Base de données et droits d'auteur : notion d'originalité d'une oeuvre

Une base de données peut-elle faire l'objet d'une protection par la loi sur les droits d'auteur et être dès lors éligible au régime fiscal favorable ?


Une double protection


D’emblée, il convient de préciser que les bases de données font l’objet d’une double protection :


  • Une protection dite « sui generis » qui vise à protéger le « contenu » d’ une base de données, en dépit de son éventuelle absence d’originalité. Nous n’aborderons pas ici ce droit qui confère au producteur d’une base de données le droit de voir protégé l’investissement substantiel qu’il a fait et non l’acte de création. Ce contenu est protégé par une Directive européenne du 11 mars 1996 96/9/CE (Chapitre 3, articles 7 à 11), transposée en droit belge le 31 aout 1998 et qui est repris au Titre 7 du Livre XI du Code de droit économique.
  • Une protection par la loi sur le droit d’auteur qui vise à protéger la structure de la base de données, si elle est originale. C’est l’architecture ou le « contenant » de la base de données qui est l’objet de cette seconde protection que nous examinons dans cette chronique.


Une base de données ne sera jugée originale que si elle ne se limite pas à une classification banale des sujets mais si la structure de la base de données sort de l'ordinaire par le choix arbitraire et personnel des matières, par une présentation ou une combinaison inédite, par un choix libre et créatif.


Comme le souligne, Alain Berenboom, une banque de données peut être protégée si elle est une œuvre originale marquée de l’empreinte de l’empreinte de la personnalité des auteurs. , (A. Berenboom, « Le nouveau droit d’auteur et les droits voisins, 2ème édition’ , p 229).


Choix arbitraire original de l'auteur


Il nous parait qu’en ce domaine, l'une des conditions les plus déterminantes est celle du libre choix de l'auteur dans sa création. Le critère essentiel pour caractériser l'originalité est en effet le « choix arbitraire original de l'auteur ».


On retrouve ce point de vue dans divers arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne qui juge originale « toute création, forcément nouvelle, qui exprime la personnalité de son auteur à travers des choix qui lui sont propres ».

Une œuvre se doit de porter la marque de l’apport intellectuel et être libre de contraintes techniques de celui qui l’a conçu. En ce sens, dès l’instant où seul compte ce critère de l’originalité, il importe peu de savoir si le choix ou la structure d’une base de données constitue ou non une œuvre de l’esprit protégeable. Ce critère du choix arbitraire et donc de la liberté de l’auteur dans la création nous parait supérieur, même s’il peut compléter ou se combiner avec divers critères alternatifs.


Il faut en quelque sorte que l’âme, la sensibilité et la présence de l’auteur se reflètent dans l’œuvre créée.


Au fond, Gustave Flaubert, résumant son roman Madame Bovary à l’une de ses lectrices admiratrices (et sans doute maitresse) , ne dit rien d’autre lorsqu’il s’exprime en ces termes : « L’artiste doit être dans son œuvre, comme Dieu dans la création, invisible et tout-puissant ; qu’on le sente partout , mais qu’on ne le voie pas. ».

Qu’il s’agisse d’une sculpture, d’un logiciel, d’une base de données, ou de toute autre œuvre de l’esprit, ne doit-on pas sentir son auteur, découvrir ou retrouver sa personnalité, imaginer son cheminement pour permettre à cette œuvre de pénétrer dans le cercle fermé et admirable des créations méritant d’être protégées ?


N’est-ce pas cela précisément l’empreinte d’une personnalité ?


Pierre-Francois COPPENS

Conseil fiscal ITAA ; Fondateur de l'A.D.F.P.C. ; Chargé de formations à la Chambre Belge des Comptables


Source : Linkledin, 9 novembre 2020


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