Cession d'entreprise : le vendeur peut-il me faire concurrence?

Si vous achetez la totalité des actions d’une société, vous en devenez « propriétaire » mais son identité et son patrimoine ne sont pas modifiés puisque le transfert ou la transmission ne portent pas sur ses actifs ou ses activités sous-jacentes[1].

Si le Cédant ne s’est pas volontairement engagé à ne pas faire concurrence à l’entreprise cédée (et, indirectement, à son nouvel actionnaire), le principe de la liberté d’entreprendre l’emporte et il n’existe pas d’obligation de non-concurrence implicite à sa charge.

Il en va différemment en cas de cession du fonds de commerce. En effet, dès lors qu’une telle cession porte sur les actifs et l’activité sous-jacente de l’entreprise afin de permettre au Cessionnaire de s’accaparer la clientèle, le Cédant doit, en vertu des articles 1626 et suivants du Code civil, garantir le Cessionnaire contre les troubles de droit émanant des tiers (ex. : la situation où un tiers revendiquerait un droit sur le nom commercial ou la clientèle) et contre son fait personnel (troubles de droit et de fait).

Jurisprudence et doctrine reconnaissent donc une obligation implicite de non-concurrence/non-rétablissement dans le chef du vendeur. Il convient de préciser que cette obligation ne vaut que pour

  • (i) la nature de l’activité cédée (limite matérielle),
  • (ii) la zone géographique sur laquelle elle s’exerce (limite territoriale)
  • et (iii) le temps nécessaire à la fixation de la clientèle (limite temporelle).

Nous l’avons vu, il est donc particulièrement dangereux de conclure une convention de cession d’actions qui ne contienne pas d’obligation de non-concurrence à charge du Cédant, dès lors que le régime légal ne prévoit pas de protection spécifique à cet égard[2].

Que ce soit dans le cadre d’une cession d’actions ou d’une cession de fonds de commerce, nous ne pouvons que préconiser la présence de professionnels à vos côtés afin de vous protéger contre la concurrence du Cédant, qui connaît bien la clientèle et risquerait de faire perdre toute valeur à l’entreprise ou le fonds de commerce repris.

L’intervention de professionnels du droit permet également de s’assurer que la clause de non-concurrence est libellée de manière précise et correcte, dès lors que pour qu’elle puisse être considérée comme valable et produire tous ses effets, celle-ci doit remplir certains critères que nous ne manquerons pas de vous expliquer lors d’un prochain article à paraitre sur notre site internet.

Me David BLONDEEL & Me Flavie MATON



[1]On considère, au demeurant, qu’à défaut de « changement d’employeur » (comme en cas de fusion, scission, passage en société…), il n’y a pas un « transfert d’entreprise » au sens de la Convention collective de travail n°32bis.

[2]Cela ne signifie pas qu’il est impossible de poursuivre les Cédants des actions s’ils se sont rendus coupables d’un « acte contraire aux pratiques honnêtes du marché » (article VI.104 du Code de droit économique) ou sur pied de l’article 1382 du Code civil dès lors que, s’ils n’informent pas le Cessionnaire de leur volonté de poursuivre une activité concurrente à celle de la société alors qu’ils avaient conscience de l’importance de cet enjeu à ses yeux, ils engagent leur responsabilité en raison d’une culpa in contrahendo.

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