L'adoption récente du projet de loi portant des dispositions fiscales diverses modifiera le régime existant en matière de déduction pour investissement, de crédit d'impôt pour la recherche et le développement, ainsi que de déduction pour innovation. Dans la présente contribution, les modifications apportées à la déduction pour investissement sont examinées plus en détail.
Les principaux changements sont les suivants :
Les actifs éligibles seront énumérés, mais couvriraient essentiellement les investissements dans (i) l’utilisation efficiente de l’énergie et des énergies
renouvelables (ii) les transports sans émission carbone (iii) investissements respectueux de l’environnement et (iv) les investissements de soutien numérique. Ces listes n'étant pas encore disponibles, il n'est pas encore possible de savoir quels investissements seront effectivement éligibles.
Selon le type d'investissements que l'entreprise souhaite réaliser, il peut être judicieux/nécessaire d'effectuer les investissements avant le 1er janvier 2025. C'est notamment le cas si les investissements sont réalisés dans des actifs pour lesquels il existe aujourd'hui des alternatives respectueuses de l'environnement.
Une disposition transitoire a été adoptée afin que les entreprises qui ont opté pour la déduction étalée pour investissement sur des actifs encore en cours d'amortissement puissent continuer à appliquer le régime (presque historique) de la déduction étalée pour les actifs susmentionnés.
Depuis plusieurs décennies, les entreprises bénéficient d'incitations fiscales pour investir dans le développement de leurs activités par le biais de la « déduction pour investissement ».
Dans ce qui suit, nous rappelons le fonctionnement de la déduction pour investissement d'une manière générale et nous discutons des modifications les plus importantes[1].
La déduction pour investissement permet généralement aux entreprises qui investissent dans de nouvelles immobilisations corporelles ou incorporelles de déduire un coût « fictif » pour l'année de l'investissement (ou, pour certains investissements, réparti sur la période d'amortissement de l'élément d'actif).
Le montant de ce coût « fictif » est calculé en multipliant la valeur d'acquisition ou la valeur d'investissement de l'élément d'actif par certains pourcentages fixés par la loi, qui peuvent dépendre de la taille de l'entreprise, d'une part, mais aussi de l'investissement envisagé, d'autre part.
Aujourd'hui, il existe deux « types » de déduction pour investissement, à savoir une déduction pour investissement « ordinaire » ouverte uniquement aux « petites entreprises[2] », et une « déduction pour investissement majorée » ouverte aux petites et grandes entreprises.
En ce qui concerne la déduction pour investissement « ordinaire », outre les conditions générales et les exclusions prévues par la loi, aucune condition n'est imposée quant au type d'investissement. Ainsi, une entreprise qui construit un hall d'usine pour augmenter sa capacité de production - moyennant le respect de certaines formalités limitées - peut bénéficier d'une déduction pour investissement de 8 %.
Si la construction du hall d'usine coûte par exemple 1,5 million d'euros, l'entreprise bénéficie d'une déduction fiscale de 8 % x 1,5 million d'euros, soit 120 000 euros. Il en résulte une économie d'impôt de 30 000 euros (120 000 euros x 25 %).
Pour bénéficier de cette déduction, il faut tout d'abord que l'entreprise soit considérée comme une « petite entreprise ». Cette qualification dépend notamment du total du bilan (consolidé), du chiffre d'affaires et du nombre de travailleurs.
Outre la déduction pour investissement ordinaire, il existe également une déduction pour investissement « majorée ». Ce « type » de déduction pour investissement permet, à quelques exceptions près, aux petites et grandes entreprises de bénéficier d'une déduction pour investissement majorée lorsqu'elles réalisent un certain type d'investissement. Il s'agit par exemple de l'achat de brevets, d'investissements (spécifiques) en matière d'économies d'énergie, mais aussi d'actifs utilisés dans le cadre de la recherche et du développement (R&D).
Pour que la déduction pour investissement puisse être appliquée à ces types d'investissement, il est nécessaire que les formalités (parfois nombreuses) soient respectées à temps.
En ce qui concerne spécifiquement les investissements réalisés au cours de la période imposable liée à l'exercice d'imposition 2024 (pour les sociétés qui tiennent leur comptabilité par année civile, il s'agit de l'exercice 2023), une déduction pour investissement de 20,5 % est accordée sur les investissements mentionnés dans ce paragraphe. Pour les investissements réalisés au cours de la période imposable liée à l'exercice d'imposition 2025 (mais uniquement pour les investissements réalisés avant le 1er janvier 2025), une déduction de 15,5 % est accordée pour les investissements mentionnés précédemment.
Le projet de loi approuvé prévoit trois modifications substantielles du système de déduction pour investissement, à savoir le type d'investissements éligibles, les pourcentages correspondants, ainsi qu'une modification substantielle des actifs exclus.
Selon le législateur, les différentes modifications apportées à la déduction pour investissement au cours des dernières années ont créé un ensemble de mesures incohérentes, de sorte que les objectifs politiques ne sont souvent pas atteints. Dans ce contexte, le législateur a jugé utile de moderniser le régime et de revoir le type d'investissements éligibles à la déduction pour investissement.
En ce qui concerne la déduction ordinaire pour investissement, le régime reste le même qu'auparavant, sauf que le pourcentage de la déduction est fixé à 10 %, alors qu'il était auparavant de 8 %.
En ce qui concerne la déduction pour investissement majoré, le législateur prévoit deux pistes, à savoir : une piste « thématique » et une piste spécifique.
En ce qui concerne la « piste thématique », le législateur prévoit une aide fiscale pour les investissements dans les catégories suivantes :
les investissements de soutien numérique liés aux trois types d’investissements précédents.
A titre d'exemple, les travaux préparatoires du Parlement indiquent que les investissements suivants seront ciblés : les investissements qui conduisent à i) une utilisation plus rationnelle de l’eau, ii) une réduction des déchets, iii) une réduction des émissions, ou iv) une durabilité du cycle de production plus élevée.
Toutefois, il convient de noter que les investissements effectivement éligibles seront inclus dans des listes établies par les gouvernements concernés et mises à jour tous les trois ans. La déduction ne sera possible que si le contribuable dispose également d'une attestation indiquant que l'investissement correspond effectivement à un investissement figurant sur la liste. En ce sens, il faut donc attendre de voir quels actifs peuvent effectivement bénéficier de la déduction pour investissement.
La « piste spécifique » concerne les investissements dans les brevets et les investissements écologiques dans la recherche et le développement et est appelée « déduction technologique ».
En ce qui concerne l'augmentation de la déduction pour investissement, des pourcentages « statiques » seront désormais utilisés (alors que dans le régime actuel, les pourcentages sont adaptés en fonction de l'indice des prix à la consommation). Ainsi, la déduction pour investissement se présentera comme suit pour les investissements éligibles réalisés à partir du 1er janvier 2025 :
Il est également envisagé que la déduction pour investissement soit calculée sur la base de la « valeur nette d'acquisition » de l'actif créé si la société bénéficie d'une exemption pour le transfert du précompte mobilier.
Il est également prévu que la déduction pour la piste thématique soit limitée à un montant maximum à déterminer par le gouvernement.
En outre, une nouvelle exclusion est prévue dans le cadre du système de déduction pour investissement. Concrètement, la déduction ordinaire pour investissement ne peut être appliquée aux investissements dans des actifs qui ont un impact négatif sur le climat et l'environnement et pour lesquels il existe des alternatives (respectueuses de l'environnement) compte tenu de l'état de la technologie.
Le législateur cherche ainsi à décourager les entreprises d'investir dans des technologies obsolètes et nuisibles à l'environnement. A titre d'exemple dans les travaux préparatoires, un investissement dans une chaudière à gaz est cité alors qu'il est aujourd'hui possible de chauffer l'espace par le biais d'un chauffage électrique ou de pompes à chaleur.
Les actifs non éligibles dans le cadre de ces exclusions seront listés.
Enfin, le législateur prévoit un régime transitoire pour les investissements réalisés avant le 1er janvier 2025, mais pour lesquels l'amortissement se poursuit après cette date. Dans la mesure où les entreprises ont opté pour le régime (presque historique) de la déduction pour investissement étalé, il est confirmé que ladite déduction continue également à s'appliquer aux amortissements actés après le 1er janvier 2025.
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Dans un prochain billet, nous développerons (les opportunités offertes par) les modifications apportées au crédit d'impôt R&D et à la déduction pour innovation.
N'hésitez pas à nous contacter pour savoir comment votre entreprise peut tirer le meilleur parti du régime actuel et futur de la déduction pour investissement.
[1] Cet article ne prétend pas refléter et discuter de manière exhaustive les changements. Ainsi, par exemple, il ne traite pas de la déduction pour investissement pour les investissements dans certains actifs numériques.
[2] Ainsi que certaines personnes physiques. L'article actuel ne traite que de la situation des entreprises.