« CAR AU FOND, ET PRÉCISÉMENT POUR LES CHOSES LES PLUS PROFONDES ET LES PLUS IMPORTANTES, NOUS SOMMES INQUALIFIABLEMENT SEULS.” Rainer Maria Rilke
La survenance de pertes dégrade les fonds propres de votre société, c’est le signal que votre activité est déficitaire et que des mesures doivent être prises.
Quand cette dégradation devient chronique et trop importante, votre responsabilité d’administrateur est de tirer la sonnette d’alarme et convoquer une assemblée générale des actionnaires afin de décider (ou non) de la continuité de l’entreprise qui devra s’appuyer sur des mesures concrètes afin de rétablir la rentabilité.
En fonction que votre société soit une SA ou SRL, le point de bascule est différent ;
– SA : Dès que les fonds propres descendent à un niveau inférieur à la moitié du capital (si < ¼ du capital, nombre de voix moins important pour décider de la dissolution) ;
– SRL : Dès que les fonds propres risquent ou sont déjà devenus négatifs ou encore que les administrateurs doutent de la faculté de l’entreprise d’assumer ses dettes endéans les 12 prochains mois.
Lorsque ce seuil est atteint, le conseil d’administration doit convoquer, endéans les deux mois, l’assemblée générale afin qu’elle puisse statuer sur la continuité.
Les motivations et mesures de redressement doivent être détaillées dans le rapport spécial du conseil d’administration.
Si l’assemblée générale n’est pas convoquée conformément à ces dispositions légales, le dommage subi par les tiers est, sauf preuve contraire, présumé résulter de cette absence de convocation.
Pour apprécier le niveau réel des fonds propres, il faut également soustraire de ceux-ci l’éventuel montant non encore amortis des frais d’établissement et d’expansion ainsi que ceux des frais de recherche et de développement.
MENACE DE DISSOLUTION
Société anonyme (SA)
En vertu de l’article 7:229 du CSA, tout intéressé ou le ministère public peut, lorsque l’actif net est réduit à un montant inférieur à 61.500 euros, demander au tribunal la dissolution de la société.
Le tribunal peut, le cas échéant, accorder à la société un délai contraignant en vue de régulariser sa situation.
MAINTENIR LE CAP DANS UNE ORNIÈRE
Le Code de droit économique contient une disposition relative à la responsabilité spéciale qui s’applique également à la poursuite d’une activité déficitaire (« wrongful trading»).
Cette disposition figure dans la Loi sur l’insolvabilité et concerne la responsabilité d’un administrateur pour la poursuite injustifiée d’une entreprise dont la situation est irrémédiablement compromise, quand :
– L’administrateur savait ou aurait dû savoir qu’il n’y avait aucune perspective raisonnable de maintenir la société ou ses activités et d’éviter la faillite ;
– L’administrateur n’a pas agi comme un administrateur normalement prudent placé dans les mêmes circonstances.
Pour quelle raison cette disposition existe ? Une activité non rentable finira par causer du tort à l’environnement économique et laisser des créanciers impayés.
L’EFFET BOOMERANG
Enfouir sa tête dans le sable et ne pas constater comptablement les pertes réelles fait partie des pires décisions car en tant qu’administrateur vous devez présenter l’image fidèle de la santé financière de l’entreprise ;
Il pourrait s’agir de ;
VOIR ENGAGER VOTRE RESPONSABILITÉ D’ADMINISTRATEUR
Si l’état de faillite met en lumière le non-respect de la procédure de sonnette d’alarme, cela risque d’être assimilé à une faute impliquant la mise en cause de votre responsabilité d’administrateur.
Les curateurs pourraient utiliser cette disposition pour vous faire assumer et donc indemniser la société afin de rembourser les créanciers.
Savoir ou aurait dû savoir que l’entreprise était enlisée constitue, pour l’administrateur négligent, le même handicap..
Cinq (5) ans représente le délai de prescription de cette responsabilité des administrateurs dans cette problématique.
LE RÔLE DE L’EXPERT-COMPTABLE CERTIFIÉ
Lorsque le professionnel du chiffre doute de la continuité d’une entreprise, il est censé informer son client, par écrit, et obtenir de sa part la description des mesures de redressement qu’il envisage d’appliquer à court terme.
En l’absence de réaction ou si celle-ci est manifestement insuffisante/inappropriée, un mois après l’envoi du courrier, l’expert-comptable peut (mais ne doit pas) informer le Tribunal de l’Entreprise.
Il semble clair que certains considèrent cette démarche comme une trahison alors qu’elle se veut préventive de maux bien plus conséquents.
De surcroît, certains utilisent cette absence d’information préalable pour tenter d’engager la responsabilité du professionnel du chiffre, invoquant l’incapacité de l’organe d’administration de tirer la sonnette d’alarme sans avoir été adéquatement informé.
Pour le professionnel du chiffre, il y a donc un paradoxe, potentiellement ravageur, car en l’absence d’une obligation cette mesure de détection d’entreprises à risques échappe à beaucoup et retarde l’arrêt d’activités moribondes.
On attend d’une société commerciale qu’elle réalise du profit, quand ce n’est pas ou plus le cas, l’objectif immédiat doit être de renouer avec la rentabilité.
En tant qu’administrateur, votre responsabilité pourrait être engagée si vous négligez de respecter cette procédure dite de la “sonnette d’alarme”.
L’expérience démontre qu’il est rarement évident de sortir (et à temps) du bois pour annoncer aux autres que les choses prennent une tournure qui nécessite des actions fortes de redressement.
Pourtant celles et ceux qui déclenchent cette prise de conscience fondamentale doivent être salués car ils permettent aux entreprises de devenir plus résilientes et surtout d’assurer leur pérennité.
Puisse ce qui précède vous être utile dans vos décisions et restez partisan des solutions réfléchies et guidées à 360° par vos conseils ainsi que par ceux qui ont expérimenté ce que vous vivez.