalisées à partir du 1er janvier 2022. Pour rappel, la Flandre a déjà évoqué l’idée de porter ce délai à 4 ans. La Région bruxelloise ne s’est pas (encore ?) prononcée sur le sujet. Wait and see.
Une donation correctement aménagée permet de rencontrer la plupart des objectifs recherchés dans le cadre d’une planification patrimoniale. Elle garantit notamment au donateur de continuer à gérer librement les avoirs financiers donnés et à bénéficier des revenus qu’ils produisent. D’autres modalités peuvent également être prévues. Ainsi, certains donateurs souhaitent que la personne gratifiée leur verse une rente ou qu’elle assure le paiement de certains de leurs frais (frais médicaux et/ou paramédicaux ; maison de repos, etc.). Pour garantir le respect de ces modalités, la donation peut être aménagée de manière à ce que la personne gratifiée ne puisse, en aucun cas, disposer, du vivant du donateur, des avoirs donnés.
Il est également fréquent de s’appuyer sur une donation pour garantir le maintien du train de vie du conjoint survivant. La réforme du droit des biens offre de nouvelles possibilités en la matière.
L’intérêt fiscal d’une donation d’avoirs financiers vient à disparaître si la personne gratifiée (l’enfant, par exemple) décède avant le donateur. Les avoirs financiers donnés se retrouvent alors dans la succession de la personne gratifiée et y seront taxés. Ceci peut être évité en prévoyant que le donateur pourra annuler la donation dans un tel cas. Ce dernier pourra ainsi récupérer le bien donné et, par exemple, le donner à d’autres héritiers dans des conditions fiscales favorables. Il existe d’autres cas dans lesquels le donateur pourra annuler la donation. Cette faculté de « revenir en arrière » sécurise fortement les candidats-donateurs et les encourage à réaliser des donations.
Un enfant mineur d’âge est, en principe, incapable sur le plan juridique. A ce titre, il ne peut accepter une donation. Toutefois, tout ascendant autre que l’éventuel parent-donateur peut accepter, au nom de l’enfant gratifié, la donation. Il est prudent d’analyser, au cas par cas, le type de donation envisagée. Si celle-ci comporte certaines charges spécifiques pour l’enfant gratifié, il n’est pas exclu que l’accord du juge de paix soit requis.
Au final, la donation d’avoirs financiers est l’une des formules les plus efficaces de planification patrimoniale. Elle permet notamment aux parents d’éviter à leur enfant un impôt successoral qui amputerait brutalement le patrimoine familial, tout en leur assurant les droits/garanties qu’ils souhaitent conserver sur les avoirs financiers donnés. Donner ne signifie pas se dépouiller !
Me Grégory Homans, associé-gérant du cabinet d’avocats Dekeyser & associés[1] (www.dekeyser-associes.com), chargé de cours à l’UCLouvain
[1] Les développements ci-après dressent un état du droit et de son interprétation au 3 octobre 2021 ; l’auteur peut être contacté par courriel à l’adresse : office@dekeyser-associes.com