La loi-programme adoptée par la Chambre des représentants le 17 juillet 2025 a réinstauré la procédure de régularisation fiscale et, plus encore, elle en a fait un système permanent. Il conviendrait dès lors plutôt de parler non pas de DLU5, mais du premier système de régularisation fiscale permanent. La réinstauration de cette procédure était attendue des praticiens et des contribuables depuis longtemps.
Cet article est écrit et diffusé dans le cadre du Tax TV Show du mois de juillet, disponible en live et en replay sur oFFFcourse.
En effet, de nombreux dossiers étaient bloqués dans l’attente d’une régularisation fiscale. Songeons, par exemple, au rachat du capital d’une assurance-vie qui a été financée au moyen de revenus non déclarés à l’époque, ou pour lesquels il n’est plus possible de démontrer l’origine légale en raison de l’ancienneté ou du fait que la prime a été financée par une donation des parents. Dans ces cas de figure, les banques exigeaient soit la preuve de l’origine légale des fonds ayant servi au financement de l’assurance — ce qui n’était pas possible — soit une régularisation fiscale — ce qui n’était pas non plus envisageable en l’absence de procédure adéquate depuis le 1er janvier 2024.
Les démarches auprès du parquet n’étaient pas fructueuses puisque celui-ci refusait de traiter ce type de dossier au motif qu’il ne constitue ni un point de contact ni un service compétent en matière de régularisation. Quant aux démarches auprès de l’administration fiscale, en particulier de l’Inspection spéciale des impôts (ISI), elles n’offraient pas de solution satisfaisante, dès lors qu’elles ne permettaient pas d’obtenir l’immunité pénale que la banque requérait pour le rapatriement des fonds et que, de toute façon, il n’est pas possible de régulariser des capitaux prescrits auprès de l’ISI. Ce type de dossier, parmi d’autres, pourra désormais être débloqué.
La procédure de régularisation fiscale permanente repose sur les mêmes principes que l’ancienne DLU Quater, tout en rendant plus coûteuses les régularisations fiscales. Les revenus ou opérations TVA non prescrits pourront être régularisés moyennant une majoration de 30 points de base. À titre illustratif, des revenus mobiliers non prescrits pourront être régularisés moyennant un taux de 60 %, soit 30 % de taux normalement applicable, plus 30 % de pénalité.
Les revenus prescrits, quant à eux, seront régularisés moyennant un prélèvement de 45 %, alors qu’il était de 40 % auparavant. On peut imaginer que ces majorations pourraient être augmentées à l’avenir. Comme cela a déjà été communiqué, la possibilité d’appliquer des taux réduits pour les héritiers de bonne foi confrontés à la nécessité d’une régularisation fiscale a été abandonnée. Ainsi, les héritiers de bonne foi devront appliquer les mêmes taux que n’importe quel autre contribuable, y compris les auteurs de l’infraction.
En échange du paiement du prélèvement prévu, le contribuable recevra une attestation lui conférant une immunité fiscale et une immunité pénale. L’entièreté de la procédure pour diligenter une régularisation fiscale reste la même que sous la DLU Quater (formulaire, note relative au schéma de fraude fiscale, à l’ampleur et à l’origine des montants) et l’attestation ne sera délivrée qu’après le paiement du prélèvement, lequel devra en principe intervenir dans les 15 jours suivant la réception du courrier relatif à la recevabilité de la demande.
De même que sous la DLU Quater, tous les revenus, sommes et opérations soumis à la TVA pour lesquels le déclarant ne pourra démontrer qu’ils ont été soumis à leur régime fiscal normal devront être régularisés.
L’instauration d’un système permanent était l’occasion d’améliorer le dispositif et d’envisager d’autres cas que celui de la fraude fiscale. Il n’est pas rare que certains contribuables soient tenus de procéder à une régularisation alors qu’ils n’ont pas appliqué, de bonne foi, certaines dispositions fiscales complexes, qu’ils ignoraient ou pensaient ne pas devoir appliquer. Songeons, par exemple, à l’investisseur en crypto-monnaies qui pensait être exonéré dans le cadre d’une gestion normale de patrimoine, alors qu’après examen par un fiscaliste ou par la banque lors du rapatriement des fonds issus de ses investissements, il apparaît plutôt comme un spéculateur ou une gestion anormale, et aurait donc dû déclarer ses plus-values comme revenus divers.
À défaut, il sera confronté à une régularisation fiscale, alors même qu’il n’a pas été animé d’une intention frauduleuse au moment de la non-déclaration. Il est d’ailleurs particulier que notre système fiscal ne permette pas, en matière d’impôt sur les revenus, une régularisation fiscale via une déclaration spontanée auprès de l’administration, sans application d’amende. Ce système existe en TVA : il est prévu à l’Arrêté royal n°41 et permet de déclarer des opérations soumises à la TVA sans se voir infliger une sanction. En matière d’impôt sur les revenus, bien qu’il soit possible d’initier ce type de démarche de manière informelle auprès de l’administration, aucun cadre formel n’existe et tout repose sur la négociation.
Le système actuel de régularisation fiscale est conçu pour les cas de fraude fiscale, comme en témoignent les taux de majoration élevés qu’il prévoit, à caractère davantage punitif qu’indemnitaire. Il n’est donc pas du tout adapté aux dossiers où le contribuable est de bonne foi.
On peut craindre à l’avenir, d’une part, que l’administration fiscale — et en particulier l’ISI — refuse de traiter les déclarations spontanées, en l’absence de cadre clair et en raison d’un potentiel conflit de compétence. Rappelons qu’en 2016, suite à un avis du Conseil d’État, une circulaire avait été prise interdisant à l’ISI de traiter des dossiers de régularisation.
D’autre part, même si une telle démarche aboutit auprès de l’administration, certaines banques pourraient estimer que l’accord de régularisation conclu n’est pas suffisant pour autoriser le rapatriement des fonds ou pour considérer la situation comme clarifiée au regard de la législation anti-blanchiment. En effet, une régularisation fondée sur une déclaration spontanée auprès de l’ISI n’emporte aucune amnistie pénale.
Seules les fraudes fiscales sont problématiques au regard de la législation anti-blanchiment, à la différence des omissions de déclaration commises de bonne foi. Toutefois, en pratique, les banques ne prennent pas le risque de se prononcer sur l’intention du contribuable et exigent presque systématiquement la preuve que les revenus ont été correctement taxés.
Dans tous les cas, les contribuables de bonne foi souhaitant régulariser des capitaux prescrits ne peuvent passer que par la procédure de régularisation fiscale, laquelle prévoit une majoration de 45 %, ce qui est particulièrement punitif.
Cela vaut aussi pour ceux qui, en raison de l’ancienneté des capitaux, ne sont plus en mesure de démontrer l’origine légale de ceux-ci, tout simplement parce qu’ils ne disposent pas des documents nécessaires — souvent non transmis par leurs parents. Pourtant, la preuve de l’origine légale des fonds reçus par donation ou succession est exigée par les banques. C’est ce qu’on appelle les « capitaux gris », ce qui oblige parfois les contribuables à procéder à une régularisation fiscale moyennant un prélèvement de 45 %.
En conclusion, c’est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle.
Bonne, parce que cela permet de débloquer certains dossiers, et parce que, dans un monde où la lutte contre le blanchiment est à juste titre une priorité, il était inconcevable de ne pas permettre à certains contribuables de se repentir et de régulariser leur situation.
Mauvaise, parce qu’on a manqué l’occasion de prévoir, à côté d’une procédure visant la fraude fiscale, un cadre adapté aux déclarations spontanées, où aucune majoration — ou une majoration réduite, purement indemnitaire — ne serait appliquée, afin de permettre aux contribuables de bonne foi de se mettre en ordre.
Enfin, en ce qui concerne les impôts régionaux, un accord de coopération devra encore être pris.