Les mesures d’aide à la recherche et au développement (R&D) constituent le poste de déduction le plus important à l’impôt des sociétés (1,2 milliard d’euros en 2018). La Cour des comptes constate que, malgré ce coût budgétaire élevé, le législateur a formulé peu d’objectifs concrets permettant d’évaluer l’efficacité des mesures d’aide fiscale. En outre, le contrôle du respect du cadre législatif complexe s’avère souvent difficile.
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Les mesures d’aide à la recherche et au développement (R&D) constituent à ce jour le poste de coûts le plus important à l’impôt des sociétés : 1,2 milliard d’euros en 2018, soit trois fois plus qu’en 2013. Actuellement, les PME sont plus nombreuses que les grandes entreprises à utiliser ces mesures. Toutefois, exprimée en montants bruts, la majeure partie de ces mesures se concentre auprès d’un nombre limité de grandes entreprises.
Bien que les mesures d’aide fiscale puissent se justifier pour atteindre l’objectif européen d’investir au moins 3 % du PIB dans la R&D, il n’existe pas d’objectifs Smart concrets permettant d’évaluer l’efficacité de chaque mesure ou de leur combinaison.
En outre, le cadre réglementaire des mesures est particulièrement complexe. De nombreux concepts, en commençant par celui de R&D, ne sont pas définis ou ne le sont pas clairement dans le code des impôts sur les revenus (CIR92). De plus, la procédure actuelle d’introduction d’une demande de brevet belge comporte un risque réel d’utilisation par des entreprises à des fins purement fiscales. En effet, celui‐ci peut être obtenu sans que toutes les conditions de brevetabilité soient remplies. De même, aucun critère d’évaluation spécifique n’a été prévu pour la nouvelle catégorie des programmes d’ordinateur protégés par le droit d'auteur dans le cadre de la déduction pour revenus d’innovation, ce qui en complique le contrôle.
L’analyse de risques visant à déterminer auprès de quelles entreprises l’administration fiscale contrôlera les mesures d’aide est relativement rudimentaire faute de données concrètes ou de critères de risques. Ainsi, il n’est pas tenu compte de la nature de l’activité de l’entreprise ni de l’existence d’une décision anticipée concernant la déduction pour revenus de R&D. Par ailleurs, les motifs du peu d’efficacité de certains contrôles du crédit d’impôt et de la déduction pour revenus de brevets et d’innovation n’ont pas encore fait l’objet d’une évaluation approfondie.
La Cour des comptes a constaté différents problèmes dans la réalisation des contrôles. L’évaluation de l’appartenance au domaine de la R&D dépasse rapidement les connaissances techniques (non fiscales) des contrôleurs fiscaux. Les avis de Belspo (le département fédéral de la Politique scientifique) sont facultatifs et souvent dépourvus de motivation, ce qui dans la pratique n’en permet pas le contrôle par le SPF Finances. La Cour souligne par ailleurs que Belspo ne dispose pas de personnel suffisamment spécialisé pour réaliser cette tâche.
La réalisation ou le contrôle d’une « étude des prix de transfert » pour déterminer les revenus d’innovation bruts pose aussi problème en raison de l’absence de points de comparaison de qualité dans les bases de données disponibles. En outre, les contrôleurs fiscaux ne sont pas tous suffisamment formés à cet effet. La Cour des comptes recommande dès lors de créer une cellule R&D spécialisée distincte regroupant l’ensemble de l’expertise disponible.
Actuellement, il est difficile d’évaluer l’efficacité de chaque mesure d’aide fiscale ou de leur combinaison, en l’absence d’objectifs mesurables concrets (par exemple, en termes d’emploi ou de niveau de R&D bien défini).
Une analyse réalisée en 2019 par le Bureau fédéral du plan a toutefois révélé que les mesures d’aide à l’impôt des sociétés (à savoir le crédit d’impôt et la déduction pour revenus de brevet) entraînaient relativement peu de dépenses de R&D supplémentaires, surtout auprès des grandes entreprises. L’efficacité diminuerait en outre lorsque les entreprises combinent différentes mesures d’aide. Sur la base des conclusions du Bureau fédéral du plan, la Cour des comptes propose d’examiner si le montant d’aide total ou le pourcentage de déduction pourrait être réduit à partir d’un certain plafond. Cela permettrait non seulement de réduire le coût, mais aussi d’augmenter l’efficacité des mesures d’aide à l’impôt des sociétés.
Enfin, la Cour des comptes a aussi constaté que les niveaux politiques fédéral et régional ne se concertent et ne collaborent pas suffisamment pour harmoniser et coordonner leurs politiques en matière de R&D et d’innovation. La conférence interministérielle de la politique scientifique (CIMPS), qui est actuellement le seul instrument de concertation entre les instances politiques régionales et fédérales en matière de politique scientifique, ne s’est pratiquement pas réunie au niveau ministériel au cours des dix dernières années et n’a donc pas pu jouer un rôle de coordination.