Le rôle du conseil fiscal n’est pas de gruger l’Etat, mais d’aider ses clients à naviguer dans les eaux troubles d’une législation dont la complexité s’accroît rapidement.
Cinquante CEO flamands ont signé une note dans laquelle ils plaident comme beaucoup d’entre nous pour une législation fiscale plus simple, plus claire et sans échappatoires – "zonder achterpoortjes".
Selon ces CEO, les grandes entreprises bénéficient des conseils de spécialistes pour profiter de la complexité de la législation et payer peu d’impôts. Ils demandent une tolérance zéro pour l’optimisation fiscale ainsi qu’un nouveau "tax shift" et une "flat tax" sur l’accroissement du patrimoine privé et sur les sociétés.
Cet appel contient une vision réductrice du rôle de conseil fiscal/avocat fiscaliste et appelle deux réactions. La première est la compréhension imparfaite du rôle joué par un conseil fiscal et la seconde est la mauvaise communication des conseils envers leurs mandants. Car il y a évidemment aussi des spécialistes dans les pays à "flat tax"…
Le rôle du conseil fiscal n’est pas de gruger l’État mais d’aider ses clients à naviguer dans les eaux troubles d’une législation dont la complexité s’accroît rapidement.
Le risque premier géré par les conseils est d’appliquer la loi, et d’aider à déclarer correctement les bases imposables. Il s’agit d’une gestion de risque qui couvre tous les types d’impôts allant pour les sociétés, des douanes et accises à l’impôt des sociétés en passant par la TVA, les précomptes ainsi qu’une multitude d’impôts divers.
La connotation négative donnée à l’optimisation fiscale découle d’une perception créée par les dossiers relayés dans la presse par les "Papers". Les abus réels rapportés sont intolérables, mais rarement le fait de conseils ayant pignon sur rue en Belgique.
L’impôt n’est pas optionnel.
Il n’y a selon la Constitution belge d’impôts que de par la loi. La Convention européenne des droits de l’homme prévoit également que les États doivent légiférer pour prélever l’impôt car c’est une exception au droit de propriété. Ces deux textes sont clairs: pas de loi pas d’impôt. Ceci a aussi le mérite de la clarté.
Les grandes entreprises qui font appel à des conseils opèrent en toute transparence avec des opérations reprises dans leurs comptes et donc leurs déclarations fiscales, ainsi que dans différents rapports accessibles aux administrations fiscales.
Une information préalable à l’administration fiscale avant même l’introduction de la déclaration annuelle sur base de la sixième directive européenne d’assistance administrative sera même introduite pour une série d’opérations transfrontalières.
N’oublions pas que le conseil fiscal est un gestionnaire impliqué dans les décisions de l’entreprise. Que ce soit en matière d’investissements, de financement, d’attrait d’investisseurs, d’expansion géographique, de structure juridique, de recherche et de développement, de développements de logiciels et autres.
S’il est le conseil de personnes particulières, il aidera à gérer les écueils de la gestion de patrimoine mobilier et immobilier qu’il s’agisse d’investissement, de leur réalisation ou de leur transmission à l’occasion d’événements de la vie privée. Ici également, la complexité est énorme, pensez au simple achat d’une résidence secondaire à l’étranger, ou à l’organisation de la dévolution de succession d’une famille recomposée.
La tolérance zéro en matière d’optimisation est un slogan attractif qui demande toutefois de bien cadrer le concept.
D’autres demandes de simplification et par extension la "flat tax" sont des sujets qui ont déjà fait l’objet de réflexions sans résultats tangibles autres que la production de livres et de rapports, la réalité rattrapant toujours les bonnes intentions.
Cela ne signifie pas qu’un verdissement de la fiscalité et une réduction de l’impôt sur le travail ne sont pas urgents. Pour cette dernière, les plans de rémunérations mis en place par les employeurs et les demandes de rulings y afférentes sont l’illustration criante du besoin.
La suggestion la plus intéressante faite par les CEO de créer un service d’étude afin d’améliorer les politiques proposées est fort bienvenue en matière fiscale.
Contrairement à d’autres pays européens, la Belgique ne possède pas de "tax policy institute" qui permettrait de travailler dans la continuité sur les matières fiscales.
Cet institut devrait avoir une structure permanente et viendrait compléter utilement les structures existantes. Les spécialistes en matières fiscales devraient y jouer un rôle prépondérant.