Bravo Monsieur le Juge


Il y a des décisions de justice qu’il faut saluer lorsqu’elles révèlent la créativité salutaire du magistrat fiscal.

L’affaire, soumise au tribunal de première instance de Gand (jugement du 13 septembre 2022) concerne une notification d’imposition d’office de l'exercice d'imposition 2019 adressée à une société en raison d’une déclaration d’impôt tardive ( le contrôleur n’ayant pas tenu compte du cas de force majeure résultant de la maladie soudaine d’un comptable qui a provoqué ce retard).

L’article 207, alinéa 7 du CIR 92 prévoit l’interdiction des déductions extracomptables sur la partie du résultat qui fait l’objet d’une rectification de la déclaration visée à l’article 346 ou d’une imposition d’office visé à l’article 351 pour laquelle des accroissements d’impôt égaux ou supérieurs à 10 % ont été appliqués.

Concrètement, dans ce dossier, la société avait produit tardivement la déclaration fiscale avec un résultat imposable de 210 000 € alors qu’il y avait une déduction pour revenus de brevets de 170 000 € et une déduction pour capital à risque de 1500 €, déductions rejetées par l’administration.

Malgré ce cas malheureux, le juge, prudent, va considérer que l’accroissement d’impôt pour non-respect du délai l’introduction de la déclaration reste justifié et proportionné à l’infraction commise.

Toutefois, le juge va faire preuve ici d’une inventivité inattendue.

Il constate en effet que la société subit en l’espèce une double peine (accroissement d’impôt et refus des déductions extracomptables). Or, la société n’est pas vraiment responsable et a bien introduit la déclaration, certes en retard. Le juge constate également que l’administration n’a pas contesté le caractère involontaire de cette déclaration tardive.

Dès lors il va réduire l’accroissement d’impôt de 10 % à 9,9 %.

Cette solution a pour effet de permettre à la société de déduire de sa base
imposable la déduction pour revenus de brevets et la déduction pour capital à risque, puisque l'accroissement n’atteint pas le montant de 10 % requis par le texte de loi.

Le juge aurait pu aussi analysé la volonté du législateur (de l’époque) qui était d’assurer essentiellement l’imposition effective des suppléments suite à un contrôle fiscal et non en cas de déclaration déposée tardivement, mais il parvient au même résultat par ce magnifique tour de passe-passe original qui consiste simplement à réduire de 0,1 % le taux d’accroissements d’impôt.

Notre point de vue est que l’article 207, alinéa 7 est une disposition particulièrement violente dont les effets sont parfois désastreux.

On ne peut donc que féliciter un juge qui fait preuve en l'espèce d’une certaine humanité et a pris en compte la situation particulière d'une société qui avait subi de plein fouet une double imposition, sans avoir commis de comportement fautif.

Bravo Monsieur le juge !

Pierre-François COPPENS

Conseil fiscal ITAA; Président et Fondateur de l'ADFPC

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