Suite à l’entrée en vigueur du nouveau Code des Sociétés et Associations[1], de nouvelles manières de réaliser une donation sont apparues. Parmi celle-ci: l’apport non rémunéré[2].
Focus sur certaines questions à ce sujet !
Prenons un exemple: Monsieur et ses deux enfants constituent une société familiale adoptant la forme d’une SRL.
Lors de cette constitution, chacune des parties apporte 10.000 € à la société. En contrepartie de ces apports, chacun reçoit une action (la valeur d’une action est de 10.000 €).
Consécutivement à la création de la société, Monsieur décide de réaliser un apport complémentaire de 300.000 € en faveur de la société. Cet apport ne sera pas rémunéré par l’émission d’actions nouvelles. Suite à ce nouvel apport, la participation de chacun des actionnaires enregistre une plus-value de 100.000 € (la valeur d’une action est désormais de 110.000 €).
Par le biais de cette opération, Monsieur transfert ainsi de manière indirecte (via le patrimoine de la société familiale) des valeurs à ses enfants. Si l’intention libérale est établie dans le chef de Monsieur, cet apport non rémunéré peut constituer une donation indirecte en faveur des enfants (le procès-verbal de l’AG relatif à l’apport non rémunéré constitue l’acte neutre sur lequel s’appuiera le pacte adjoint).
Sur le plan fiscal, cette donation n’est pas obligatoirement enregistrable auprès des autorités fiscales au taux réduit de 3% ou de 7% (en Wallonie: ces taux sont de 3,3% ou de 5,5%). Au cas où les parties décideraient de ne pas enregistrer la donation, aucun impôt ne sera dû si le donateur ne vient pas à décéder dans les 3 ans de la donation (en Wallonie: ce délai a été porté à 5 ans, pour les libéralités réalisées à partir du 1er janvier 2022). En cas de décès du donateur dans cette période, la personne gratifiée sera redevable des droits de succession à concurrence des biens reçus (taux progressif susceptible d’atteindre jusqu’à 30% en ligne directe et jusqu’à 80% dans les autres cas). Le risque fiscal lié à un décès dans cet intervalle peut être couvert de plusieurs manières.
Prenons un exemple: Monsieur et Madame sont usufruitiers de l’intégralité des titres émis par la société familiale. Leurs deux enfants en sont nus-propriétaires.
Monsieur et Madame décident de réaliser un apport complémentaire non rémunéré à la société familiale. Suite à celui-ci, la valeur des parts de la société va augmenter. L’ensemble des actionnaires de la société vont s’enrichir. Dans ce cas spécifique, il semble toutefois possible de soutenir que cet apport ne constitue pas une donation au sens du droit civil. En effet, une libéralité suppose notamment la réunion des conditions suivantes:
Compte tenu que les enfants nus-propriétaires ne participent, en principe, pas à l’AG autorisant cet apport complémentaire, il peut être soutenu qu’ils n’acceptent pas la « donation ». En ce sens, il est permis de s’interroger sur le fait de savoir si cet apport non rémunéré ne constituerait pas un acte hybride susceptible d’être à ce jour exonéré d’impôt.
Il semble que l’apport non rémunéré, à l’instar du principe de non-proportionnalité entre l’apport et sa contrepartie, consacré en matière de SRL soit un principe général transposable à d’autres formes de sociétés dans le CSA (e.a. les sociétés simples).
En France, la Cour de cassation française a estimé que l’écran constitué par la personnalité morale d’une société ne fait pas obstacle à l’existence d’une donation entre des personnes.
La Cour a consacré le concept de « donation par interposition d’une société »[3].
Il est prudent d’intégrer cette jurisprudence française dans le cadre de la planification patrimoniale belge recourant à un apport non rémunéré.
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[1]Le CSA est entré en vigueur le 1er mai 2019
[2]Article 5.120 CSA
[3]Arrêt du 24 janvier 2018
Source : Avocats DEKYSER&Associés, janvier 2023