État des lieux
Clause pénale, frais administratifs, intérêts de retard, frais d’avocats, frais d’huissier, le défaut de paiement, voire le simple retard, dans le chef d’un consommateur peut rapidement entrainer une forte inflation de la facture finale.
Cette réalité était en outre aggravée par le comportement parfois peu scrupuleux, sinon inique, de certains collecteurs de dettes tirant avantage de la précarité et du manque d’information de débiteurs acculés.
Le législateur a décidé de lutter contre ces abus au moyen d’un régime d’encadrement des frais et des intérêts de recouvrement consacré par le Livre XIX du Code de droit économique, intitulé "Dettes du consommateur".
La réforme
La réforme porte tant sur l’encadrement du retard de paiement que sur celui du recouvrement amiable.
La nouvelle loi prévoit, en substance, les mesures suivantes :
Les intérêts de retard calculés au taux légal pourront être majorés à un taux supérieur (la référence au taux de la loi du 2 août 2002 est en effet possible), pour autant que cette majoration soit expressément prévue. Les indemnités forfaitaires sont limitées à un maximum fixé par tranche de montant dû, couvrant les frais et/ou les intérêts de retard selon la grille progressive suivante (Art. XIX.4 du CDE) :
« a) 20 euros si le montant restant dû est inférieur ou égal à 150 euros;
b) 30 euros augmentés de 10 % du montant dû sur la tranche comprise entre 150,01 et 500 euros si le montant restant dû est compris entre 150,01 et 500 euros;
c) 65 euros augmentés de 5 % du montant dû sur la tranche supérieure à 500 euros avec un maximum de 2000 euros si le montant restant dû est supérieur à 500 euros ».
La méthode de calcul consistant à retenir un pourcentage du principal (généralement 10% tel que consacré par la jurisprudence du pays) au titre de clause pénale est donc abandonnée au profit d’un régime proportionnel (moins lisible et textuellement plus lourd).
Le manquement au nouveau régime est également très sévèrement sanctionné. En effet, dans un tel cas de figure, l’entreprise créancière ne pourra plus réclamer d’intérêts de retard, de clause pénale, ni entreprendre d’autres démarches de recouvrement. Ceci pourrait donc également compromettre le recouvrement du principal non payé.
Entrée en vigueur – recouvrement et contrats en cours
La loi entre en vigueur le 1er septembre 2023pour les contrats conclus à partir de cette date. Elle s'appliquera également, à partir du 1er décembre 2023, à toute dette échue et impayée d'un consommateur à une entreprise issue d'un contrat conclu avant son entrée en vigueur (1er septembre) lorsque le retard de paiement se réalise après cette date.
Le nouveau régime ne s’appliquera donc pas aux contrats conclus avant l’entrée en vigueur de la loi et dont le retard de paiement précède celle-ci.
Il importe donc aux entreprises de s’adapter rapidement, sans pour autant que les contentieux en cours ne soient immédiatement mis en péril par la nouvelle loi. Tel sera particulièrement le cas pour les entreprises qui prévoient une pénalité pour facture impayée dès le premier rappel (voir dès l’expiration du délai de paiement) dans leurs conditions générales. Il en ira de même pour les informations sur les intérêts de retard.
Enfin, l’on ne peut s’empêcher de conclure sur une réflexion plus générale quant à la portée de cette réforme, qui, dans une logique très belgo-belge, s’attaque à un problème précis en infligeant d’une part, un châtiment collectif tout en conférant, d’autre part, une forme de blanc-seing à une catégorie toujours plus protégée des conséquences de ses actes.
Si réguler les frais de recouvrement afin d’éviter une spirale délétère d’endettement qui ne profite qu’à des intermédiaires (lorsque les abus sont réels) est parfaitement louable, le lecteur attentif s’interrogera sur la pertinence de la solution retenue.
En effet, l’on peine à voir en quoi sanctionner un intermédiaire de recouvrement (huissier, société de recouvrement, avocat peu scrupuleux) qui se rendrait coupable d’abus justifierait d’empêcher tout recouvrement pour défaut de respect d’un formalisme au détriment du recouvrement du principal incontestable ou non sérieusement contesté.
Au contraire, loin de se limiter à sanctionner l’intermédiaire abusant de frais administratifs, c’est bien le créancier cocontractant qui est sanctionné dès lors que le manque de respect, fut-il partiel, de l’important formalisme prescrit par le nouveau livre XIX ne fait pas que tomber les frais et intérêts mais empêche en outre toute opération de recouvrement. Loin de sanctionner l’intermédiaire abusif, c’est le créancier principal à la créance incontestée qui se retrouve ainsi pénalisé.
Loin de s’arrêter là, le nouveau texte aboutit également à récompenser le retard de paiement dès lors que le strict plafonnement des frais aboutit également à un plafonnement des intérêts de retard.
Ceci implique que le débiteur n’a donc plus aucun incitant à payer dans les temps passé un certain délai, ce qui ne peut qu’appeler à un certain cynisme dans le chef de débiteurs de mauvaise foi, et ce au détriment d’une entreprise qui, elle, devra néanmoins faire face à ses charges, préfinancer la TVA liée aux biens et services livrés, et voir son préjudice s’accroître par des démarches supplémentaires à effectuer sans en répercuter les coûts sur le responsable.
Le nouveau texte paraît donc très déséquilibré et procéder à une mise en balance des intérêts inéquitable qui favorise excessivement le débiteur peu scrupuleux qui, rappelons-le, disposait déjà de nombreuses prérogatives précontractuelles pour évaluer sa capacité financière à honorer ses engagements, notamment au moyen de son droit de rétractation.
Quoi qu’il en soit, l’importante charge administrative qui pèse déjà sur les entreprises vient encore de s’alourdir et il leur incombe d’adapter leurs contrats et conditions générales.