• FR
  • NL
  • EN

Du côté du droit social… Priorité aux mesures en matière de sécurité sociale

Dès leur publication, nous vous exposions les mesures relatives au droit social envisagées par le Gouvernement Arizona dans son accord du 4 février 2025 (ci-après « l’Accord de Gouvernement »).

Pour rappel, il s’agissait de mesures ayant principalement vocation à réformer profondément le système des allocations de chômage, à lutter contre l’absentéisme au travail et à réintégrer les malades de longue durée, à maintenir plus longuement les travailleurs actifs, à organiser le travail de manière plus moderne (plus de flexibilité et de mobilité) – notamment en réintroduisant la période d’essai et en limitant l’indemnité de licenciement à maximum 52 semaines pour les nouveaux engagés –, à rémunérer plus adéquatement les travailleurs, sans cependant augmenter le coût dans le chef de l’employeur, ou encore à plafonner les cotisations de sécurité sociale patronales et à lutter contre la fraude sociale.

Après de nombreuses discussions et allers-retours entre les différents partis politiques, le Conseil d’Etat et les commissions consultées, la loi-programme a enfin été votée et adoptée (ci-après, « la Loi-programme »).

Dans ce numéro, nous vous détaillons les principales dispositions sociales à présent concrétisées dans la législation[1].


I. MODIFICATIONS RELATIVES AU CHÔMAGE

L’objectif du nouveau Gouvernement fédéral a été annoncé dès le départ : pourvoir au maximum aux emplois vacants et augmenter le taux d’emploi pour le porter à 80% d’ici 2029, et ce, au regard de la nécessité de préserver la viabilité financière et la qualité du système social dans le cadre d’une trajectoire budgétaire réaliste.

Pour atteindre ces objectifs, la réforme vise une trajectoire de réintégration professionnelle, dans une logique de responsabilisation solidaire. Dans ce cadre, le régime des allocations de chômage est largement remanié pour en faire une véritable assurance.

Dans cet ordre d’idées, la Loi-programme qui vient d’être adoptée contient une série de mesures révolutionnaires, dont certaines sont qualifiées par d’aucuns de recul significatif de la protection sociale, mais dont le Gouvernement, tout comme le Conseil d’Etat, considèrent qu’elles sont raisonnablement justifiées au regard des objectifs poursuivis dans les contextes européen et belge que nous connaissons.––

Le principal obstacle au vote de cette réforme était la question de la compensation accordée aux CPAS, puisque ces derniers seront sans aucun doute sollicités par une partie des personnes qui seront exclues du chômage. Le Gouvernement a pu trouver un accord sur le financement futur des CPAS ce 17 juillet et voici donc l’essentiel des nouvelles mesures adoptées en matière d’allocations de chômage.

Assouplissement des conditions d’admissibilité (« stage »)

Pour pouvoir accéder aujourd’hui au bénéfice des allocations de chômage, le travailleur salarié doit justifier d’un certain nombre de jours de travail sur une certaine période de référence précédant la demande (appelée « période de stage »). Ces deux critères sont fixés en fonction de son âge au moment de la demande du bénéfice des allocations, allant de minimum 312 jours sur une période de référence de 21 mois pour le travailleur âgé de moins de 36 ans, à maximum 624 jours au cours des 42 mois pour un travailleur de 50 ans et plus. Les travailleurs à temps partiel volontaire doivent, quant à eux, justifier du même nombre de demi-jours de travail que ceux requis pour les travailleurs à temps plein pour être admis, la période de référence étant toutefois prolongée de six mois.Ils doivent en outre avoir été occupés dans un régime de travail à temps partiel comportant normalement en moyenne au moins douze heures de travail par semaine ou un tiers au moins du nombre d'heures de travail hebdomadaire normalement prestées en moyenne dans l’entreprise.

La Loi-programme assouplit et uniformise les conditions d’admissibilité en prévoyant dorénavant la même période de stage pour tous les travailleurs, peu importe leur âge, à savoir 312 (demi-) journées de travail (assimilées) au cours d’une période de référence unique, à savoir les 36 mois précédant la demande d’allocations. L’extension de la période de référence de six mois pour les travailleurs à temps partiel est abrogée.

Pour ouvrir le droit aux allocations de chômage, il n’est pas tenu compte de journées de travail ou de journées assimilées situées avant une précédente admissibilité. En d’autres mots, s’il souhaite une nouvelle fois être au bénéfice des allocations de chômage, le travailleur doit remplir à nouveau les conditions d’admissibilité précitées, sans que les mêmes journées de travail (assimilées) ouvrent plusieurs fois une période de droit aux allocations.

Dans le nouveau système, la période de référence de 36 mois est prolongée à due concurrence en cas de survenance des événements suivants : (i) la période durant laquelle le travailleur a bénéficié d’une indemnité en raison d’une incapacité ou invalidité de travail, qu’elle soit professionnelle ou de droit commun, (ii) la période d’exercice d’au moins trois mois d’une profession en vertu de laquelle le travailleur n’est pas assujetti à la sécurité sociale pour le chômage, à savoir typiquement l’activité indépendante ou comme fonctionnaire statutaire (sauf si une telle période peut être assimilée à du travail effectif, cf. infra), à concurrence de maximum quinze ans, (iii) la période couverte par des allocations d’interruption, en raison d’une interruption de carrière professionnelle ou de la prise d’un crédit-temps, et (iv) la période de détention préventive ou de privation de liberté, durant une période de travail ou de chômage. Ces événements prolongateurs de la période de référence visent à tout de même tenir compte des périodes durant lesquelles le travailleur n’est pas en mesure d’exercer un travail susceptible de contribuer à l’accomplissement du stage, sans toutefois se départir de la logique de l’Accord de Gouvernement de ne valoriser que le travail effectif ou assimilé.

Ces modifications entreront en vigueur le 1er mars 2026, tout en prévoyant des mesures transitoires prévues pour les travailleurs qui ont été admis aux allocations de chômage avant cette date sur pied des anciennes conditions d’admissibilité et en fonction de la période d’indemnisation dans laquelle ils se trouvaient au 30 juin 2025, ou s’ils ne bénéficiaient pas effectivement d’allocations à cette date, à la date de la première (ou nouvelle) demande d’allocations avant le 1er mars 2026.

Modifications des périodes assimilées à du travail effectif

Comme expliqué ci-avant, pour avoir droit aux allocations de chômage, il faut pouvoir justifier d’un certain nombre de jours de travail, durant une période de référence déterminée (« stage »).

L’article 38 § 1er de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage (ci-après « l’AR chômage »), dans sa forme actuelle, liste une série de journées non travaillées effectivement, mais toutefois assimilées à des journées de travail, aux fins de la vérification des conditions d’admissibilité précitées.

A dater du 1er mars 2026, la liste prévue à l’article 38 § 1er est modifiée. Cette modification s’inscrit dans la volonté du Gouvernement de mettre l’accent sur le principe d’assurance des allocations de chômage en valorisant davantage les périodes couvertes par une rémunération.

Dans cet esprit, voici les modifications les plus notables :

  • Les jours d’incapacité ou d’invalidité indemnisés, notamment par la mutuelle ou par l’assureur-loi, ne sont plus assimilés à du travail effectif. En revanche, ces jours allongent désormais la période de référence de 36 mois prise en compte pour examiner si les conditions de stage sont remplies ;
  • Par dérogation à ce qui précède, les jours pour lesquels une travailleuse bénéficie d’une indemnité de maternité, la période d’interdiction de travail durant le congé de maternité prénatal et postnatal, et les jours légaux dans le cadre d’un congé de paternité ou d’adoption, sont maintenus dans la liste des journées assimilées à du travail effectif, tel qu’annoncé dans l’Accord de Gouvernement ;
  • Concernant les jours indemnisés par une allocation de chômage, seuls les jours pour lesquels une allocation de chômage temporaire durant un contrat de travail a été octroyée sont maintenus dans la liste.

Limitation dans le temps du droit aux allocations de chômage

La Belgique compte un nombre croissant de chômeurs (longue durée), alors qu’elle connait, dans le même temps, un nombre significatif d’emplois vacants. En outre, elle est le dernier Etat de la zone euro à octroyer des allocations de chômage à durée illimitée. La Commission européenne et le Fonds monétaire international ont récemment souligné les dangers potentiels d’un régime de chômage ayant une durée d’indemnisation illimitée.

Dans ce contexte et en ligne avec les objectifs précités, l’article 169 de la Loi-programme, remplaçant l’article 114 (§§1 et 2) de l’AR chômage », instaure d’une part la limitation dans le temps de l’octroi des allocations de chômage et introduit, d’autre part, une simplification de la dégressivité des allocations de chômage.

Le droit au bénéfice des allocations de chômage est désormais octroyé, pour autant que les conditions d’admissibilité soient remplies, pour une période de maximum douze mois, qualifiée de « première période d’indemnisation ».

Cette première période d’indemnisation pourra être prolongée d’une « deuxième période d’indemnisation », dont la durée est fonction du passé professionnel du travailleur. Cette deuxième période est constituée d’un mois supplémentaire de droit aux allocations de chômage par période de passé professionnel de 104 (demi-) journées (assimilées) de travail, ce qui revient à un mois supplémentaire par période de quatre mois de travail, sans pouvoir excéder douze mois. Pour la détermination de la durée de cette deuxième période d’indemnisation, une série de journées de travail (assimilées) ne sont pas prises en compte, notamment les 312 (demi-) jours de travail (assimilés) que le travailleur doit prouver pour ouvrir son droit aux allocations de chômage et à la première période d’indemnisation. Ainsi, si un travailleur introduit une toute première demande d’allocations de chômage après avoir travaillé 7 ans à temps plein (= 2184 jours), il prouve bien 312 jours de travail, ce qui ouvre par conséquent le droit à la première période d’indemnisation. Sur la base de son passé professionnel restant (2184 jours – 312 jours = 1872 jours), une deuxième période d’indemnisation de 12 mois (plafond) lui est octroyée (1248 jours (104 x 12) sur les 1872 de son passé professionnel sont donc utilisés).

Concrètement, la période d’indemnisation totale sera donc dorénavant plafonnée à vingt-quatre mois, sauf exception pour certaines catégories de travailleurs. La limitation dans le temps de l’octroi des allocations de chômage constitue sans conteste la mesure la plus révolutionnaire de la réforme du régime de chômage.

Exceptions pour certaines catégories de travailleurs

Certains travailleurs ne sont pas soumis, à titre d’exception, à la limitation dans le temps de l’octroi des allocations de chômage.

Il s’agit notamment, parmi d’autres exceptions, des travailleurs plus âgés qui, au moment où leur droit aux allocations a été constaté, sont âgés d’au moins 55 ans et justifient d’un passé professionnel d’au moins 31 ans (graduellement relevé à 35 ans en 2030) et de ceux qui bénéficient d’un régime de chômage avec complément d’entreprise (« RCC » ou anciennement la prépension). Le nombre d’années de passé professionnel repose sur une norme de 312 jours équivalents temps plein par an, en ce qu’il est tenu compte du nombre de journées de travail (assimilées), divisé par 312.Si le dividende de cette opération est égal ou supérieur à 156, le passé professionnel pris en compte est toutefois augmenté d’une unité. Ainsi, un travailleur qui comptabilise 10.200 jours de travail (assimilés) sur sa carrière, compte 33 ans de passé professionnel, puisqu’il faut tenir compte de 32 ans de passé professionnel, augmenté d’une unité (10.200 – (312 x 32) = 216, soit + 1 unité).

Le droit aux allocations de chômage reste illimité dans le temps pour ces catégories de travailleurs. L’exception visant à protéger les travailleurs âgés contre l’exclusion, a été réduite dans son champ d’application, puisqu’il avait été annoncé dans l’Accord de Gouvernement que la limitation dans le temps ne s’appliquerait pas aux personnes de plus de 55 ans avec une carrière d’au moins 30 ans comptant au moins 156 jours travaillés par an. D’après les chiffres de l’ONEm, seulement 18% des chômeurs âgés de 55 ans et plus remplissent la condition de carrière telle que prévue dans la Loi-programme. Si ce constat a suscité l’émoi au sein de la Chambre, cela n’a pas suffi à accepter les amendements de l’opposition visant à supprimer cette condition.

Une autre exception, permettant d’allonger la période maximale de 24 mois, est prévue pour les travailleurs qui, à l’expiration de la période d’indemnisation, suivent une formation préparant à un emploi dans les fonctions critiques dans le secteur des soins de santé en tant qu’infirmier ou aide-soignant. Pour ces travailleurs, le droit aux allocations est maintenu pendant toute la durée ininterrompue de ladite formation, tout en étant limité à maximum un an après la durée minimale totale normale de la formation et au plus tard cinq ans à compter du début de la formation. Cet avantage ne peut être octroyé qu’une seule fois durant la carrière professionnelle.

La règle devient donc la limitation dans le temps de l’indemnisation de l’assurance chômage à une période de douze mois, pouvant être prolongée à maximum 24 mois dans certaines hypothèses, sauf quelques exceptions spécifiques pour certaines catégories de travailleurs qui continueront à bénéficier des allocations de chômage durant une période plus longue, voire de manière illimitée dans le temps.

Ces nouvelles mesures seront applicables à partir du 1er mars 2026. Les travailleurs bénéficiant du droit aux allocations en vertu des anciennes dispositions de l’AR chômage verront leur droit illimité converti de plein droit en un droit limité, sauf exceptions, en conformité avec les nouvelles dispositions, un régime transitoire étant prévu, à dater du 1er juillet 2025, pour les admissions au chômage antérieures au 1er mars 2026, prévoyant une exclusion, sauf exceptions, du droit aux allocations en plusieurs phases.

Dégressivité des allocations de chômage renforcée

Le montant des allocations est désormais plus important durant la première période d’indemnisation, via une augmentation du plafond, pour ensuite évoluer vers un montant forfaitaire après un certain nombre de mois, le même pour tous, quel que soit le montant de leur rémunération, ce qui s’inscrit donc dans l'objectif annoncé d'inciter les demandeurs d'emploi à retrouver rapidement un emploi, et d’ainsi réduire le taux de chômage et augmenter le taux d’emploi.

L’article 169 de la Loi-programme modifie également l’article 114 (§§3 & 4) de l’AR chômage, en ce qu’il prévoit que, durant la première période d’indemnisation, le montant journalier de l’allocation de chômage sera dorénavant fixé en fonction de (i) la dernière rémunération moyenne du chômeur (ii) la catégorie familiale (iii) le montant limite applicable et (iv) la durée du chômage.

La durée du passé professionnel n’a plus d’impact sur la détermination du montant de l’allocation durant la première période d’indemnisation, tandis que ce critère redevient déterminant dans la fixation du montant des allocations pour la deuxième période d’indemnisation.


Voici les nouveaux pourcentages et montants auxquels correspondent les allocations de chômage d’un chômeur complet dans le régime de chômage revisité :


Allocation de chômage journalière durant la première période d’indemnisation

Allocation de chômage journalière durant la deuxième période d’indemnisation

Trois premiers mois

65% de la dernière rémunération journalière moyenne, plafonnée à 160,8607 EUR (= limite salariale A1 - montant indexé 2025)

ð allocation journalière maximale de 104,56 EUR (augmentation de 18,75 EUR du montant maximal actuel)

/

Du quatrième au sixième mois

60% de la dernière rémunération journalière moyenne, plafonnée à 151,2453 EUR (= limite salariale A2 - montant indexé 2025)

ð allocation journalière maximale de 90,75 EUR (augmentation de 11,54 EUR du montant maximal actuel)

/

Du septième au douzième mois

60% de la dernière rémunération journalière moyenne plafonnée à 123,0401 EUR (= limite salariale B - montant 2025))

ð allocation journalière maximale de 73,82 EUR (= statu quo du montant maximal actuel)

/

Au-delà du douzième mois

/

°passé professionnel ≥ 31 ans (progressivement élevé à 35 ans àpd 2030) : Montant journalier minimum entre 40,72 EUR et 68,23 EUR (forfait fixé en fonction de la situation familiale - montants indexés 2025) ;

°passé professionnel ≤ 31 ans : Montant journalier minimum entre 28,69 EUR et 68,23 EUR (forfait fixé en fonction de la situation familiale – montants indexés 2025)


Autorisation d’un abandon d’emploi au cours de la carrière

Pour pouvoir bénéficier des allocations de chômage, l’une des conditions d’octroi est la privation involontaire de travail.

Le Gouvernement avait annoncé l’instauration d’une entorse à ce principe, dénommée le « droit trampoline ». Cette mesure-phare a été intégrée dans la Loi-programme, complétant l’article 52bis de l’AR chômage.

En essence, le droit trampoline laisse la possibilité, à raison d’une seule fois au cours de la carrière professionnelle, à un travailleur, de démissionner d’un poste convenable sans être exclu du bénéfice des allocations de chômage, à condition de justifier, au moment de l’abandon d’emploi, d’un passé professionnel d’au moins 3.120 jours, soit dix ans, de jours de travail ou assimilés.

Le droit aux allocations sera conservé pendant une période maximale de six mois à partir de la demande d’allocations, laquelle pourra être prolongée une seule fois de six mois maximum, si le chômeur concerné a entamé une formation dans un métier en pénurie au cours des trois premiers mois de la période pour laquelle les allocations ont été octroyées, et à condition que cette formation soit achevée avec succès.

Cette nouvelle possibilité trampoline s’appliquera uniquement aux abandons d’emploi survenus après le 28 février 2026.

Dérogation à la définition d’emploi réputé non convenable

Pour pouvoir bénéficier des allocations de chômage, le chômeur complet doit être disponible pour le marché de l'emploi, cette dernière notion visant l'ensemble des emplois qui sont considérés comme « convenables » pour le chômeur.

En vertu de la réglementation actuelle, un emploi est réputé « non convenable » si le revenu net n’est pas au moins égal au montant des allocations de chômage dont peut bénéficier le travailleur en tant que chômeur complet, en tenant compte à chaque fois de certaines déductions, retenues et majorations.

La Loi-programme prévoit une dérogation à cette définition. Dorénavant, durant les six premiers mois de la période d’indemnisation, l’emploi est réputé convenable si la rémunération globale qu’il procure est égale à au moins 90% du montant des indemnités dont il peut bénéficier en tant que chômeur complet.

Cette dérogation est justifiée par l’augmentation significative de la limite salariale pour calculer les allocations de chômage durant cette première période d’indemnisation (cfr. supra). Elle entrera en vigueur à dater du 1ermars 2026.

Disponibilité des travailleurs âgés sur le marché de l’emploi

Le chômeur doit être inscrit comme demandeur d'emploi et être disposé à accepter tout emploi convenable.

Aujourd’hui, certains travailleurs âgés ou ceux qui comptabilisent une longue durée de passé professionnel, sont dispensés de l’obligation d’être disponibles sur le marché de l’emploi.

Cette dispense est abrogée. Dorénavant, tous les demandeurs d’emploi, quel que soit leur âge, devront rester disponibles pour un nouvel emploi jusqu’à l’âge de leur pension légale.

En guise de mesure transitoire, les travailleurs qui bénéficient de la dispense au 28 février 2026, la conserveront jusqu’au moment où leur droit aux allocations prend fin conformément aux dispositions relatives à la limitation dans le temps des allocations, sauf s’ils tombent dans l’une des exceptions qui maintiennent le droit aux allocations de manière illimitée ou prolongée.


II. Contribution Wijninckx : gel temporaire du plafond Wijninckx

La contribution Wijninckx est une cotisation patronale spéciale de sécurité sociale, applicable aux pensions complémentaires les plus élevées. Elle s’ajoute à la cotisation ordinaire de 8,86 %. Cette contribution n’est due que lorsque la somme du montant du premier pilier (pension légale) et du deuxième pilier (pension complémentaire) dépasse le montant maximal de la pension d’un fonctionnaire. Ce montant de référence est appelé plafond Wijninckx, et s’élève, depuis le 1er février 2025, à 99.499,24 euros bruts par an.

Dans le cadre de la limitation temporaire de l’indexation des pensions des fonctionnaires, le gouvernement a décidé de geler également l’indexation du plafond Wijninckx. Le montant de référence reste donc fixé à 99.499,24 euros pendant toute la période de gel.

Cette mesure temporaire entre en vigueur le 1er juillet 2025 et restera applicable jusqu’au plus tard le 31 décembre 2029.

Durant cette période, la contribution Wijninckx sera donc plus rapidement due, puisque le plafond ne suivra pas l’évolution de l’inflation.

L’objectif de cette mesure, instaurée par le gouvernement Arizona, est de freiner la croissance rapide des dépenses de pension et de contribuer au redressement des finances publiques fédérales.

Par ailleurs, la loi-programme prévoit désormais que, pour la détermination du plafond Wijninckx, il sera tenu compte des pensions étrangères ainsi que des pensions versées par des institutions supranationales ou internationales.

Enfin, il convient de signaler que le gouvernement Arizona a également annoncé son intention de modifier le taux de la contribution Wijninckx. Actuellement fixé à 3 %, ce taux devait déjà être porté à 6 % à partir du 1er janvier 2028 par la précédente coalition Vivaldi. Le gouvernement Arizona entend aller plus loin et porter ce taux à 12,5 % dès l’année de cotisation 2026. Aucune disposition à cet effet n’a toutefois encore été intégrée dans la loi-programme : il faudra donc attendre la confirmation législative de cette mesure.


III. EXONÉRATION DES COTISATIONS PATRONALES SUR LES HAUTS SALAIRES

En Belgique, les cotisations de sécurité sociale des travailleurs salariés ne sont pas plafonnées dans notre pays, avec le résultat que le coût salarial pour les cadres moyens et supérieurs a augmenté de manière excessive et s’écarte pour ces catégories le plus fortement en comparaison avec nos pays voisins.

Afin d’améliorer la compétitivité des entreprises belges, l’Accord de Gouvernement avait annoncé l’intention de réduire le coût salarial des sociétés pour les hauts salaires, par le biais d’un plafonnement des cotisations de sécurité sociale patronales. L’objectif étant d’alléger les charges financières des entreprises, tout en maintenant des protections sociales adéquates.

La Loi-programme introduit, à partir du 1er juillet 2025, ainsi un plafond de rémunération qui sera indexé au-delà duquel les cotisations de sécurité sociale patronales pour les travailleurs salariés ne seront plus dues, les cotisations patronales n’étant dues que sur la partie du salaire trimestriel qui est en-dessous du plafond. Au cas où le travailleur occuperait plusieurs emplois chez un même employeur, le montant limite sera réparti pour garantir une application équitable du plafond.

Le montant limite au-delà duquel les cotisations patronales ne seront plus dues sera fixé par arrêté royal . Celui-ci s’élèverait, pour la période 2025-2026, à 85.000 EUR par trimestre et serait réduit à partir de 2027 à 67.500 EUR par trimestre (montants indexés), ce qui signifierait qu’à partir du 1er juillet 2025, aucune cotisation patronale ne serait plus due sur un salaire brut de base supérieur à 28.333 EUR par mois. Il ne reste plus qu’à attendre l’arrêté royal, qui devra intervenir ans autre retard vu l’entrée en vigueur du plafonnement dès le troisième trimestre 2025.


IV. Adaptation du régime de cotisations sociales pour les indépendants après l’âge légal de la pension

À l’heure actuelle, les travailleurs indépendants qui atteignent l’âge légal de la pension mais choisissent de ne pas la percevoir et poursuivent leur activité professionnelle, restent soumis aux cotisations sociales ordinaires calculées sur leur revenu professionnel net. Toutefois, contrairement aux indépendants en activité principale, aucune cotisation minimale ne leur est imposée.

Ainsi, les indépendants pensionnés paient moins de cotisations que les indépendants en activité principale dès que leur revenu net est inférieur à 17.088,88 euros (montant 2025), et aucune cotisation n’est due lorsque le revenu net n’excède pas 3.763,50 euros. En contrepartie, ces indépendants ne constituent plus de nouveaux droits à la pension à partir de leur âge légal.

La loi-programme modifie cette situation : désormais, ces indépendants devront s’acquitter des cotisations sociales minimales, ce qui leur permettra de continuer à acquérir des droits de pension, même sur des revenus modestes.

Concrètement, les indépendants ayant atteint l’âge de la pension seront désormais soumis à la cotisation minimale des indépendants en activité principale, soit 871,71 euros par trimestre. Pour les revenus supérieurs à ce seuil, le régime actuel reste inchangé.

Il est important de souligner qu’il s’agit d’un régime à option (« opt-out ») : les indépendants concernés pourront choisir de rester soumis à l’ancien système (sans cotisation minimale), mais sans constitution de droits de pension supplémentaires. La procédure de demande permettant d’opter pour cette dérogation sera fixée par arrêté royal.

Cette nouvelle réglementation entrera en vigueur le 1er octobre 2025 et s’appliquera aux cotisations dues à partir du quatrième trimestre 2025.


V. CONGÉ PARENTAL POUR LES PARENTS D’ACCUEIL

Dans l’objectif de rechercher des solutions pour parvenir à un équilibre sain entre vie professionnelle et vie privée afin de permettre aux travailleurs de travailler plus longtemps mais de manière plus faisable, la Loi-programme a prévu d’étendre le congé parental pour les parents d’accueil.

À partir du 1er juillet 2025, un nouveau droit au congé parental est introduit pour les travailleurs accueillant un enfant dans le cadre d’un placement familial de longue durée. Ce congé est identique à celui accordé aux parents biologiques (au premier degré), soit maximum 4 mois d’interruption complète ou équivalent en réduction de temps de travail, par enfant, et donne droit à des allocations d’interruption de l’ONEM. Le droit au congé parental existe tant que l’enfant est effectivement placé dans la famille.

Pour que les parents d’accueil puissent bénéficier du congé parental, le placement familial doit être officiellement reconnu (par un tribunal, un service agréé, l’Aide à la Jeunesse ou le Comité pour l’Aide spéciale à la Jeunesse) et il doit s’agir d’un placement prévu pour au moins six mois dans la même famille. L’enfant doit être inscrit dans le ménage du travailleur dans le registre de la population ou des étrangers.

Si deux travailleurs sont désignés comme parents d’accueil, chacun peut bénéficier du congé, sous réserve du respect des conditions précitées.


VI. PROLONGATION DES DISPOSITIONS EXISTANTES EN MATIÈRE D’HEURES SUPPLÉMENTAIRES

En droit belge, il existe les heures supplémentaires « involontaires », pour lesquelles l’employeur doit disposer d’un motif valable prévu par la loi. Ces heures supplémentaires donnent droit à un repos compensatoire et à un sursalaire. Un régime fiscal avantageux s'applique pour les 180 premières heures par an.

En plus des heures supplémentaires involontaires, il existe également les heures supplémentaires « volontaires », pour lesquelles l’employeur n’est pas tenu d'accorder un repos compensatoire, mais doit payer un sursalaire. Parmi les heures supplémentaires volontaires figurent également les heures supplémentaires de relance et les heures supplémentaires nettes dans le secteur de l’Horeca, bénéficiant d’un régime fiscal encore plus avantageux en ce que l’employeur ne doit ni fournir de repos compensatoire ni payer de sursalaire, et n’est pas redevable des cotisations de sécurité sociale ou du précompte professionnel. Ces deux derniers types d’heures supplémentaires offrent une flexibilité supplémentaire pour l’employeur, dès lors qu’ils peuvent être combinés avec les heures supplémentaires volontaires ordinaires,

Prolongation du régime des heures supplémentaires fiscalement avantageuses

Depuis le 1er janvier 2019, le quota d’heures supplémentaires bénéficiant d’un régime fiscal préférentiel est passé de 130 heures à 180 heures par travailleur et par an dans tous les secteurs d’activités.

Le régime fiscal avantageux consiste pour l’employeur en une dispense partielle de versement du précompte professionnel (plus ou moins importante selon le pourcentage du sursalaire légal[2]), et pour le travailleur en une réduction d’impôt, qui est comptabilisée immédiatement via la réduction du précompte professionnel[3].

Initialement prévue jusqu’au 31 décembre 2020, cette mesure a été prolongée à plusieurs reprises, en dernier lieu jusqu’au 30 juin 2025.

À partir du 1er juillet 2025, le plafond devait donc revenir à 130 heures par an, sauf exceptions pour des secteurs déterminés, notamment le secteur de la construction au sein duquel le quota de 180 heures supplémentaires par an est applicable sans limitation de durée et le secteur de l’Horeca au sein duquel le quota est de 360 heures supplémentaires par an sans limitation de durée.

Concrètement cela signifiait donc que, pour l’exercice d’imposition 2026, les 180 heures supplémentaires bénéficiant d’un régime fiscal préférentiel devaient être prestées entre le 1er janvier et le 30 juin 2025 au plus tard.

La Loi-programme prolonge cependant une nouvelle fois le plafond de 180 heures supplémentaires par travailleur et par an jusqu’au 31 décembre 2025, et ce dans tous les secteurs d’activité. Les exceptions prévues dans le secteur de la construction et dans le secteur de l’Horeca sont quant à elles maintenues.

Cette mesure produit ses effets à partir du 1er juillet 2025.

Prolongation du régime des heures supplémentaires volontaires dites « de relance »

Depuis le 1er juillet 2021, le gouvernement a instauré un quota de 120 heures supplémentaires « volontaires » dites « de relance » par travailleur et par an, venant s’ajouter aux 100 heures supplémentaires volontaires annuelles ordinaires, dans tous les secteurs d’activités.

Cette mesure s’inspire de la mesure mise en place durant la crise du COVID-19, qui permettait aux travailleurs des secteurs essentiels de prester 120 heures supplémentaires volontaires « corona » au cours des trois premiers trimestres de 2021.

Ces heures sont volontaires, sans sursalaire et totalement défiscalisées : elles ne sont soumises ni aux cotisations de sécurité sociale, ni au précompte professionnel, ni à l’impôt des personnes physiques.

Initialement prévue jusqu’au 31 décembre 2022, cette mesure a été prolongée à plusieurs reprises, en dernier lieu jusqu’au 30 juin 2025, signifiant que pour l’exercice d’imposition 2026, les 180 heures devaient être prestées entre le 1er janvier et le 30 juin 2025 au plus tard.

La Loi-programme prolonge ce régime jusqu’au 31 décembre 2025, dans tous les secteurs d’activité.

Cette mesure produit ses effets à partir du 1er juillet 2025.

Pour rappel, dans l’Accord du Gouvernement, il était prévu de porter le total des heures supplémentaires volontaires de 220 à 360 heures par travailleur et par an. Plus précisément, il était prévu d’augmenter le contingent de base (heures supplémentaires volontaires ordinaires) de 100 heures à 120 heures et le contingent additionnel (heures supplémentaires volontaires dites « de relance ») de 120 heures à 240 heures. Pour le secteur de l’Horeca, le Gouvernement Arizona prévoyait d’étendre ce plafond à 450 heures par travailleur et par an, dont 360 heures sans sursalaire.

Ces mesures ne figurent toutefois pas dans la Loi-programme. Le régime actuel reste donc inchangé, mais simplement prolongé.


CONCLUSION

Avec cette Loi-programme le Gouvernement a, d’un point de vue du droit social, choisi de ne s’attaquer pour l’instant, « que » à la réforme – conséquente – du régime de chômage, au plafond des cotisations de sécurité sociale patronales, à une seule mesure en matière de pension (complémentaire) et de cotisations pour les travailleurs indépendants, et à, certes, quelques mesures en droit du travail, mais pas celles attendues le plus impatiemment, parmi lesquelles les mesures annoncées en matière d’incapacité de travail ou de plafond des préavis.

Cela reflète un choix d’opportunité par lequel le Gouvernement confirme la priorité qu’il souhaite accorder à l’objectif d’augmentation de la viabilité financière et de la qualité de notre système social. Pour ce qui concerne les autres mesures annoncées et attendues, seul l’avenir nous indiquera si et dans quel délai elles seront traitées et introduites dans notre ordre législatif. Nous ne manquerons pas de vous en tenir informés.

Lors de la publication de son accord de gouvernement du 4 février 2025, le gouvernement Arizona a détaillé ses grandes orientations sociales.

Ses priorités sont multiples :

  • une réforme en profondeur du régime de chômage, visant à porter le taux d’emploi à 80 % d’ici 2029,
  • la réduction de l’absentéisme au travail et la réintégration des malades de longue durée,
  • l’allongement des carrières actives,
  • davantage de flexibilité et de mobilité sur le marché du travail, notamment via la réintroduction de la période d’essai et la limitation des indemnités de rupture à 52 semaines maximum,
  • une meilleure adéquation des salaires sans coût supplémentaire pour l’employeur,
  • le plafonnement des cotisations patronales de sécurité sociale,
  • et une lutte renforcée contre la fraude sociale.

Après de longues discussions, une première loi-programme a été adoptée en juillet 2025.

Elle contient plusieurs mesures sociales concrètes, parmi lesquelles :

  • la réforme du chômage,
  • le plafonnement des cotisations patronales,
  • une mesure relative aux pensions (le gel du plafond Wijninckx),
  • des ajustements concernant les travailleurs indépendants,
  • et quelques modifications ponctuelles du droit du travail.

_________

[1] Le présent article est rédigé sur la base du texte « Projet de loi-programme – Articles adoptés par la séance plénière » du 10 juillet 2025, publié le lendemain. Il s’agit, à l’heures de ces lignes, du dernier texte disponible.

[2] Étant entendu que c’est le montant du précompte professionnel avant dispense qui sera affecté aux impôts finaux dus par le travailleur.

[3] Cfr. Tetracademy de juin 2021.



​​La Tetracademy est la revue trimestrielle juridique du cabinet d’affaires bruxellois Tetra Law. Cet article en est extrait. Pour plus d’informations ou pour recevoir chaque nouvelle publication, n’hésitez pas à suivre la Tetracademy en envoyant un email à tetracom@tetralaw.com ».



Mots clés

Articles recommandés

L'état du marché du travail wallon à la veille du grand bouleversement

Presque deux fois plus d’employeurs octroient des chèques-repas: 67% accordent déjà le montant maximum

5 réflexions sur les négociations budgétaires