Quand indépendance rime avec confiance!

Dans le cadre des permanences que notre Association assure, nous recevons des consœurs et confrères qui nous exposent souvent des questions relevant de la déontologie et notamment de l’indépendance que l’expert-comptable et le conseiller fiscal doivent témoigner vis-à-vis de leur client ou de la structure du client, d’autant que cette indépendance démontre aux tiers lecteurs des comptes annuels ou des rapports émis que le professionnel en charge et responsable du dossier a pris les précautions nécessaires pour éviter tout risque d’influence quelconque sur la mission.


I.- Rappelons quelques principes fondamentaux de notre déontologie

L’expert-comptable fiscaliste, l’expert-comptable certifié et le conseiller fiscal certifié exercent leur activité professionnelle avec honnêteté et droiture. Ils s’abstiennent, en toutes circonstances, de tout agissement contraire à l’honneur et à la probité de leur profession qui, par essence, est libérale.


A. C’est le principe n° 1 d’intégrité

Les professionnels visés dans l’exercice des missions confiées conservent en toutes circonstances une attitude impartiale. Ils fondent leurs conclusions et leurs jugements sur une analyse objective de l’ensemble des données dont ils ont connaissance, sans préjugé ni parti pris. Ils évitent toute situation qui les exposerait à des influences susceptibles de porter atteinte à leur impartialité.


B. C’est le principe n° 2 d’impartialité

Le professionnel doit être indépendant de la personne ou de l’entité à laquelle il fournit une mission ou une prestation.

Il doit également éviter de se placer dans une situation qui pourrait être perçue comme de nature à compromettre l’exercice impartial de sa mission ou de sa prestation.

Ces exigences s’appliquent pendant toute la durée de la mission ou de la prestation, tant à l’occasion qu’en dehors de leur exercice.

Toute personne qui serait en mesure d’influer directement ou indirectement sur le résultat de la mission ou de la prestation est soumise aux exigences d’indépendance mentionnées au présent article : cela vise tant les associés que les collaborateurs internes au cabinet, mais aussi les sous-traitants auxquels la fiduciaire ferait appel.

En effet, pour les collaborateurs sous contrat d’emploi, le contrat de travail doit comporter une clause selon laquelle il ne peut mettre à mal l’exécution de la mission par des liens directs ou

indirects avec l’entreprise cliente. Ainsi, accepter des cadeaux d’une valeur significative est susceptible d’enfreindre cette clause de sauve- garde de l’indépendance du cabinet.

Le caractère significatif sera précisé conventionnellement entre parties au contrat d’emploi.

De même, effectuer des travaux qui sortent de sa sphère de compétence sans en référer au responsable du dossier est également une infraction au contrat de travail signé.

Que l’expert-comptable agisse en tant que personne morale ou en tant que personne physique, la réalisation de la mission convenue avec le client nécessite, en règle générale, l’appui de collaborateurs salariés. Cet appui peut intervenir à divers degrés : il peut s’agir de travaux d’exécution, mais également d’analyse et de conseils plus ou moins élaborés.

Cela ne dispense pas, in fine, l’expert-comptable, seul signataire de la lettre de mission, de contrôler les travaux. C’est ce contrôle final qui permet de répondre à cette exigence si caractéristique des professions intellectuelles, dites « libérales ».

Afin de ne pas se voir reprocher l’intervention d’un autre professionnel que l’expert-comptable, certains professionnels ont pris le parti de mentionner, dans la lettre de mission, l’iden- tité du ou des collaborateurs amenés à suivre le dossier.

Afin de ne pas conférer un caractère contractuel à cette mention, nous recommandons de ne mentionner l’identité du collaborateur qu’à titre d’information. Puis de conforter ce caractère extracontractuel en indiquant qu’un autre collaborateur peut être affecté sur le dossier sans que le client puisse s’y opposer.

En ce qui concerne les sous-traitants indépendants auxquels la fiduciaire fait appel, il est certain qu’une clause d’indépendance sera pré- vue dans le contrat de prestation de services,

d’autant plus que le sous-traitant n’est pas celui qui signe la lettre de mission ni celui qui signe les rapports émis.

Dans le cadre de l’établissement des comptes annuels, le sous-traitant reste soumis aux directives du cabinet, que ce soit la règle d’indépendance, de secret professionnel, de détection des risques de blanchiment et autres obliga- tions déontologiques dont la fiduciaire est responsable.

En cas de mise en cause de la responsabilité de la fiduciaire, le ou les associés signataires de la lettre de mission peuvent se retourner, par une action reconventionnelle, contre le sous-traitant pour avoir contrevenu aux règles de procédure internes à la fiduciaire, qu’il a conventionnellement acceptées.


II.- Autre point important

Il n’est pas rare qu’un collaborateur soit embauché par un des clients du cabinet. En effet, ce dernier aura pu évaluer les compétences du salarié chargé de suivre son dossier. De ce fait, le cabinet subit un préjudice.

Afin de parer à cette éventualité, le cabinet peut insérer une clause de « non-sollicitation » ou de « non-débauchage ».

Un client contrevenant à cet engagement contractuel s’exposerait en conséquence, entre autres, à la mise en cause de sa responsabilité contractuelle vis-à-vis de la fiduciaire.

L’indépendance du professionnel s’apprécie en réalité et en apparence. Elle se caractérise par l’exercice en toute objectivité des pouvoirs et des compétences qui lui sont conférés par la loi de 2019 et par un arrêté royal en cours d’élaboration portant exécution des principes déontologiques de base.

L’indépendance garantit que le professionnel émet des conclusions exemptes de tout parti pris, conflit d’intérêts, influence liée à des liens personnels, financiers ou professionnels directs ou indirects, y compris entre ses associés, salariés, les membres de son réseau et la personne ou l’entité à laquelle il fournit la mission ou la prestation.

L’indépendance garantit également l’absence de risque d’autorévision conduisant le professionnel à se prononcer ou à porter une appréciation sur des éléments résultant de missions ou de prestations fournies par lui-même, la société à laquelle il appartient, un membre de son réseau ou toute autre personne qui serait en mesure d’influer sur le résultat de la mission ou de la prestation.

Lorsque le professionnel se trouve exposé à des situations à risque, ce dernier prend immédiatement les mesures de sauvegarde appropriées en vue, soit d’en éliminer la cause, soit d’en réduire les effets à un niveau suffisamment faible pour que son indépendance ne risque pas d’être affectée et pour permettre l’acceptation ou la poursuite de la mission ou de la prestation en conformité avec les exigences légales, réglementaires et celles du code déontologique.

Lorsque les mesures de sauvegarde sont insuffi- santes à garantir son indépendance, il met fin à la mission ou à la prestation.


C. C’est le principe n° 3 d’indépendance

Quelques exemples concrets qui nous ont été soumis pour le respect de l’indépendance :

1.- Un expert-comptable fiscaliste ou certifié chargé de la mission de tenue de comptabilité peut-il être chargé d’une mission d’évaluation de la société cliente dans le cadre d’une cession envisagée?

  • Oui.

2.- Un expert-comptable certifié chargé d’une mission de tenue de comptabilité peut-il être chargé d’une mission d’assistance aux action- naires qui ont un pouvoir individuel d’investi- gation conformément à l’article 3 :101 du CSA?

  • Il faut nuancer la question, s’il s’agit d’as- sister le client actionnaire dans l’explication à donner aux chiffres, l’expert-comptable certifié peut donner les explications demandées.
  • S’il s’agit d’un mandat que l’expert-comptable certifié recevrait du client pour se substituer à l’actionnaire dans son pouvoir de contrôle, il doit décliner cette mission de contrôle, car il est en charge d’une mission récurrente pour le client.

3.- Un conseiller fiscal certifié peut-il dans le cadre des missions récurrentes confiées par le client de déclarations fiscales et de tenue de comptabilité se substituer à un actionnaire dans son pouvoir d’investigation?

  • Plusieurs réponses sont à apporter à cette question : la première, c’est que le conseiller fiscal certifié ne peut procéder à la tenue de comptabilité si, dans la fiduciaire, il est l’ac- tionnaire principal ou l’administrateur délégué et que la société est reconnue comme personne morale « conseiller fiscal » sur le registre public de l’ITAA.
  • La seconde, c’est que le conseiller fiscal – personne physique ou personne morale – ne peut jamais émettre une opinion sur des comptes d’une société cliente dont il remplit les obligations fiscales (principe d’indépendance s’il en est).
  • La troisième réponse, c’est que le conseiller fiscal, comme l’avocat, est tenu par des obligations déclaratives en fonction de certaines réglementations : il en est ainsi des obligations découlant de DAC 6, DAC 7 et DAC 8.


Ces obligations déclaratives imposées légalement sont des exceptions au principe de secret professionnel inscrit dans la déontologie.

Les directives DAC 6, DAC 7 et DAC 8 sont des directives européennes instaurant l’obligation de déclarer à l’administration fiscale tout dispositif transfrontalier qui présenterait, au regard de critères qu’elle définit, un caractère potentielle- ment agressif du point de vue fiscal.

Nous renvoyons le lecteur vers ces différentes réglementations.

Par ces obligations déclaratives imposées à tous les intermédiaires fiscaux (membres de l’ITAA ou membres d’un barreau), il est important que l’ensemble des intermédiaires fiscaux soit traité de manière non discriminatoire, car le secret professionnel de l’article 458 du Code pénal est le même, que l’on soit avocat ou conseiller fiscal.

En traitant de manière identique tous les intermédiaires fiscaux, le principe d’indépendance est sauvegardé et met ainsi le conseiller fiscal certifié à l’abri de toute mise en cause de sa responsabilité de la part de l’administration fiscale, des avocats ou encore des banques qui n’hésitent pas à déclarer toute opération transfrontalière.

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