PLF 2020 : un nouveau casse-tête pour certains "expats" français en Belgique ?

Nouvelles règles de domiciliation fiscale

Une disposition inscrite à l’art. 3 du projet de loi de finances pour 2020 pourrait contrarier l’une ou l’autre personne de nationalité française exilée dans notre pays. Il est en effet prévu, suite aux errements qui ont conduit un dirigeant français dans des geôles japonaises, de modifier l’art 4 B du C.G.I. qui précise les règles de domiciliation fiscale en droit interne français en y insérant au b du 1 deux nouveaux paragraphes actuellement rédigés comme suit :


  • "Les dirigeants des entreprises dont le siège est situé en France et qui y réalisent un chiffre d’affaires annuel supérieur à un milliard d’euros sont considérés comme exerçant en France leur activité professionnelle à titre principal. Pour les entreprises qui contrôlent d’autres entreprises dans les conditions définies à l’article L. 233-16 du code de commerce, le chiffre d’affaires s’entend de la somme de leur chiffre d’affaires et de celui des entreprises qu’elles contrôlent.”
  • "Les dirigeants mentionnés à l’alinéa précédent s’entendent du président du conseil d’administration, du directeur général, des directeurs généraux délégués, du président du conseil de surveillance, du président et des membres du directoire, des gérants et des autres dirigeants ayant des fonctions analogues."


Ainsi, il ne serait plus nécessaire, pour les seuls dirigeants qui répondent aux nouveaux critères insérés dans la loi française, de vérifier dans les faits quelle serait la domiciliation fiscale d’une personne administrativement domiciliée en Belgique tout en exerçant une activité professionnelle sur le territoire français.



Dirigeants d’une société de droit français

Toutefois, cette nouvelle présomption ne s’appliquerait qu’aux dirigeants d’une société de droit français ayant son siège social sur le territoire français et dont le chiffre d’affaires consolidé, au sens des dispositions du code de commerce, dépasse le seuil annoncé.

Avec cette nouvelle disposition, il ne serait plus nécessaire de démontrer que la domiciliation fiscale en Belgique ne serait qu’apparente et contraire à une réalité factuelle.


Par contre, les dirigeants (français) d’une holding belge contrôlant diverses sociétés établies en France ne seraient pas visés par cette présomption et une requalification de leur résidence fiscale ne pourrait provenir que lorsque leur domiciliation en Belgique ne s’avèrerait qu’apparente ou insuffisamment fondée dans les faits.


Certes, l’art. 9 de la Convention de prévention de la double imposition signée entre la France et la Belgique le 10 mars 1964 précise que "les rémunérations quelconques, fixes ou variables, attribuées en raison de l'exercice de leur mandat aux administrateurs, commissaires, liquidateurs, associés gérants et autres mandataires analogues des sociétés anonymes, des sociétés en commandite par actions et des sociétés coopératives ainsi que des sociétés françaises à responsabilité limitée et des sociétés belges de personnes à responsabilité limitée ne sont imposables que dans celui des deux Etats contractants dont la société est résidente”.


Attention aux effets sur une donation

Les articles 7 et 11 de la même convention confirment ce principe pour d’autres rémunérations éventuellement perçues dans un des deux pays par une personne domiciliée dans l’autre pays. Dès lors, cette nouvelle disposition sur la définition de la résidence fiscale ne devrait pas modifier l’imposition des revenus obtenus par ce dirigeant spécifiquement singularisé puisque ces derniers ont toujours été imposables en France, par simple application des dispositions conventionnelles, pour toutes personnes physiques domiciliées en Belgique qui exercent un mandat exécutif au sein d’une société établie sur le territoire français. Mais se poserait néanmoins la question du lieu d’imposition des autres revenus perçus par ledit dirigeant, à savoir les dividendes, les plus-values, les redevances et les revenus d’intérêt sur créances et autres…


Aussi, il n’existe aucune convention entre la France et la Belgique en matière de donation. Et la convention de 1964 ne contient aucune disposition relative à l’Impôt sur la Fortune Immobilière.


En conséquence, un dirigeant d’une entreprise française, au sens de cette nouvelle disposition insérée dans le code général des impôts, domicilié en Belgique, pourrait s’interroger sur les implications fiscales en France qui découleraient s’il entendait organiser, en Belgique, une donation qui porterait sur des biens meubles ou immeubles situés en Belgique (ou ailleurs hors de France) à des donataires également domiciliés en Belgique, même depuis plus de six ans après leur départ de France. La France pourrait dorénavant revendiquer la perception de droits de donation, puisque l’art.750 ter du C.G.I s’applique, à défaut de convention internationale, à tout donateur ayant en France son domicile fiscal au sens de l’article 4 B du même code. Un risque de double imposition apparaîtrait dans ce cas singulier car des droits de donation seraient légitimement requis en Belgique si la donation portait sur des biens pour lesquels l’acte de donation doit obligatoirement être présenté à la formalité (belge) de l’enregistrement. Dans ce cas, l’éventuelle imposition en France de la même donation devrait s’effectuer sous le couvert des dispositions de l’art. 784 A du C.G.I. qui permet l’imputation sur les droits français des droits décaissés hors de France.



… mais pas en matière de succession

Par contre, les dispositions inscrites à l’art. 3 de la Convention signée en 1959 entre la France et la Belgique aux fins d’éviter les doubles impositions en matière de succession supplantent, en matière de définition de la résidence fiscale, les dispositions du droit interne de chacun des 2 Etats. De la sorte, les biens transmis pour cause de décès d’un dirigeant d’entreprise française ayant sa résidence en Belgique mais réputé être résident fiscal français au sens du nouveau libellé de l’art. 4B du C.G.I. resteront imposables en Belgique, sauf si leur nature est telle que le pouvoir d’imposition serait attribué à la France, par exemple, les biens énoncés aux art. 4 à 7 de ladite Convention.



Et l’impôt sur la fortune immobilière (I.F.I.) ?

Par ailleurs, même en ne détenant aucun immeuble ou droit immobilier sur le territoire français, le même dirigeant pourrait s’interroger sur les nouvelles obligations fiscales qui découleraient s’il détenait hors de France des immeubles et autres droits immobiliers dont la valeur vénale, au 1er janvier 2020 et ultérieurement, dépasserait le seuil d’imposition au titre de l’impôt sur la fortune immobilière (I.F.I.) qui, pour rappel, s’élève à 1 300 000 euros. En tant que personne physique nouvellement réputée être domiciliée en France au sens de l’art. 4 B ainsi modifié, ce dirigeant singulier pourrait de facto devenir imposable, en France, sur tous les actifs immobiliers qu’il détiendrait hors de France et définis à l’art. 965 du C.G.I., lequel énumère les actifs entrant dans l’assiette d’imposition au titre de l’I.F.I.. Il y a toutefois lieu de remarquer que l’art. 964 du C.G.I., qui définit les personnes redevables de l’I.F.I., ne lie nullement la notion de résidence fiscale en France aux conditions spécifiées à l’art. 4 B du même code. Ce texte instituant l’I.F.I., issu de l’art. 31 de la loi de finances pour 2018, recèle une imprécision rédactionnelle derrière laquelle le dirigeant d’une entreprise française concerné par les nouvelles dispositions pourrait se retrancher pour justifier qu’en tant que personne physique fiscalement domiciliée en Belgique, il doit être regardé en France comme n’y ayant pas son domicile fiscal au titre de l’imposition sur la fortune immobilière et que les biens qui entreraient éventuellement dans l’assiette d’imposition restent ceux définis au 2° de l’art. 964 et non ceux énoncés au 1° du même article.

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