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Arizona – Fiscalité patrimoniale: plus-values taxées même sans vente, même sans liquidités

Le projet de réforme porté par le gouvernement Arizona ne se limite pas à introduire une taxe sur les plus-values réalisées sur actifs financiers. Il va bien au-delà, en prévoyant des fictions fiscales aux conséquences lourdes pour les transmissions patrimoniales, notamment dans les contextes internationaux.

Deux dispositifs méritent une attention particulière : l’exit tax généralisée en cas de départ à l’étranger et la taxation en cas de donation ou de succession à un non-résident.


1. Transfert de résidence fiscale à l’étranger = cession imposable

Un contribuable quittant la Belgique est réputé avoir cédé l’ensemble de ses actifs financiersau jour de son départ.

Cela revient à instituer une exit tax généralisée :

  • La plus-value latente est immédiatement imposable, même si aucune vente effective n’a eu lieu.
  • Un échelonnement du paiement sur 5 ans serait prévu, à titre d’aménagement.

Cette fiction pose plusieurs questions juridiques majeures :

  • Sur le plan constitutionnel : elle interroge le respect des principes de proportionnalité et de capacité contributive.
  • Sur le plan européen : elle semble incompatible avec la libre circulation des capitaux et la liberté d’établissement consacrées par le droit de l’UE (cf. l’arrêt De Lasteyrie du Saillant – C-9/02 – où la France avait été contrainte de réviser son régime d’exit tax).


2. Donation ou succession à un non-résident = cession imposable

Le projet assimile à une cession à titre onéreux toute donation ou succession d’actifs financiers au profit d’un non-résident fiscal belge.

Conséquences concrètes :

  • Si un résident belge donne un compte-titres à sa fille domiciliée à Paris, la plus-value latente sera immédiatement taxée.
  • Si ce même compte est donné à un fils domicilié à Liège, la taxation est différée jusqu’à la réalisation du portefeuille par le donataire.

Absence d’aménagement en cas d’usufruit :

Même si le donateur conserve l’usufruit économique (par subrogation réelle), le nu-propriétaire serait redevable de l’impôt, sans en percevoir les liquidités, sauf dérogation explicite dans l’acte.

Multiplication des risques de double ou triple imposition :

  • Dans des pays comme la France ou l’Espagne, où l’impôt de donation ou de succession dépend de la résidence du donataire,
  • La Belgique imposerait la plus-value latente, en parallèle de la taxation locale des mutations à titre gratuit.


Un empiètement sur les compétences régionales ?

Cette nouvelle taxation soulève une question constitutionnelle importante :

En tant qu’impôt fédéral levé à l’occasion d’une transmission à titre gratuit, elle empiète potentiellement sur les compétences régionales, qui sont seules habilitées à légiférer en matière de droits de donation et de succession.


Conclusion

Le projet de réforme pénalise les transmissions familiales transfrontalières. En instituant une fiscalité fictive, immédiate et sans liquidités, il fragilise de nombreuses planifications patrimoniales.

Au-delà de ses objectifs budgétaires, ce régime soulève de sérieuses objections constitutionnelles et européennes, et risque d’être jugé discriminatoire à l’égard des familles impliquant un élément d’extranéité.

Un ajustement technique et juridique paraît dès lors indispensable pour garantir la sécurité juridique des contribuables et le respect des engagements européens de la Belgique.

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