Revenus mobiliers étrangers : une instruction administrative qui dérange

Une instruction récente de l’administration fiscale belge, publiée sur le site du SPF Finances indique que lorsqu’il perçoit des revenus mobiliers étrangers, un contribuable belge doit en déclarer le montant brut diminué de l’impôt étranger retenu à la source, celui-ci étant « limité à un pourcentage maximum déterminé dans la convention préventive de la double imposition avec le pays concerné ». Cette position est contraire à la loi et à la pratique administrative antérieure.


Quel montant de revenus mobiliers étrangers faut-il déclarer ?

L’article 6 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après « CIR 92 ») prévoit que « le revenu imposable est constitué de l’ensemble des revenus nets »


A cet égard, l’article 22, § 1er du CIR 92 prévoit que :


« § 1. Le revenu net des capitaux et biens mobiliers s'entend du montant encaissé ou recueilli sous quelque forme que ce soit, avant déduction des frais d'encaissement, des frais de garde et des autres frais analogues, et majoré du précompte mobilier du précompte mobilier fictif et, le cas échéant, du prélèvement pour l'Etat de résidence. »


Sur la base de ce dernier article, et sans autre interprétation possible, c’est donc bien le montant des revenus encaissés ou recueillis qui doit être déclaré et imposé.


Le commentaire administratif du Code des impôts sur les revenus ne dit rien d’autre en son article 22/3 :


« Le revenu net des capitaux et biens mobiliers s'entend du montant encaissé ou recueilli sous quelque forme que ce soit (en argent, en titres ou autrement), avant déduction des frais d'encaissement, des frais de garde et des autres frais analogues, et majoré du précompte mobilier, réel ou fictif, afférent à ces revenus ».


S’agissant des impôts étrangers retenus à la source, il précise d’ailleurs :


« Il est entendu que sont déductibles pour la détermination du revenu net des capitaux et biens mobiliers d'origine étrangère, les impôts prélevés à l'étranger sur ces revenus (par le débiteur ou par l'organisme payeur étranger) ».


Le prescrit légal est donc on ne peut plus clair : les impôts étrangers retenus à la source doivent être déduits du montant brut des revenus pour établir le montant net à déclarer et à imposer en Belgique.


Une instruction administrative qui dérange

Dans le cadre de son instruction administrative, l’administration fiscale belge précise que « l’impôt retenu à la source est limité à un pourcentage maximum déterminé dans la convention préventive de la double imposition avec le pays concerné ».


Cet ajout est contraire à la loi.


Pour le comprendre, il faut s’intéresser aux méthodes d’évitement de la double imposition telles qu’elles sont prévues par les conventions bilatérales préventives de la double imposition conclues par les Etats membres de l’OCDE, et singulièrement par la Belgique.


S’agissant des revenus mobiliers d’origine étrangère, ces conventions prévoient que ces revenus sont imposables dans l’Etat de résidence de leurs bénéficiaires (en l’espèce la Belgique). Comme tempérament à cette règle, les conventions prévoient néanmoins que l’Etat de la source (celui d’où provient le revenu) peut également l’imposer sans toutefois que cette imposition excède un certain pourcentage, qui est en général de 15 %.


En pratique, soit le taux de la retenue étrangère est limité à la source (situation la plus rare), soit il incombe au contribuable qui s’est vu retenir un pourcentage trop important à l’étranger de procéder aux formalités en vue du remboursement de l’excédent qui lui a été prélevé. Cette procédure est relativement lourde administrativement et, bien souvent, l’enjeu ne justifie pas qu’il y soit procédé. Certains contribuables préfèrent donc s’en dispenser.


La logique fiscale bien comprise et bien appliquée jusqu’ici par l’administration fiscale peut être illustrée par un exemple simple.

Un contribuable perçoit un dividende de source étrangère de 100 qui a fait l’objet d’une retenue à la source étrangère de 30. Le « montant net frontière » qu’il lui incombe de déclarer est donc de 70. Il payera donc en Belgique un impôt de 21, soit 30 % de 70.

Si la convention conclue par la Belgique avec le pays de la source des revenus prévoit une limitation de la retenue à la source étrangère à 15, ce contribuable pourra diligenter une procéder en vue d’obtenir le remboursement de l’excédent versé de 15 (30 – 15).


Si cette procédure aboutit, il lui incombera de déclarer ce remboursement de 15 au titre de revenus mobiliers, et celui-ci donnera lieu au paiement d’un complément d’impôt de 4,5, soit 30 % de 15. L’imposition globale se sera donc élevée à 40,5 (30 + 21 – 15 +4,5).

Si la procédure n’aboutit pas ou s’il ne la diligente pas, l’impôt total subi s’élèvera à 51 (30 + 21).


Dans le même cas que celui exposé ci-avant, la nouvelle instruction administrative aboutit à la situation suivante

Le contribuable qui perçoit un dividende de source étrangère de 100 qui a fait l’objet d’une retenue à la source étrangère de 30 doit déclarer en Belgique un « montant net frontière » de 85, tenant compte d’une limitation théorique de la retenue à la source étrangère à 15. Il payera donc en Belgique un impôt de 25,5, soit 30 % de 85.


Pour aboutir à la taxation globale la plus favorable de 40,5, il devra nécessairement procéder aux formalités de remboursement du montant de 15, trop perçu à l’étranger.


S’il s’abstient de procéder à ces formalités, il sera redevable d’un impôt global de 55,5 (30 + 25,5).


Opinion

L’instruction administrative commentée est contraire tant à l’article 22, § 1er du CIR 92 qu’aux conventions préventives de double imposition dont l’administration fiscale belge invoque l’application puisqu’elle aboutit à une fiscalité plus lourde dans le chef des contribuables.


D’une part, l’impôt étranger n’es pas réduit automatiquement à la source et, d’autre part, la fiscalité belge s’applique sur un montant qui ne correspond pas à celui réellement encaissé ou recueilli.


L’administration fiscale augmente ainsi, sans que rien, ni en droit interne, ni en droit international, ne l’y autorise, la base imposable des contribuables qui perçoivent des revenus mobiliers de source étrangère.


Cette position de l’administration fiscale belge est choquante. En outre, il est particulièrement regrettable qu’elle intervienne dans un domaine, celui de la taxation des revenus mobiliers, où la Belgique s’illustre déjà tristement par son absence de respect des principes d’évitement de la double imposition. En supprimant l’imputation d’une quotité forfaitaire d’impôt étranger dans le chef des contribuables personnes physiques, la Belgique avait déjà créé les conditions d’une double imposition des revenus mobiliers étrangers. Elle ne fait aujourd’hui que l’alourdir encore.


Dans ce cadre, nous ne pouvons que recommander aux contribuables de s’en tenir au strict prescrit légal et de ne déclarer que les montants réellement « encaissés ou recueillis ».


François Collon

Avocat

Hirsch & Vanhaelst

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