Nouveautés en matière de récupération de la retenue à la source sur revenus mobiliers étrangers

L’investissement mobilier à l’étranger entraîne souvent une double taxation : dans l’Etat de la source et dans l’Etat de résidence. Les conventions préventives de double impositions conclues par la Belgique prévoient la possibilité de récupérer, à certaines conditions, la partie excédentaire de la double taxation.

En pratique, la procédure mise en place est lourde et difficile à initier sans l’assistance de conseillers ou banquiers, de sorte que de nombreux contribuables se découragent et capitulent.

Deux récents développements apportent un éclairage certain à cette problématique.

Le premier est relatif à un arrêt du 21 décembre 2023 de la Cour de cassation.

Dans cet arrêt, la Cour a confirmé que la procédure de restitution du précompte mobilier étranger peut être entamée directement devant le Tribunal, sans introduire au préalable le recours administratif organisé en matière fiscale.

En matière d’impôt sur les revenus, pour contester l’imposition, le contribuable doit au préalable, introduire une réclamation devant un service spécifique au sein de l’administration fiscale, avant de pouvoir saisir une juridiction fiscale.

La question s’est récemment posée de savoir si l’action en restitution du précompte mobilier qui, en vertu de l’article 368 du code des impôts sur les revenus, doit être introduite dans un délai de cinq ans à compter du premier janvier de l’année pendant laquelle ce précompte a été versé, doit d’abord être introduite par la voie d’une réclamation avant de pouvoir se poursuivre devant un Tribunal.

Il s’agit de la thèse qui avait été soutenue par l’administration fiscale dans une cause, thèse confirmée par la Cour d’appel de Gand dans un arrêt du 16 mars 2021.

Le litige soumis à la Cour d’appel de Gand portait sur la qualification d’un loyer perçu sur la base d’une « convention de location de clientèle » signée. Le contribuable, un médecin, avait loué sa patientèle à la société qu’il venait de créer. Selon l’administration fiscale le montant déclaré ne pouvait pas être considéré comme un revenu mobilier, mais comme une rémunération de dirigeant d’entreprise. La Cour d’appel avait tranché en ce sens que la patientèle d’un médecin ne pouvait pas faire l’objet d’un contrat de location et sur base de l’existence d’une simulation, elle conclut que les loyers perçus devaient être requalifiés en revenus professionnels. Vu la qualification fiscale des revenus en revenus professionnels, le précompte mobilier avait été retenu et reversé à tort au Trésor. Le contribuable pouvait dés lors demander la restitution e ce précompte. A ce sujet, la Cour constata que la demande de restitution ne pouvait pas être refusée sur la base du non-épuisement de la procédure administrative préalable.

Sur cette question de l’épuisement de la voie administrative préalable, l’administration fiscale introduisit un pourvoi en cassation. Dans l’arrêt précité du 21 décembre 2023, la Cour de cassation ne partagea pas le point de vue de l’administration fiscale.

Selon la Cour, l’utilisation des termes « l’action en restitution » et « prescrit » dans l’article 368 du CIR ainsi que la genèse législative, montrent que le législateur a voulu que cette disposition établisse un délai de prescription dans lequel l’action en restitution du précompte mobilier ou du précompte professionnel indûment versé doit être introduite au plus tard lorsque le précompte mobilier n’a pas été enrôlé et qu’aucun avis de perception n’a été donné, de sorte qu’il n’existe pas de décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours

Cet arrêt de la Cour est donc favorable aux contribuables puisqu’il leur permet de saisir directement les tribunaux dans le délai de cinq ans, sans introduire préalablement une réclamation.

Le second développement favorable a trait à la directive européenne dite « Faster » qui harmonise au sein de l’Union européenne les procédures de dégrèvement et de remboursement de l’excédent de retenue à la source afférent aux dividendes et intérêts de titres cotés européens versés à des résidents européens afin de les rendre plus efficaces tout en luttant contre la fraude fiscale et les abus.

Concrètement, les Etats membres sont parvenus à un accord politique sur un texte de compromis de cette directive lors du Conseil ECOFIN du 14 mai 2024.

Le texte propose trois mesures, à savoir :

  1. un certificat de résidence fiscale numérique commun ;
  2. la création de deux procédures accélérées en complément de la procédure standard de remboursement existante.
  3. la mise en place d’une obligation de déclaration normalisée

Les investisseurs disposant d’un portefeuille diversifié dans l’Union européenne n’auront désormais plus besoin que d’un seul certificat de résidence fiscale numérique pour demander plusieurs remboursements au cours de la même année civile.

A partir de ce certificat, les investisseurs ont accès à deux procédures valables en théorie pour tous les pays de l’Union.

  • Une procédure de dégrèvement à la source: le taux de la retenue à la source appliquée lors du versement de dividendes ou d’intérêts serait directement déterminé sur la base des règles applicables prévues par la convention fiscale applicable (ou par des dispositions nationales spécifiques).Le précompte mobilier du pays d’origine des revenus sera donc directement calculé en fonction du pays d’origine de l’investisseur ;
  • Une procédure de remboursement rapide : le paiement initial de la retenue à la source serait effectué par application du taux prévu par la législation interne, mais le remboursement de l’éventuel excédent serait accordé dans un délai maximum de 60 jours à compter de la date de réception de la demande

Les Etats membres seront en principe tenus de mettre en place l’une ou l’autre de ces procédures (ou de combiner les deux) Ils auront toutefois la faculté de ne pas en faire application, sous réserve du respect d’un certain nombre de conditions.

Les États membres auront jusqu’à la fin de l’année 2028 pour transposer la directive en droit interne, les règles devenant effectivement applicables à partir du 1er janvier 2030.

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