De nombreux historiens ont décrit les progrès de l'Homme depuis Eve et Adam. Sur le plan économique, les progrès ne furent pas toujours réguliers. Le revenu moyen par personne stagna entre le Néolithique et le XVIIIe siècle de notre ère, soit de la sédentarisation (la fin de l'Homme Chasseur-Cueilleur) à la révolution industrielle. Cette constatation repose sur l'analyse statistique que les familles profitèrent de chaque progrès alimentaire pour avoir plus d'enfants, donc de bouches à nourrir ; la famine survenait ensuite systématiquement car les capacités de production étaient limitées dans l'espace, nous ne vivions pas encore la mondialisation. Cette théorie se vérifia durant 14 000 ans par cycles répétitifs.
Avec la révolution industrielle, les progrès en tous genres furent exponentiels ; le revenu moyen par habitant grimpa en flèche sans plus jamais retomber. C'est la formation généralisée des travailleurs aux progrès industriels qui fut à son origine car les industriels de l'époque avaient besoin de faire tourner leurs machines. Naquit alors l'idée de l'enseignement scolaire obligatoire qui devint réalité, pour améliorer les capacités des travailleurs.
La Belgique fut à la pointe des progrès et au centre du croissant fertile, le cœur géographique et scientifique de la révolution industrielle. Le système vertueux d'une éducation performante, scientifique et universitaire permit à notre pays de développer des compétences à nulles autres égales. Notre modèle social actuel fut instauré surtout après la Seconde Guerre mondiale. C'est aussi à cette époque que nous avons pris le chemin, puis la tête des pays les plus taxateurs au monde. Notre coût salarial était plus élevé qu'ailleurs. Mais compensé par des avantages fiscaux, le secteur pharmaceutique en profita pour se développer dans le pays qui devint un centre mondial de connaissance et de production.
Ceci démontre qu'en alliant compétence et compétitivité, nous aurions encore notre place dans le concert économique des nations. Et prouve à mon estime que si nous n'étions pas exagérément taxateurs, le revenu disponible moyen de chaque belge, non seulement des plus aisés, serait plus élevé.
Les entreprises, PME et grandes, font face à la révolution de l'intelligence, humaine ou artificielle. L'automatisation accélère, la pensée à court terme domine la vision à long terme. La concurrence extra-européenne est rude, nous n'avons pas fini de perdre des pans de notre économie. Les entrepreneurs doivent s'adapter sans cesse ; ceux qui le font survivent, les autres disparaissent. Or, sans création de richesse privée, il n'y a pas d'emplois. Sans emplois et sans bénéfices des sociétés, il n'y a pas d'impôts, donc pas de quoi payer les intérêts sur la dette publique tout en assumant les fonctions premières d'un État moderne. La Belgique s'est complexifiée, endormie et alourdie ; l'État ne donne plus assez l'impression d'être au service des citoyens. Ce devrait pourtant être l'inverse, que l'État soit plus facilitateur et moins contraignant.
Un maçon m'avait raconté il y a bien longtemps que pour renforcer la résistance d'un mur, il est parfois préférable de l'alléger plutôt que de l'alourdir. C'est précisément ce que l'État belge devrait viser, à tous niveaux de pouvoirs : s'alléger quand la situation le permet et l'intérêt le favorise.
Mais si les entreprises s'adaptent, pourquoi les États ne le font-ils pas autant ? Si nous voulons rester une économie nationale et continentale vivante, porteuse d'espoir et dynamique, nous devons attirer plus d'investisseurs et d'entrepreneurs. En réduisant les impôts des sociétés qui investissent techniquement ou dans leurs équipes, en facilitant leur activité, leur développement. Peut-être faut-il aussi reconnaître que le coût du service public, y compris humain, devrait être allégé. Certaines entreprises contractent leurs emplois, d'autres en créent. Les experts-comptables le constatent quotidiennement et ne sont pas les seuls. Pourquoi l'État ne le fait-il pas ?
À quoi devrait-il allouer les milliards qu'il collecte ? Chacun énoncera ses priorités au "café du Commerce". La santé, la police ou la sécurité sont des priorités supérieures pour certains. Il n'y a pas d'alternative à la lutte contre le réchauffement climatique pour d'autres. Pour d'autres encore, qui tirent les leçons de l'Histoire, c'est avant tout dans l'éducation et dans la recherche que nous devrions investir : favoriser sans cesse le développement de la connaissance et l'éducation.
S'il est exact que toute réduction d'impôts équivaut à moins de recettes fiscales à court terme, c'est aussi ce qui rapporte le plus à long terme, dans les limites d'une saine concurrence entre pays. Réduire les impôts est un chemin à emprunter, investir dans ce qui rapporte vite et beaucoup en est un autre. N'est-il pas impératif de créer un parquet financier pour démasquer les grandes fraudes fiscales ou à l'environnement, la cyber criminalité, les carrousels TVA, les narco trafics ou le financement occulte du communautarisme ? Dix milliards d'euros pourraient être récupérés chaque année selon certains analystes. La lutte contre la criminalité financière, sociale et environnementale est urgente, morale et rentable ; elle pourrait éviter à nos multiples gouvernements de devoir mettre un anneau financier à l'estomac de l'État. À défaut, la Commission européenne, le FMI ou les marchés financiers s'en chargeront. Ce serait probablement moins agréable pour notre digestion économique et financière.