La Cour Européenne de justice vient de rendre deux arrêts importants, qui confirment l’étendue du secret professionnel des avocats. Il ne se limite évidemment pas à la seule défense en justice, mais porte sur tout ce que l’avocat apprend dans le cadre de son activité, judiciaire ou non, en ce compris tout ce qui lui est confié pour rédiger une consultation.
Le premier arrêt porte sur l’application de la directive « DAC-6 ».
Cette directive, ultra dirigiste, oblige tous les « intermédiaires » dans une transaction réputée « fiscalement agressive » suivant des critères très mal choisis, à informer l’administration fiscale d’un certain nombre de données concernant cette transaction.
Dans la législation européenne, et nationale, initiale, il était prévu, parmi les intermédiaires, à la fois ceux qui sont les véritables intermédiaires, comme des banquiers, ou autres courtiers, mais aussi les conseillers des contribuables concernés par de telles transactions internationales.
Dans l’esprit du législateur européen, qui méprise de plus en plus souvent les libertés, cela visait notamment les conseillers juridiques et comptables du contribuable, en ce compris les avocats.
La Cour Européenne de justice a annulé ces dispositions dans la mesure seulement où elles concernent les avocats, en raison de leur secret professionnel.
Il est donc très clair que, lorsqu’on demande à un avocat d’intervenir dans une transaction de ce type, on ne risque pas que l’avocat fournisse des informations à l’administration fiscale.
Malheureusement, cela signifie que le client lui-même est alors tenu de le faire, mais au moins, des informations ne sont pas fournies sans qu’il le sache.
Il est injuste que d’autres professionnels, comme les experts-comptables, les conseillers fiscaux et les reviseurs d’entreprises, par exemple ne bénéficient pas, quant à l’application de DAC-6, d’un secret professionnel comparable. Cela implique malheureusement que le client, dans de telles hypothèses, envisage l’hypothèse que des informations puissent être communiquées par ces professionnels, bien malgré eux.
Dans une seconde affaire, la Cour de justice a encore confirmé l’étendue du secret professionnel de l’avocat.
Il s’agit d’un cas où, sur la base des règles relatives à l’échange d’informations, l’administration fiscale espagnole avait demandé à l’administration fiscale luxembourgeoise de renseignements sur une transaction déterminée, dans laquelle était intervenu un cabinet d’avocat luxembourgeois. L’administration luxembourgeoise avait demandé à celui-ci son dossier complet, en ce compris les consultations juridiques données dans ce cadre. Les avocats avaient bien entendu refusé et l’affaire fut portée, sur question préjudicielle, à la Cour Européenne de Justice.
Les administrations fiscales avaient soutenu que le secret professionnel des avocats se limiterait aux opérations litigieuses, et non aux simples consultations. La Cour de justice leur a donné tort, en considérant que les consultations aussi étaient soumises au secret professionnel.
Cela paraît évident, mais on peut quand même s’inquiéter de voir que deux administrations fiscales d’Etats démocratiques, ont cru pouvoir remettre en cause le secret professionnel des avocats, en tant qu’il porte sur des consultations.
En tout cas, même si cela ne change pas grand-chose à la pratique dans des pays qui respectent le secret professionnel, comme la Belgique ou la Suisse, il faut prévoir que d’autres Etats, comme la France, l’Espagne ou même le Luxembourg (!), devront revoir leur position à la lumière de la décision de la Cour Européenne de Justice.