Vous allez adorer la dévaluation du dollar : à 60 ans d'intervalle, la même histoire monétaire.
Pour comprendre la politique monétaire américaine, il faut s’intéresser à l’un de ses principaux concepteurs : Robert Roosa (1918-1993). Robert Roosa développa une doctrine qui continue à faire autorité : si la quantité de dollars en circulation explose, ce n’est pas un problème américain, mais celui des pays qui accumulent des dollars en engrangeant des excédents commerciaux. Cette doctrine fut brutalement résumée en 1972 par John Connally (1917-1993), Secrétaire au Trésor sous Richard Nixon (1913-1994), avec une phrase restée célèbre :"The dollar is our currency, but your problem", prononcée après le démantèlement des accords de Bretton Woods.
Aujourd’hui, un homme devient incontournable dans l’entourage de Donald Trump : Stephen Miran, nouveau président du Council of Economic Advisors de la Maison-Blanche et proche du secrétaire au Trésor Scott Bessent. Stephen Miran remet en cause l’indépendance de la Federal Reserve, arguant qu’elle est contraire aux exigences démocratiques et au système constitutionnel des États-Unis.
L’idée de Stephen Miran est de transformer les droits de douane américains en outil de négociation. Leur application serait modulée selon la volonté des partenaires commerciaux à souscrire à des obligations américaines à très long terme (un siècle), voire perpétuelles, en échange de la préservation de relations commerciales favorables avec Washington et du maintien de la protection militaire américaine. La valeur de ces obligations tendrait rapidement vers zéro, non seulement en raison de l’inflation, mais aussi de la dépréciation du dollar. Mais Stephen Miran va encore plus loin : il propose que la Maison-Blanche utilise des pouvoirs spéciaux pour réduire les taux d’intérêt des obligations américaines détenues par les banques centrales étrangères qui refuseraient de réévaluer leur monnaie par rapport au dollar.
Je crois que Donald Trump va placer la Réserve fédérale sous sa tutelle afin qu’elle refinance la dette américaine à un taux d’intérêt nul, voire négatif. Ce jour-là, le taux d’intérêt réel de la dette américaine deviendra négatif après déduction de l’inflation, entraînant ainsi l’effondrement progressif du dollar, dont la valeur serait rongée par l’inflation, sans possibilité de compensation par des taux d’intérêt plus élevés. Ce serait une première historique, car le dollar reste la monnaie de réserve mondiale. Une telle dynamique provoquerait une perte de valeur progressive du billet vert, entraînant à son tour des dévaluations compétitives des autres devises.
Ce scénario n’est pas inédit : il s’est déjà produit dans les années 1970, déclenchant un chaos monétaire sans précédent, marqué par une inflation galopante et des ajustements économiques douloureux. Tout cela relève, pour l’instant, de la science-fiction monétaire. Mais peut-être pas tant que ça.