Nous n’avons pas compris que la révolution de l’Intelligence Artificielle est une véritable révolution.
Pas au sens cosmique ou copernicien, où les planètes tournent pour revenir à un certain point d’origine.
Non, c’est une véritable brisure dans le tracé du progrès humain, comparable au foisonnement d’inventions qui furent à l’origine de la première révolution industrielle, celle de la machine à vapeur (en illustration) de James Watt (1736-1819).
De multiples problèmes vont se poser, à commencer par la qualité, la quantité et la rémunération du travail humain, associé au partage des gains de productivité : pourquoi payer un humain pour un travail qu’une machine peut mieux performer ? C’est d’ailleurs un problème que Karl Marx (1818-1883) avait finalement analysé (et ceux qui veulent réfléchir doivent relire Le Capital).
Mais ce qui se tapit derrière cette révolution de l’Intelligence Artificielle, c’est un immense mouvement schumpétérien.
De quoi s’agit-il ? Le mouvement schumpétérien, du nom de son théoricien Joseph Schumpeter (1883-1950), décrit le dynamisme capitaliste par la « destruction créatrice ». Les innovations majeures éliminent les industries et modèles obsolètes pour en faire émerger de nouveaux, stimulant ainsi le progrès économique.
Mais attention : il faut bien lire sa théorie.
D’abord, on innove, puis on détruit.
Aujourd’hui, on innove grâce à l’Intelligence Artificielle.
Mais la destruction va suivre, surtout dans une économie où 70 % du PIB provient des services.
Prenez tous les métiers de la consultation, de l’audit, de la banque d’affaires, de l’avocature, de la gestion d’actifs, etc., bref tous les métiers qui se sont assuré une taille critique mais qui surtout sont des tiers de confiance, puisque quand on fait appel à un cabinet, on « loue » sa réputation, donc l’attribut de confiance qu’on peut lui associer. Cet attribut de confiance est lié à la qualité intellectuelle de ses experts.
Mais que reste-t-il de cette réalité si un nouvel entrant défie ces entreprises existantes par un service moins cher, plus agile et fondé sur l’Intelligence Artificielle ? Même si les entreprises établies l'utilisent, elles ne seront plus capables d’exiger la facturation traditionnelle.
On a alors un monde en mouvement où le but même de l’entreprise privée, qui est de rechercher un certain monopole associé au pouvoir d’imposer ses prix, est mis en cause.
Si j’étais encore chef d’entreprise, au lieu de regarder le pare-brise, je regarderais le rétroviseur arrière.
Un changement profond va faire basculer des entreprises. Pas les grandes ni les très petites : celles qui sont dans la pire position stratégique : trop petites pour concurrencer les grandes, trop grosses pour avoir l’agilité des petites, bref, celles qui n’ont pas trouvé la percée du succès et de l’excellence.
Et tout cela va arriver très rapidement.