La plupart des entreprises devront financer les investissements nécessaires à la transition verte à l’aide de leur flux de trésorerie ou de leurs réserves. Or, beaucoup d’entreprises n’en disposent pas.
La seule solution? Une sorte de solidarité entrepreneuriale ...
L’Europe veut être décarbonée d’ici 2050. Elle doit le faire pour lutter contre le réchauffement climatique, mais cela implique des investissements colossaux. Qui réglera la note? Les consommateurs adhèrent à cet objectif d’une Europe neutre en carbone, mais les études montrent qu’ils ne sont pas prêts à payer pour cela. La répercussion de la facture sur l’utilisateur final ne sera donc possible que dans une mesure limitée.
C’est en partie pour cette raison que le retour sur investissement de la transition verte n’est souvent pas intéressant. Dans une enquête récente du bureau de conseil Bain, 78% des chefs d’entreprise interrogés déclarent que les obstacles à cette transition sont moins liés à un manque d’ambition qu’à l’absence d’un modèle d’entreprise évolutif générant des rendements suffisants.
Cependant, investir dans la transition énergétique peut rapidement conduire à une réduction efficace des coûts. En outre, les entreprises soucieuses de l’environnement sont davantage appréciées des consommateurs, ont plus facilement accès aux appels d’offres publics et obtiennent de meilleurs résultats dans l’évaluation d’un crédit. Et nombreux sont les chefs d’entreprise qui trouvent également que les investissements environnementaux sont logiques dans le contexte de la responsabilité sociale des entreprises.
Reste que les montants requis sont énormes. L’Agence internationale de l’énergie a calculé que pour que le monde parvienne à un bilan carbone nul en 2050, les investissements annuels dans les énergies propres devront atteindre 4.600 milliards de dollars d’ici à 2030, contre 1.600 milliards en 2022. Pour la Belgique, le bureau Graydon a calculé que le coût variait fortement d’un secteur à l’autre. Dans l’alimentaire, par exemple, il équivaut à 5% du chiffre d’affaires annuel. Pour le secteur immobilier, il est de 3%. La transition écologique absorbera donc une grande partie de la marge d’une entreprise.
Or les banques sont, en soi, peu enclines à financer ces investissements de transition qui ne s’accompagnent ni d’une augmentation de la capacité de remboursement – du moins pas à court terme – ni de garanties supplémentaires. La plupart des entreprises devront donc financer ces investissements à l’aide de leur flux de trésorerie ou de leurs réserves. Or, beaucoup d’entre elles n’en disposent pas car elles pansent encore les plaies de la crise covid.
Dans le secteur alimentaire, Graydon a calculé que 51% des entreprises ne génèrent pas assez de cash-flow pour autofinancer ces investissements. Pour un tiers des entreprises, il n’y a pas non plus assez de réserves pour compléter ce flux. Dans l’immobilier, 40% des entreprises ne disposent pas d’un cash-flow suffisant, et une sur cinq n’a pas de réserves adéquates.
Oui, cela signifie que 30% des entreprises alimentaires et 20% des entreprises immobilières passeront par-dessus bord si aucune solution de financement n’est trouvée. La déduction des intérêts notionnels pourrait être une réponse partielle car elle fournit des incitants fiscaux pour les injections de capital, mais ces intérêts notionnels ont été supprimés dans la loi-programme 2022.
Des subventions, comme dans le cadre du Green Deal, peuvent atténuer un peu la douleur. Mais la seule solution est une sorte de solidarité entrepreneuriale au sein de chaque écosystème. Les entreprises qui disposent de réserves suffisantes (et il y en a beaucoup) pourraient financer celles qui n’en ont pas, par le biais de participations minoritaires voire d’une autre manière. Proposition naïve? Non, car des écosystèmes solides ne sont-ils pas le meilleur moyen d’assurer la compétitivité et l’indépendance stratégique de nos entreprises?