Le régime britannique des résidents « non-dom » : c’est bientôt terminé !

Le Chancelier britannique, Jeremy Hunt, a annoncé dans son budget 2024 la suppression du régime de faveur applicable aux résidents non-domiciliés britanniques, classiquement appelé le régime « non-dom ».

Vieux de plus de 200 ans, ce régime d’exception a ses partisans et ses détracteurs. Vanté pour sa capacité à attirer des personnes fortunées pour renforcer l’économie du Royaume-Uni, ce régime a également fait l’objet de critiques pour les différences de traitement qu’il instaure entre certaines catégories de contribuables.

Dans l’espoir de réaliser une économie annuelle estimée à £2,7 milliards, le gouvernement britannique a maintenant annoncé la suppression entière du régime à partir du 6 avril 2025 (premier jour du prochain exercice d’imposition britannique). Le principe d’un régime d’exception applicable aux résidents non-domiciliés n'est toutefois pas entièrement évacué et un nouveau régime, plus court, ainsi que des mesures transitoires devraient trouver à s’appliquer à partir de cette date. Une mesure similaire a également été annoncée en matière de droits de succession.

Pour les personnes qui se sont expatriées ou qui projettent de s’établir au Royaume-Uni, quel est le régime actuel et futur auquel ils seront soumis ?

En matière d’impôt sur les revenus

A. Rappel du régime actuel

A.1. Les notions de résidence, de domicile et de résident non-domicilié

En droit britannique, les notions de domicile et de résidence sont distinctes et ont des implications fiscales différentes.

  • Le domicile fait référence au foyer permanent d'une personne, généralement déterminé par son intention de rester dans un lieu particulier indéfiniment. Il est souvent associé au pays d'origine d'une personne ou au pays avec lequel elle entretient les liens les plus forts.
  • La résidence fait quant à elle référence à la présence physique d'une personne. Elle est généralement déterminée par la durée passée par une personne dans un endroit et sur une période donnés. La résidence peut changer plus rapidement que celle de domicile, en fonction des déplacements ou arrangements de vie d'une personne.
  • Le résident domicilié (resident domiciled) est par conséquent la personne dont la résidence et le domicile sont situés au Royaume-Uni. Pensons par exemple au contribuable qui est né au Royaume-Uni, qui y réside et y travaille.
  • Le "résident non-domicilié" (resident non-domiciled ou RND) désigne, en revanche, la personne qui réside au Royaume-Uni mais qui n’y a pas son domicile, par exemple parce que son pays d’origine n’est pas le Royaume-Uni. Cette personne pourrait toutefois être réputée domiciliée au Royaume-Uni (deemed domiciled), notamment si elle y a eu sa résidence pendant au moins 15 années sur les 20 qui précèdent.
A.2. Impact en matière d’impôt sur les revenus : l’imposition sur l’arising ou la remittance basis

Le résident domicilié est nécessairement imposé sur une « arising basis », c’est-à-dire sur la base de ses revenus mondiaux, le cas échéant après application des conventions préventives de double imposition et des allègements fiscaux britanniques.

Le résident non-domicilié a quant à lui le choix entre une taxation sur la base de ses revenus mondiaux (l’arising basis applicable au résident domicilié) ou sur une « remittance basis », c’est-à-dire sur ses revenus d’origine britannique ainsi que sur l’ensemble des revenus d’origine étrangère qu’il rapatrie vers le Royaume-Uni, même si ce transfert a lieu lors d’un exercice ultérieur.

Le choix du résident non-domicilié dépendra du coût que représente pour lui, l’un ou l’autre régime, tenant notamment compte du fait que l’imposition sur une remittance basis entraine en principe l’exclusion de certains abattements personnels et, après un certain nombre d’années, le paiement d’un impôt forfaitaire (la « remittance basis charge »). Cette remittance basis charge s’élève à £30.000 lorsque le contribuable a eu sa résidence au Royaume-Uni pendant au moins 7 des 9 derniers exercices et à £60.000 lorsqu’il a eu sa résidence au Royaume-Uni pendant au moins 12 des 14 derniers exercices.

Ces éléments ne sont toutefois pas rédhibitoires pour les résidents non-domiciliés puisque les chiffres publiés par l’administration fiscale britannique démontrent que 68.800 personnes ont sollicité l’application de ce statut en 2022 et que la proportion de personnes qui en sollicitent l’application augmente rapidement en fonction du niveau de revenus.

Le bénéfice de cette mesure est limité dans le temps. Ce régime prend effectivement fin lorsque le résident non domicilié a établi sa résidence au Royaume-Uni pendant au moins 15 années sur les 20 qui précèdent. On parle dans ce cas d’un résident réputé domicilié au Royaume-Uni (deemed domiciled).

B. Les modifications annoncées à partir du 6 avril 2025 et les régimes transitoires

Il est projeté de supprimer entièrement le régime actuel de la remittance basis pour le remplacer par un régime de revenus et gains étrangers (foreign income and gains ou FIG) à partir du 6 avril 2025.

Dans l’exécution de cette mesure, le gouvernement britannique propose de simplifier son approche en n’ayant plus recours à la double notion de résidence et de domicile. Il propose de se concentrer sur la notion de résidence, à l’instar de ce qui existe actuellement en Belgique.

Ainsi, plutôt que de faire une distinction entre les résidents domiciliés et non-domiciliés, le nouveau régime fera une distinction selon le nombre d’années de résidence d’un contribuable au Royaume-Uni.

Les personnes physiques qui ont établi leur résidence au Royaume-Uni depuis plus de 4 années seront nécessairement imposées sur une arising basis. Les personnes physiques dont la résidence est établie depuis moins de 4 années au Royaume-Uni (après une période de résidence fiscale de 10 années en-dehors du Royaume-Uni) pourront quant à elles solliciter l’application du nouveau régime FIG.

La personne physique qui opte pour ce régime verra ses revenus d’origine britannique assujettis à l’impôt sur les revenus mais ne paiera aucun impôt sur ses revenus ou gains étrangers perçus au cours de 4 premières années qui suivent l’établissement de sa résidence au Royaume-Uni. Elle pourra également rapatrier ces fonds étrangers vers le Royaume-Uni sans frais supplémentaires. À l’issue de la période de 4 années, la personne physique qui a bénéficié de ce régime d’exception et qui continue de résider au Royaume-Uni redevient imposable sur la base de ses revenus mondiaux.

Des mesures transitoires sont également prévues pour les résidents anciennement imposés sur la remittance basis mais qui ne peuvent pas bénéficier du nouveau régime FIG car elles sont établies au Royaume-Uni depuis plus de 4 ans. Bien qu’elles doivent encore être précisées, les mesures annoncées sont les suivantes :

  • La réduction, à concurrence de 50%, du montant des revenus étrangers imposables. Cette mesure ne s’appliquerait que pour l’exercice d’imposition 2025/26 et ne s’étendrait pas aux plus-values étrangères.
  • Un step up fiscal pour les plus-values réalisées à partir du 6 avril 2025. Les contribuables concernés se verraient reconnaitre la possibilité de s’écarter de la valeur d’acquisition du bien au jour de sa cession pour préférer la valeur au 5 avril 2019. Le bénéfice de cette mesure serait sujet à des conditions encore à définir.
  • Le rapatriement des fonds étrangers à des conditions avantageuses. Les anciens bénéficiaires de la remittance basis pourront rapatrier les revenus et gains étrangers perçus avant le 6 avril 2025 contre le paiement d’un impôt forfaitaire de 12%. Ce régime trouverait à s’appliquer jusqu’au 5 avril 2028.

En matière de droits de succession

Les droits de succession britanniques sont également largement basés sur la notion de domicile du contribuable et le gouvernement envisage, ici aussi, de passer vers un régime fondé sur la notion de résidence.

A. Rappel du régime actuel

Le champ d’application des droits de succession britanniques dépend largement du lieu où les actifs de la succession sont situés (au ou en dehors du Royaume-Uni) et du domicile du défunt (au ou en-dehors du Royaume-Uni).

Lorsque le défunt est domicilié ou réputé domicilié au Royaume-Uni, c’est son patrimoine mondial qui est assujetti aux droits de succession britanniques. Il en est de même lorsque le domicile du défunt n’était plus établi au Royaume-Uni au jour de son décès mais l’avait été à un moment pendant l’une des trois années précédentes ou encore, lorsqu’il était réputé domicilié (« deemed domiciled ») au Royaume-Uni à un moment au cours des quatre années précédentes.

Lorsque le défunt n’avait pas son domicile au Royaume-Uni (qu’il y résidait ou non), ses héritiers ne sont redevables des droits de succession que sur les actifs situés au Royaume-Uni (actifs dits « britanniques »).

B. Les modifications annoncées à partir du 6 avril 2025

Pour écarter la notion de domicile, le gouvernement de Rishi Sunak envisage d’assujettir le patrimoine mondial du défunt aux droits de succession dès que celui-ci avait sa résidence au Royaume-Uni depuis 10 années au moins.

Il est également prévu de maintenir les biens du défunt dans le champ d'application de cette disposition pour les 10 années qui suivent son départ du Royaume-Uni. Il faudra être très vigilant pour ces personnes qui, après plus de 10 années passées au Royaume-Uni, décideront de s’installer à l’étranger. Leur patrimoine mondial tombera encore dans le giron des droits de succession britanniques (dont le taux standard s’élève à 40%). Ce critère de rattachement aux droits de succession, qui suit le résident britannique pendant 10 années, est susceptible d’entrainer une double imposition s’il s’établit dans un État – comme la Belgique – dont l’assujettissement aux droits de succession est déterminé par la résidence du défunt au jour de son décès (sans requérir un délai minimal de résidence). Certains biens pourraient encore faire l’objet d’une triple imposition, lorsque ceux-ci sont situés dans un troisième État – comme la France – qui, lorsque le défunt n’y avait pas sa résidence, impose les biens qui y sont situés. Pour compliquer encore les choses, il existe également des États – comme l’Espagne – qui emploient comme critère de rattachement la résidence des héritiers plutôt que celle du défunt.

Il est important de souligner, en effet, que la Belgique n’a pas conclu de convention préventive de la double imposition en matière successorale avec le Royaume-Uni.

Le Royaume-Uni a signé ce type de convention uniquement avec la République d’Irlande, l’Afrique du Sud, les USA, les Pays-Bas, la Suède et la Suisse. Il en existe également de plus anciennes avec la France, l’Italie, l’Inde et le Pakistan.

Enfin, pour ce qui concerne les personnes qui ne seraient pas résidentes du Royaume-Uni et qui ne l’auraient pas été sur les 10 années qui précèdent leur décès, seuls leurs actifs d’origine dits « britanniques » seraient assujettis aux droits de succession.


Entrée en vigueur

La suppression du régime de la remittance basis et l’entrée en vigueur du nouveau régime FIG devraient avoir lieu à partir du 6 avril 2025. Cependant, les prochaines élections générales, qui devraient avoir lieu entre le 17 décembre 2024 et le 28 janvier 2025, pourraient encore changer la donne. Dans une année d’élection, il n’est pas exclu que des modifications significatives puissent intervenir. Le parti travailliste a quant à lui déjà annoncé son intention de renforcer les mesures à l’égard des résidents non-domiciliés s’il devait gagner les prochaines élections.

En matière de droits de succession, l’entrée en vigueur de la réforme est également annoncée au 6 avril 2025 mais sous réserve d’une consultation devant encore intervenir.

Conclusion

La suppression du régime de la remittance basis peut amener les contribuables concernés à un nouvel examen de leur situation et de leurs options. Il est, dans ce cadre, indispensable de tenir compte de l’ensemble des circonstances du contribuable, en ce compris les conséquences en matière de droits de succession.

Des solutions peuvent être mises en place pour réduire la pression fiscale sans devoir nécessairement envisager le transfert de sa résidence vers un autre État. Par ailleurs, la course pour l’expatriation vers les autres juridictions de prédilection – nous pensons par exemple à la Suisse ou l’Italie qui connaissent encore des régimes d’imposition spéciaux pour les primo-arrivants – ne constitue pas nécessairement une solution adaptée.

Ces régimes spéciaux peuvent se présenter comme des solutions attirantes au premier abord mais être inadaptées si l’on tient compte d’autres facteurs pertinents, le cas échéant, propres à la situation de la personne concernée. Ce type de régime est par ailleurs voué à disparaitre avec la tendance actuelle, au niveau mondial, de renforcer la coopération entre les États et de combler les vides d’imposition. D’autres juridictions, qui n’offrent pas ce type de régime mais qui offrent d’autres avantages, peuvent également être envisagées.

Que ce soit en matière d’impôt sur les revenus ou de droits de succession, il est recommandé aux personnes concernées de prendre conseil et de se faire accompagner pour structurer leur patrimoine et, le cas échéant, envisager un départ vers une autre juridiction. Tetra Law est naturellement disposé à vous assister dans cette démarche et trouver la solution qui est la mieux adaptée à vos besoins.





La Tetracademy est la revue trimestrielle juridique du cabinet d’affaires bruxellois Tetra Law. Cet article en est extrait. Pour plus d’informations ou pour recevoir chaque nouvelle publication, n’hésitez pas à suivre la Tetracademy en envoyant un email à tetracom@tetralaw.com ».

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