Rapport universitaire sur le précompte immobilier et la fiscalité immobilière en Wallonie.

Le présent rapport introductif a pour objectif d’alimenter la réflexion prospective, menée par le Parlement wallon, à propos de l’avenir de la fiscalité immobilière wallonne, dont en particulier le précompte immobilier, dans le contexte général du système fiscal de la Belgique fédérale. Son contenu est à la fois institutionnel, juridique, fiscal et économique, ce qui lui confère une nature pluridisciplinaire. Il a été élaboré dans le souci permanent d’indépendance et d’impartialité propres à une recherche académique à proprement parler. Outre son aspect descriptif, le rapport suggère déjà diverses orientations prospectives alternatives.



Le débat sur la fiscalité immobilière n’est pas un débat propre à la Wallonie. De nombreuses réflexions et analyses alimentent le débat dans de nombreux pays européens. Les parties 6 et 7 présentent de manière succincte une comparaison internationale de la fiscalité immobilière.


Dans un premier temps, le cadre institutionnel qui régit la répartition des compétences entre l’autorité fédérale, les Régions et les collectivités locales en matière de fiscalité immobilière est examiné attentivement. Ainsi constate-t-on que ces compétences sont fragmentées entre différents niveaux de pouvoir. Pareille fragmentation accentue la difficulté propre à toute réforme fiscale en général et, surtout, complexifie la lisibilité du système pour les citoyens. Au fil du temps, en conséquence des réformes institutionnelles successives, les responsabilités des Régions se sont considérablement accrues, de manière telle qu’elles occupent une position prédominante pour ce qui a trait à la fiscalité immobilière, même si leurs marges de manœuvre demeurent restreintes en fonction des subtilités et des contraintes résultant de la législation institutionnelle en vigueur. Il faut en outre tenir compte de ce que les compétences matérielles, dans la Belgique fédérale, sont réparties selon un système de règles distinct de celui qui régit la distribution du pouvoir fiscal entre les différentes collectivités politiques.


Dès lors que l’impôt est utilisé non pas seulement dans un objectif de collecte de moyens financiers, mais aussi à des fins de régulation des comportements, cette option institutionnelle fondamentale ne manque pas d’engendrer diverses difficultés d’ordre politique et juridique (partie 1). Les problèmes de répartition des compétences dans une structure fédérale ou décentralisée sont également examinés de manière théorique dans la partie 7 afin de préciser les critères objectifs de répartition du pouvoir fiscal entre différents niveaux de pouvoir.


De manière à contextualiser la réflexion proprement wallonne, le rapport propose ensuite un aperçu descriptif des différents impôts liés aux biens immeubles dans le système fiscal belge (droit fédéral, droit wallon et droits communal et provincial). On envisage ainsi les régimes de taxation des revenus provenant directement ou indirectement d’immeubles, de la détention des immeubles, de la constitution ou transmission d’un droit réel sur un immeuble, de la constitution ou cession d’un droit personnel sur un immeuble, ainsi que de la consommation immobilière (partie 2).


Ce cadre d’ensemble étant tracé, un examen plus détaillé du régime actuel du précompte immobilier tel qu’applicable aujourd’hui en Région wallonne est proposé (partie 3). Outre un historique de cet impôt, les développements portent sur sa matière imposable et ses redevables, sa base d’imposition, ses taux, ainsi que ses exonérations au sens large (en ce compris les réductions), non sans oublier la mention de la reprise de son service par la Région wallonne depuis le 1er janvier 2021 (partie 3).


Dès lors que le revenu cadastral (indexé) constitue la base d’imposition du précompte immobilier wallon, il est nécessaire d’en exposer le régime, tout en le restituant dans son contexte historique. Objet de critiques, ce revenu cadastral continue de se déterminer, par voie de principe, en fonction de l’état du marché locatif en 1975, et ce en raison de l’absence, depuis 1980, de péréquation générale. L’autorité fédérale reste exclusivement compétente vis-à-vis du revenu cadastral, même si les Régions ont la faculté de « remplacer » celui-ci par une autre base taxable en matière de précompte immobilier. Outre le volet descriptif du régime actuellement en vigueur, le présent rapport détaille les points de déséquilibres et de tensions qui caractérisent la procédure de fixation et la distribution entre immeubles des revenus cadastraux. Il propose enfin diverses orientations de réforme ou d’amélioration, tenant compte notamment d’un travail de réflexion prospective déjà réalisé au sein du SPF Finances (partie 4).


Dans le souci d’ouvrir la réflexion à d’autres expériences pouvant être sources d’inspiration pour le futur des politiques wallonnes, le régime du précompte immobilier en vigueur en Région flamande et en Région de Bruxelles-Capitale est décrit avec précision (partie 5). De manière plus concise, un aperçu des modes de fiscalisation des revenus, de la détention et de la transmission des immeubles en France et aux Pays-Bas est offert (partie 6).


La dernière partie du rapport (partie 7) cherche à fixer un cadre d’analyse sur les grands principes d’organisation d’un système fiscal. Évaluer et réformer l’impôt doit se faire dans un cadre normatif. L’analyse économique de la fiscalité apporte des éclairages particuliers sur les arbitrages à réaliser dans la mise en œuvre d’un impôt ou l’évaluation d’un système fiscal.


Les critères les plus connus et les plus importants sont l'efficacité et l'équité. L’efficacité vise à maximiser le bien-être économique et à réduire les distorsions liées à la fiscalité. L’équité est souvent abordée par les concepts d’équité horizontale et verticale. L’équité verticale se rapporte aux aspects redistributifs d’un système fiscal. Elle repose sur l’idée que la charge fiscale augmente avec la « capacité de payer » d’un contribuable et est souvent liée au concept de progressivité de l’impôt. L’équité horizontale vise quant à elle à traiter fiscalement de la même manière des individus présentant des situations identiques. La difficulté réside dans la définition des caractéristiques à prendre en compte comme, par exemple, la charge liée aux enfants. Le concept d’équité peut également prendre d’autres formes comme l’équité de la procédure, l’équité des légitimes attentes ou encore l’équité de traitement.


Même si de nombreux débats portent sur l’arbitrage entre les principes d’équité et d’efficacité, d’autres critères doivent également être pris en considération : l’efficience du système fiscal, sa simplicité, la stabilité, la flexibilité, ainsi que les conséquences de la fiscalité sur la compétitivité et l’attractivité des territoires.


Dans la recherche d’un système fiscal optimal, il est inévitable que surgissent des conflits entre ces différents objectifs, ce qui implique des arbitrages de nature politique en fonction du poids que l’on désire mettre sur un objectif plutôt qu’un autre. L’impôt idéal ou le modèle fiscal idéal n’existent pas. Il s’agit de minimiser au maximum les inefficacités en fonction des objectifs politiques de la réforme.


En ce qui concerne la taxation du capital et la fiscalité immobilière, l’analyse économique n’est pas unanime sur les choix à opérer. Le rapport présente un relevé de la littérature micro- et macroéconomique. Les résultats ne sont pas unanimes sur le fait de taxer le stock ou les revenus du capital. Toutefois, en ce qui concerne leur impact redistributif, les impôts fonciers actuels sont souvent régressifs et peu corrélés avec le revenu des propriétaires. Par conséquent, la fiscalité immobilière semble avoir un impact anti-redistributif dans son ensemble. Le cadre théorique présenté devrait permettre d’aider à concilier les différents objectifs, notamment en termes d’efficacité et d’équité, lorsqu’il s’agira d’analyser une réforme de la politique fiscale immobilière wallonne.

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