Fraude fiscale et données volées

On se souviendra qu’en 2016, la presse de pratiquement le monde entier a cru faire des “révélations” mettant en cause des milliers de personnes, accusées de fraude fiscale. Ce dossier, celui des “Panama papers”, a fait l’objet de multitudes d’articles, de commissions parlementaires dans plusieurs pays, y compris la Belgique et de doctes commentaires stigmatisant en général la fraude fiscale qui aurait été “démontrée” par des données que s’était procuré un consortium mondial de journalistes.

Et effectivement, des données transmises par un “lanceur d’alerte”, c’est-à-dire volées à un cabinet d’avocats des Bermudes, faisaient apparaître des noms d’un très grand nombre de personnes qui se sont vu accusées de fraude fiscale dans les médias.
On notera que les procès qui se sont tenus n’ont pratiquement rien donné dans la plupart des cas, et pratiquement jamais en Belgique.

Aujourd’hui, l’on apprend qu’un tribunal du Panama, appelé à juger 29 personnes accusées de fraude et de blanchiment d’argent, en ce compris les deux dirigeants du cabinet d’avocats panaméen Mossack-Fonseca, a prononcé un acquittement général.

Le Panama n’est plus la république bananière qu’il a été jadis. Il s’agit d’un État démocratique, connaissant la séparation des pouvoirs, et dont les dirigeants sont régulièrement élus au suffrage universel.

Il n’y a pas de raison de mettre particulièrement en doute son système judiciaire plus qu’un autre. Si l’acquittement a été prononcé, ce n’est pas parce qu’il y aurait eu prescription, ou que des arguments de procédure aient été invoqués, mais tout simplement parce que, selon le tribunal, les preuves recueillies “ne permettaient pas d’établir avec certitude leur authenticité et leur intégrité”.

En clair, cela veut dire que, même en disposant, au Panama lui-même, à la source, de tous les documents nécessaires, on ne peut aboutir à la conclusion que les personnes citées aient réellement commis des fraudes ou du blanchiment. Légitimement, la justice exige des preuves, discutées dans le cadre d’une procédure contradictoire, et en l’espèce, elle a conclu que de telles preuves n’existaient pas avec certitude.


Il est tout de même significatif qu’aucun organe de presse n’ait émis le moindre doute sur les documents qu’il a présentés comme preuves. Les journaux se contentent visiblement, dans ce domaine, de beaucoup moins que les juges. Le tribunal de l’opinion condamne vite, et n’a pas besoin de grand chose pour mettre en cause, parfois gravement, la vie des gens qu’il cite et faire douter de leur intégrité.

Certes, ce n’est qu’un jugement susceptible d’appel, et le juge n’a pas dit que tout était faux. Mais il est significatif que même en disposant des données et documents originaux, saisis sur place, le premier tribunal qui statue sur cette affaire a conclu à l’absence de preuves, des années après les faits, alors que les journalistes du monde entier, sans se poser de question, avaient déjà condamné des dizaines de milliers de personnes.

Tout cela n’est pas nouveau, on le sait. Ce qui est souvent présenté comme du “journalisme d’investigation” n’est que la gestion d’une fuite, le plus souvent organisée par quelqu’un. Ce qui serait une investigation, ce serait d’essayer de rechercher qui a voulu que ces pièces, aujourd’hui jugées peu probantes par la justice, fassent quand même le tour du monde.

En attendant, ce qui est réellement démontré dans ce dossier, c’est qu’un certain nombre de personnes faisaient appel à des sociétés offshores pour payer moins d’impôts. Franchement, on peut douter que qui que ce soit ait ignoré qu’il en fut ainsi, sans avoir besoin des “Panama papers”.

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