Et finalement, que diront nos descendants de ce passage du millénaire, traversé par des milliards de femmes et d’hommes, entre des mondes dont auront été les bateliers. Le 20ème siècle aura été meurtri par deux guerres mondiales, dont peu de leçons auront été tirées, par la fin des empires et de la décolonisation, par l’essai avorté de deux immenses régimes marxistes aux idées prometteuses mais échouées dans des dictatures, et pas celles du prolétariat. Il y aura eu aussi des développements technologiques impensables, mais qui apparaîtront aussi désuets que l’invention du bulbe à incandescence par Edison en 1879. Le 20ème siècle sera aussi remémoré comme le plus grand gâchis planétaire environnemental et énergétique qu’on ait pu imaginer, et il sera peut-être considéré, dans un siècle, comme une troisième guerre mondiale, puisque nous avons engagé la question existentielle.
Peut-être qualifiera-t-on nos temps de seconde Belle Époque, en référence à la charnière entre les 19ème et 20ème siècle, au cours desquels la prospérité, mal partagée, donna l’impression erronée d’un progrès humain qui s’échoua dans la première guerre mondiale.
Mais peut-être dira-t-on que ce furent, à nouveau, des années folles (les roaring twenties aux Etats-Unis), comme il y a un siècle, à savoir des années d’insouciance tandis que les plus féroces dictateurs préparaient soigneusement un carnage mondial après le krach de Wall Street en 1929?
Mais entre 2124 et notre année, de nombreuses ruptures et césures fractureront le siècle, avec, probablement, des déchirures qui forceront à repenser, une fois encore, le contrat sociétal dans le sens d’un équilibre social et environnemental.
Il reste à espérer qu’entre les passions tristes et les inutiles trépidations, l’homme aura acquis quelque sagesse. En soupirant que Beckett n’a pas eu raison lorsqu’il écrivait : Il ne se passe rien, rien n'arrive mais cela m'indiffère.