Le titre est évidemment accrocheur, le contenu TRES BIEN nuancé sous la direction d’Adrien de Marneffe de La Libre
Voici un croquis qui m’est consacré dans La Libre de ce week-end.
Oui, au cours des 15 dernières années, j’ai infléchi ma pensée vers des considérations plus sociales et écologiques. Non pas par adhésion émotive mais par construction intellectuelle.
En ai-je tiré le moindre avantage ? Aucun.
Je n’ai aucun mandat public et ne dépends de personne.
Je l’ai expliqué article après article, livre après livre.
Au reste, comment imaginer qu'un homme ne change pas au gré des rencontres, des confrontations, des émotions qui traversent une vie ?
J'étais admiratif du modèle néolibéral américain, et c’est pour cela que j’ai suivi tant d’études aux États-Unis. Mais le krach de 2008, que j’ai vu du haut de la Présidence de la Bourse de Bruxelles, et surtout du Comité de direction de la Bourse de New York, m’a marqué au fer rouge.
Je me souviens des personnes qui contestaient les excès des subprimes et qu’on enjambait, le long de Trinity Church, à côté de Wall Street, lorsqu’en 2008, j’étais CEO de la Bourse de Bruxelles et membre du Comité de New York.
J’ai compris que derrière les chiffres et les équations, il y avait des femmes, des hommes, des réalités sociales, certes auxquelles je n’ai pas été confronté, mais que mon verbe et ma plume devaient intégrer, puisque, comme l'écrivait François Mauriac, dont la lecture a façonné mon style, écrire c’est agir.
Et puis, aussi enseigner, raison pour laquelle j’ai défendu un doctorat.
J’ai dû avoir plus de 30 ou 40 mille étudiants et personnes qui ont assisté à mes cours et conférences. J’espère leur avoir laissé une syllabe, un mot, une parole qui peut avoir été utile.
Mes combats humanistes se sont aussi déployés vers d’autres causes, dont des ASBL et fondations caritatives, sans jamais renier les entreprises et projets auxquels j’ai contribué, bien au contraire.
Et c’est vrai : le clivage du monde, la politique émotive, les raidissements que certains entretiennent au lieu de chercher l’apaisement social, les coups d’éclat politiques qui n’apportent rien qu’amertume et irritation des tristes passions, je n’aime pas.
J’ai 64 ans, et je crois à l’érudition, à la réflexion, au calme, à la tranquillité de la pensée, au don de son temps, à la transmission de la mémoire, car je ressens que comme un cri répété par mille vigies, le monde est en fragilité, ce que Stefan Zweig avait tellement bien ressenti dans son « Monde d'hier ».
C’est pour cela que j’ai toujours considéré que le transfert de savoir ne se monnayait pas, mais était plutôt une minuscule pierre que tous nous apportons à l’édification de nos communautés.