Majorité Azur, un bouleversement en vue des droits de succession et des droits d’enregistrement en Région wallonne !

C’est un constat : il y a un besoin urgent de réformer les droits de succession : tant pour la Région que pour le « redevable ».

Avant toute chose, il convient de retrouver la confiance entre les redevables et l'administration fiscale, et pour ce faire, rétablir les moyens de communication pour retrouver le dialogue fondé sur le respect de la loi.

Comme l’a rappelé récemment un rapport de l’OCDE sur le sujet, des impôts sur les successions bien conçus permettraient d'augmenter les recettes publiques et d'améliorer l'équité, en générant moins de coûts d'efficacité de coûts administratifs que d'autre impôt. La conception des impôts est déterminante pour atteindre leur objectif.

a. La reprise par la Région wallonne du service de l’impôt

Face à ce constat, la priorité du nouveau Gouvernement devrait être d’assurer la reprise du service de l'impôt par la région wallonne dès lors que celui-ci est actuellement exercé par l'État fédéral. La reprise de l’impôt par la Région nécessite un délai de préavis et il convient de le notifier le plus rapidement possible vu la nouvelle législature. C’est désormais annoncé est c’est donc un excellent signal pour la Région wallonne: le Gouvernement va activer la reprise du "service de l'impôt" des droits de succession et des droits de donation au 1er janvier 2025 avec pour horizon la reprise effective vers 2027/2028 (délai de préavis ordinaire pour la mise en place de la reprise du service de l’impôt).

La reprise du service de l'impôt permettra de pouvoir améliorer le fonctionnement et l'efficacité de l'impôt. À l'exemple de ce qui se pratique d'ores et déjà en région flamande, il sera opportun d'établir un formulaire de déclaration de succession précis et simple pour le redevable. Cela ouvre la perspective de développer une déclaration de succession en ligne via un portail électronique ce qui serait de nature à faciliter le travail initial de l’administration. Une déclaration claire permet l'établissement d'un impôt de manière efficace, sans délai. Il ne faut plus que le contribuable soit « piégé », les avantages auxquels il a droit doivent pouvoir être octroyés automatiquement.

La procédure pourrait également être rendue plus efficace avec une imposition fondée sur un enrôlement donnant lieu à l’envoi d’ un avertissement-extrait de rôle. Le délai de réclamation ou de dégrèvement d’office de l’impôt pourrait alors être établi sur la base de la date d’envoi de l’avertissement-extrait de rôle.

b. Une fiscalité successorale plus acceptable

Dès la reprise effective, le Gouvernement wallon annonce qu’il divisera tous les taux des droits de succession par deux (moyennant certains minima) !

Ce qui devrait donner :

  • Un taux minimum de 5% sur toutes les successions en ligne directe (conjoints, parents, enfants) - et donc un taux maximum de 15%.
  • Un taux minimum de 7% sur les successions en ligne indirecte (frères, sœurs, neveux, nièces, oncles et tantes) - et donc un taux maximum de 32,5%-35%.
  • Un taux minimum de 15% vers des tiers sans lien familial - et donc un taux maximum de 40% (au lieu des 80% actuels...).

A première vue, certaines personnes pourraient se voir imposer plus fortement sur le plan théorique vu le pourcentage minimal de l’impôt mais la déclaration de politique régionale a d’ores et déjà souligné que le montant minimal en dessous duquel une déclaration de succession ne doit pas être déposée (et donc d'impôt payé) sera également revu.

Au demeurant, il est annoncé que si les perspectives d'assainissement budgétaire le permettent, le Gouvernement ouvrira d'autres phases de réduction d’impôt.

Il convient de s’interroger sur le fait de savoir si au-delà des taux, il ne conviendrait pas de faire également évoluer les tarifs dans leur ensemble afin d’adapter les tranches d'imposition à la vie économique actuelle. Les montants qui sont établis dans les codes correspondent aux montants historiques (datant de 1936) et ils n'ont sur le principe jamais été indexés. Il est évident que le poids des droits de succession a été multiplié au cours des dernières décennies. Imaginons la valeur d'une maison dans une succession en 1970 et la valeur de cette maison aujourd'hui dont le prix aura probablement triplé. L’héritier actuel est donc beaucoup plus imposé que son aïeul.

c. Prise en considération de l’évolution de la cellule familiale

La prise en considération des liens affectifs existant dans le cadre de la cellule familiale moderne sera également intégrée sous l’impulsion du Gouvernement. Ainsi il est prévu que tant pour les droits de succession que pour les droits de donation, l’assimilation de enfants des cohabitants légaux aux enfants biologique du défunt sera élargie à tous les degrés pour permettre aux petits-enfants des cohabitants de bénéficier des tarifs préférentiels de la ligne directe. Les enfants en famille d’accueil seront de même assimilés à des enfants biologiques du défunt. Le Gouvernement étudiera l’assimilation possible entre cohabitants légaux et cohabitants de fait.

d. Introduction de la possibilité de déclarer un forfait de frais dans la déclaration de succession

Au niveau du passif successoral, le Gouvernement wallon, ambitionne d’instaurer, à côté des frais réels, un forfait pour les frais funéraires et pour les frais successoraux.

e. Suppression d’une condition piégeuse pour les époux/cohabitants légaux

Il convient de saluer la suppression de la condition de cohabitation de 5 ans pour l'exonération du logement familial au bénéfice du conjoint ou du cohabitant légal survivant. Cette mesure prend en compte les situations où le défunt a dû déménager en fin de vie pour des raisons médicales ou familiales. Cette condition pouvait piéger des parents qui, ayant vendu leur logement familial pour s'installer dans un appartement, se retrouvaient pénalisés si l'un des conjoints ou cohabitants légaux décédait dans ce délai de cinq ans.

f. D’autres réformes à portée de main nous semblent envisageables

Au-delà de cette première annonce, on peut se demander s’il ne serait pas adéquat de revoir d’autres mesures ponctuelles ou d’en adopter de nouvelles.

On pourrait envisager de revoir certains éléments incitatifs, par exemple la dation d’œuvres d’art en paiement des droits de succession. Le député Jean-Luc CRUCKE (Les Engagés) avait posé une question parlementaire à ce sujet (QP n°299 du 26 juin 2023) à laquelle le nouveau Ministre-Président Wallon Adrien DOLIMENT (MR) avait répondu le 28 juillet 2023 en sa qualité de ministre du Budget. On peut y lire que cela fait plus de dix ans qu’il n’y en a pas eu en Région wallonne et pour cause, vu la complexité du régime et le pièges lié notamment à la non-restitution du trop-perçu. Le Gouvernement flamand a compris l’intérêt du système et vient de son côté d’adopter une profonde réforme à ce sujet.

Il pourrait être envisagé de nouvelles mesures comme par exemple de permettre au futur défunt de payer de manière anticipée les droits de succession qui seront dus au jour de son décès. Une telle formule présenterait l’avantage de faire rentrer des fonds de manière anticipée dans les caisses du Trésor wallon tout en permettant au futur défunt de réduire le patrimoine assiette de l’impôt successoral et d’éviter les difficultés liés au cash-flow au jour du décès.

La mesure anti-abus générale devrait être supprimée. Dans la toute grande majorité des cas elle est inutile et, partant, inefficace, sauf à générer du contentieux fiscal en raison de la décision arbitraire du fonctionnaire qui oblige le contribuable à devoir agir en justice pour défendre ses droits élémentaires.

Enfin, lors de la dernière législature, le décret wallon pour un impôt plus juste a porté à cinq ans (au lieu de trois) le délai prévu à l’article 108 du Code des droits de succession. Cette disposition constitue un mode de preuve de l’administration fiscale et lui permet d’imposer des actifs qui ne sont plus présents dans le patrimoine du défunt en partant d’une présomption. Il appartient à l’héritier ou au légataire de prouver que les fonds ont été affectés à telle ou telle destination (par exemple consommation régulière par le défunt) et qu’ils n’ont pas fait l’objet d’une libéralité. A défaut, l’administration va imposer ce que le contribuable n’a pu justifier. Augmenter la période visée est un vecteur d’injustice sociale et il convient donc de réduire la période permettant à l’administration d’imposer aux droits de succession du « rien ».

Enfin, le saut de génération pourrait d’emblée être favorisé très facilement par l’exécution d’un décret adopté sous la législature précédente... Il suffit pour le Gouvernement de prendre un Arrêté d’exécution prévoyant la date d’entrée en vigueur de l’article 141 du Code des droits d’enregistrement lequel prévoit un régime favorable pour la transmission par donation juste après une succession moyennant le respect de conditions strictes..

Avant cette grande réforme, le Gouvernement prévoit de modifier, dès le 1er janvier 2025, le droit de vente sur une première acquisition, le réduisant à 3% pour une habitation propre et unique. Cette mesure pourrait transformer le paysage immobilier dans les mois précédant l'entrée en vigueur du nouveau régime.

Une chose est certaine, ce nouveau Gouvernement veut gagner en célérité et en efficacité.

Comme on dit : restez à l'écoute.

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