Allez-vous réveiller cette société dormante ?

« IL EST TOUJOURS POSSIBLE DE SORTIR DE L’APATHIE PAR UN ACTE DE VOLONTÉ ET DE COURAGE. » Albert Camus

Vous avez un projet d’entreprise et l’une de vos connaissances vous propose de reprendre les actions de sa société dont elle ne fait plus rien et qui n’a plus d’activité.

Votre proche ne tarit pas d’éloges sur les bienfaits de cette transaction en mettant en avant que cela coûte bien moins cher et présente moins de risques que de constituer une nouvelle société.

Sous prétexte que ce type de transition soit économique, extrêmement souple et rapide, la reprise de sa société dormante (“coquille”) est-elle réellement intéressante ?

AVANTAGES

> Vous démarrez directement

En reprenant une société existante, vous évitez toutes les formalités liées à la création d’une nouvelle société, comme l’acte notarié de constitution, l’ouverture d’un compte bancaire, et les démarches auprès de la Banque-Carrefour des Entreprises.

Si la société est semi-dormante, cela signifie qu’il lui reste un cœur d’activité à raviver et/ou des actifs à exploiter.

> Pas de nécessité d’un plan financier, ni d’engagement en tant que fondateur

La constitution d’une SRL ou SA exige préalablement la réalisation d’un plan financier qui doit également être revu par un expert comptable.

Le Code des Sociétés fixe le montant minimal du capital d’une SA à 61.500,00 EUR. Pour la constitution d’une SRL, les fondateurs doivent établir un plan financier décrivant les besoins financiers de la société et démontrant que celle-ci disposera, en fonction de son activité, de ressources suffisantes pour mener à bien son objet social.

Ainsi, bien qu’il n’y ait plus de capital minimum strictement requis pour constituer une SRL, il est essentiel que les fondateurs fournissent une analyse financière rigoureuse pour garantir la viabilité de la société et ainsi déterminer quel est l’apport (anciennement “capital”) effectif qu’ils doivent apporter pour constituer une SRL.

Lors d’une faillite et en présence de sous capitalisation (à l’appréciation du juge), les associés/fondateurs peuvent être tenus responsables au paiement afin d’indemniser les tiers.

> Pas de mise de fonds

Contrairement à une constitution, vous n’avez donc pas l’obligation de capitaliser la société acquise. Votre décaissement représente le prix des actions que vous payez au Vendeur.

> Reprise d’une créance sur la société

Dans ce type d’opération, l’un des principaux attraits est de pouvoir récupérer à très bon prix la créance du Vendeur sur la société. Comprenez qu’il a avancé des fonds pour soutenir son activité et qu’il comprend qu’il ne pourra pas les récupérer.

C’est donc potentiellement un moyen pour vous, si votre activité est rentable, de retirer du cash d’une entreprise sans taxation en remboursement de cette dette actionnaire.

Pour autant, cette situation doit être encadrée sur le plan fiscal.

INCONVÉNIENTS

> Preuve de propriété des actions

Sans en être le propriétaire, Mr Victor Lustig a vendu la Tour Eiffel à Mr André Poisson en 1925. Lustig a réussi à convaincre Poisson de lui verser une somme importante pour « acheter » la Tour Eiffel.

Perclus de honte, le triste acheteur n’a pas signalé l’escroquerie aux autorités, ce qui permis à l’imposteur de tenter de vendre une seconde fois.

En ce qui concerne les actions de PME et même si c’est rarissime, certains actionnaires légitimes peuvent se manifester avec –beaucoup– de délai, notamment en invoquant des erreurs dans des successions et revendiquant ainsi leur propriété et/ou partie du prix de vente.

De la même manière que l’achat d’un immeuble ou d’un véhicule permet de retracer ses propriétaires, vous devez faire de même avec une entreprise.

Pour toutes ces raisons, il est fondamental que vous obteniez toutes les garanties quant au fait que celui qui vend soit bien le propriétaire (principalement grâce au registre des actions). Dans le cas contraire, vous devez exiger une garantie robuste et/ou des conditions particulières dans la convention d’acquisition.

Être administrateur n’implique pas forcément que vous soyez actionnaire (propriétaire) et réciproquement.

> Historique connu et/ou occulte

Il existe toujours un risque de passif caché (dettes ou engagements non déclarés) qui pourrait être découvert après l’acquisition. Vous héritez de toutes les responsabilités passées de la société, y compris d’ éventuelles erreurs.

Pour cette raison, il est vivement conseillé de faire appel à un professionnel du chiffre et du droit pour encadrer votre acquisition. Sinon, autant opter pour mettre vos mains dans un sac d’oursins en espérant faire un bon repas.

> Aspects administratifs

Il y a peu de chance pour que l’entreprise que vous souhaitez reprendre évolue dans le même secteur d’activité que le vôtre.

Pour cette raison, vous devrez fort probablement faire appel à un notaire pour adapter ;

– Le nom de votre entreprise ;

– L’objet social ;

– L’administrateur qui pourra représenter la société.

Même si vous acceptez de vivre avec le nom et l’objet social, vous devrez, à minima, être désigné comme administrateur et démissionner le/la précédent(e), ce qui implique une publication aux annexes du Moniteur belge.

> Pertes d’avantages fiscaux

* VVPRbis

Ce régime fiscal avantageux permet à une société de distribuer des dividendes, en faveur d’actionnaires personnes physiques, précomptés à 15 % (et non 30 %, soit diviser l’impôt par 2) lorsque toutes les conditions sont réunies.

Lorsque le capital de la société est représenté par des actions éligibles au régime dit “VVPRbis”, votre rachat d’actions aura pour conséquence de mettre à néant cet avantage fiscal et cela peut devenir un handicap majeur.

Dans certains cas, il existe néanmoins une solution qui peut trouver à s’appliquer.

* Changement de contrôle

Le changement d’actionnaire/administrateur représente un changement de contrôle sur la Société. Lorsque celui-ci est considéré comme non motivé par des besoins légitimes de caractères économiques et/ou financiers, il est susceptible d’entraîner la mise à zéro des déficits fiscaux dont les pertes fiscales reportées.

* Ne plus être considérée comme une jeune entreprise

Il existe quelques faveurs réservées aux entreprises ayant moins de 3 ans ;

– Pas de majoration en absence de versements anticipés ;

– TVA remboursable mensuellement ;

– Tax-shelter sur actions (à lire en détails) ;

– Etc.

Dès lors votre reprise, même si elle est récente pour vous, ne justifie pas/plus de modifier le critère de “jeune entreprise” qui dépend uniquement de sa date de constitution.

> Fonds propres dégradés

* Accès plus difficile aux emprunts et/ou subsides

Si les exercices précédents de l’entreprise étaient déficitaires, ceux-ci provoquent donc la diminution des fonds propres.

Or la solvabilité (à lire en détails) est un des ratios phares analysé par un banquier lorsque votre société sollicite un emprunt. Lorsqu’il est médiocre, c’est un sérieux écueil pour l’obtention d’un crédit.

La situation est identique, lorsque vous sollicitez un subside, régulièrement, ceux-ci sont assortis de conditions liées à la bonne tenue de vos fonds propres.

* Tout tiers intéressé peut demander la faillite

Si les capitaux propres s’élèvent à < 50% du capital, cela est dû aux pertes reportées. C’est un signal qui peut être sérieux. Près de la moitié des entreprises en faillite présentent ce signal négatif.

Dès cette constatation, l’assemblée générale doit être convoquée pour délibérer sur la dissolution de la société ou sur toute autre mesure justifiant de la continuité.

Lorsque l’actif net est tombé à <25% du capital, toute partie intéressée peut demander la dissolution de la société devant les tribunaux.

QUELLE VALEUR POUR LES ACTIONS ?

Dans le cas d’une société dormante qui, par essence, a peu ou pas de valeur, celle-ci se situe néanmoins au confluent des avantages pour le Vendeur et l’Acheteur ;

> Vendeur

Ne doit pas supporter les frais de liquidation d’une société (càd expert-comptable, rapport d’un réviseur d’entreprises, acte notarié, etc.). Il est nettement plus coûteux de fermer une entreprise que de la constituer.

En présence d’immeuble dans la société, le Vendeur est réputé ne pas subir pas la taxation sur la plus-value réalisée lors de la cession de ses actions et la Société ne doit pas supporter l’impôt société sur la plus-value immobilière (différence entre valeur marché de l’immeuble et sa valeur comptable quasi nulle). (à lire en détails)

> Acheteur

Désir agir très rapidement et disposer d’une société pré-existante à certaines opérations.

Souhaite éviter tout le processus de création et d’engagement solidaire (de sous-capitalisation) en tant que fondateur.

Considère comme attractif, le fait de pouvoir récupérer une créance sur une société à moindre coût.

En présence d’immeuble dans la société, est réputé ne pas supporter les droits d’enregistrement (+/- 14 %) car il achète des actions et non un immeuble. En contrepartie, la Société doit se contenter de la valeur subsistante de l’actif à amortir, très souvent fortement inférieure à l’investissement réalisé dans le prix des actions.

QUE FAUT-IL EN RETENIR ?

Le bon sens impose à l’acheteur d’indiquer dans la convention d’acquisition des actions, entre-autre, que le Vendeur doit garantir tous les faits antérieurs à la reprise et ainsi en assumer tant les conséquences que les coûts.

Acheter les actions d’une société dormante, par exemple, pour l’euro symbolique n’est pas forcément une bonne ni une mauvaise affaire. L’enjeu reste d’apprécier si les avantages apparents ne sont pas éclipsés par les inconvénients toujours moins évidents à déceler.

Puisse ce qui précède vous être utile dans vos décisions et restez partisan des solutions réfléchies et guidées à 360° par vos conseils ainsi que par ceux qui ont expérimenté ce que vous vivez.

Thomas DRAGUET ©│thomas@anticiper.tax
ANTICIPER SRL, Expert-comptable Conseil fiscal certifié
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