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Shein, Temu… un chiffre d’affaires considérable sans retombée fiscale en Belgique ? Ça doit sérieusement nous inquiéter…

Pour égayer son été, Aude pensait commander une guirlande lumineuse sur Amazon. Puis elle s’est souvenue que ce brave Jef Bezos, à l’occasion de ce qui devait être le plus beau jour de sa vie, a pu voir une banderole sur la Place Saint Marc à Venise lui demandant de payer des impôts.

Serait-il possible que lui, Shein, Temu et autres plateformes de vente en ligne situées en-dehors de l’Espace Economique Européen ne payent aucun impôt sur la guirlande qu’Aude leur aurait achetée ?

Un petit tour des impôts et taxes qu’ils doivent supporter s’impose ! Un article que je signais dans les colonnes de la Libre Eco du 6 septembre 2025 ...

1. Un droit de douane… parfois

Tout produit d’une valeur de plus de 150€ doit subir le paiement d’un droit de douane. Ce droit est fixé selon un taux qui varie selon le type de bien importé. Pour un vêtement, il faut compter environ 12,5 % de droit de douane calculé sur la valeur du vêtement augmenté du coût de frais de transport et des frais d’assurance.

Un règlement européen exonère de ce droit de douane les importations dont la valeur sous les 150 €. Il est donc facile pour les plateformes de vente en ligne d’annoncer une valeur marchande moindre que ces 150 € magiques, quelle qu’en soit la valeur réelle. Ce n’est que si le douanier prend le temps d’ouvrir le colis pour en estimer la valeur qu’une procédure en paiement peut être enclenchée. Avec plus de 3 millions de colis qui arrivent en Belgique chaque jour… autant dire que la vérification du coût réel du colis est une tâche impossible. Or 40% des colis contrôlés n’ont pas une valeur conforme à la déclaration.

Cela entraîne un manque à gagner considérable pour l’Etat Belge et moins de taxes perçues, c’est aussi moins d’argent pour financer nos écoles ou entretenir nos routes. Inutile d’ajouter que la vérification des colis et les procédures qui s’en suivent entraînent par contre un coût faramineux pour nos finances publiques.

2. La TVA

Elle devra être acquittée sur la valeur de la marchandise… telle que déclarée. Là encore, quand il y a des contrôles, la valeur du bien correspond rarement à la valeur déclarée à la TVA.

3. Aucun impôt des sociétés (Isoc)

Seules les sociétés disposant d’un siège social ou d’un établissement stable sont taxées à l’Isoc. Or ces plateformes étrangères ne disposent souvent en Belgique que d’un centre de distribution qui assure la logistique. Un tel centre n’est pas considéré comme un établissement stable et par voie de conséquence, ne paye pas d’impôt en Belgique sur le bénéfice.

Quand j’achète ma guirlande importée chez Amazon, le bénéfice réalisé n’y est pas taxé contrairement au bénéfice qui aurait été dégagé par un magasin de quartier.

Inutile de dire que le magasin de quartier, qui paye des impôts, de la TVA, des taxes communales, des cotisations sociales pour lui-même et ses employés est totalement démuni face au déferlement de marchandises qui ont fait le tour du globe quand bien même elles sont souvent de piètre qualité voire carrément non conformes aux standards européens.

C’est dommageable pour les centres villes, peuplés de coiffeurs, de restaurants et de boutiques vides. Mais c’est surtout dommageable pour toute notre économie, l’emploi et le dynamisme qu’il induit.

4. Quelques pistes ?

L’OCDE a bien tenté de proposer d’imposer une partie des bénéfices réalisés par ces entreprises multinationales via l’économie digitale dans les pays où leurs produits sont commercialisés, indépendamment de l’existence ou non d’un établissement stable (action 1, pilier 1 du plan BEPS -base erosion and profit shifting-), mais ces efforts n’ont à ce jour donné aucun résultat, vu l’opposition des Etats les plus concernés, les USA en tête.

L’Europe ne suivra donc vraisemblablement pas cette proposition et envisage simplement de supprimer l’exonération douanière pour les importations d’une valeur inférieure à 150 € et d’imposer une redevance de 2€ par colis destiné aux consommateurs. Cette réforme n’est pas encore votée mais elle manque sérieusement d’ambition et ne résout nullement la surcharge de travail de vérification de l’afflux incontrôlé de ces marchandises.

L’Etat Belge envisage lui aussi de faciliter le contrôle de ces colis. Une vraie politique notamment fiscale de soutien à nos commerçants serait également la bienvenue.

Et enfin, chacun de nous a sa carte à jouer quand il s’agit de consommation. Acheter pas cher d’un click a un coût fiscal mais aussi social et écologique. Acheter « local », c’est promouvoir l’emploi, générer de l’impôt dont chacun bénéficie d’une manière ou d’une autre.

Anne-Thérèse Desfosses

avocat WBGJ.be

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