​La troisième guerre mondiale est déclarée: elle est cognitive

Alors que les guerres s'appuient encore sur des arsenaux traditionnels, jusqu'à voir des guerres de tranchées ukrainiennes comparables aux Chemins des Dames, la troisième guerre mondiale, elle, est déjà déclarée.

Nous y serons tous des soldats, des armes et des munitions. C'est la guerre cognitive, celle qui dépasse de loin la propagande ou les fausses informations. C'est la guerre de la servitude volontaire, celle de la manipulation de nos cerveaux, qui s'effectue à notre insu à travers notre isolement dans des bulles cognitives dont l'intelligence artificielle va augmenter l'imperméabilité ou, au contraire, la vulnérabilité à certaines informations. Le vrai sera indistinct du faux, et l'information fugace, éphémère et horizontale va se substituer à notre ancrage informationnel vertical.

Cette guerre ne s'impose pas par la force brute, mais par la suggestion, le "nudge" (qui se traduit comme un coup de coude conçu pour modifier les comportements au quotidien, sous la forme d'incitations discrètes), la prédiction comportementale. Elle façonne nos désirs, anticipe nos révoltes potentielles et les étouffe, nous enfermant dans une bulle de conformité personnalisée dont les barreaux sont nos propres données.

Cela prépare une société où l'erreur est désindexée, c'est-à-dire une société où toute déviance, toute pensée non conforme, toute faute contre la norme algorithmique n'est pas seulement sanctionnée, mais effacée, rendue introuvable, privée d'existence numérique et donc sociale.

L'intelligence artificielle va redéfinir la manipulation politique en atteignant des niveaux inégalés en intensifiant la désinformation, rendant floue la distinction entre faits et mensonges, et accentuent les divisions sociales en créant un chaos informationnel ciblé. Leurs organisateurs ne sont plus des militaires, mais des physiciens du pouvoir. Leur laboratoire n'est pas une bibliothèque, mais un serveur de données, et leur matière première n'est pas le peuple, mais le flux brut de ses émotions.

Ces nouveaux sorciers ne cherchent pas à convaincre par la raison, mais à déclencher des réactions en chaîne en injectant le bon stimulus dans le système nerveux du corps social. Ils ont compris que la guerre est la science de la polarisation, et que pour prendre le pouvoir, il suffit de trouver la ligne de fracture la plus profonde de la société et de frapper dessus, encore et encore, jusqu'à ce que tout l'édifice s'effondre.​