« Nous allons dans la mauvaise direction ». C’est ce qui ressort d’un nouveau rapport sans équivoque sur le climat, élaboré par plusieurs institutions en coordination avec l’Organisation météorologique mondiale (OMM).
Le rapport intitulé United in Science fait le point sur les gaz à effet de serre, les températures mondiales, les prévisions climatiques et les points de bascule, le changement climatique dans les villes, l’impact des phénomènes météorologiques extrêmes et les alertes précoces.
Le travail des experts révèle un profond hiatus entre nos aspirations et la réalité tangible et rappelle qu’en l’absence de mesures plus ambitieuses, les effets physiques et socioéconomiques du changement climatique se montreront de plus en plus dévastateurs.
Il confirme que les concentrations de gaz à effet de serre continuent d’augmenter et d’atteindre des pics sans précédents. Malgré la baisse temporaire pendant la période du confinement, les émissions provenant des combustibles fossiles dépassent aujourd’hui les taux constatés avant la pandémie. Il note qu’il faudrait consentir à des réductions sept fois plus fortes d’ici à 2030 pour nous conformer à l’Accord de Paris, et limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C au-dessus des températures préindustrielles.
Dans un message vidéo, António Guterres, Secrétaire général de l’ONU, a fait part de son inquiétude : « Le rapport United in Science de cette année montre que le changement climatique est en passe de gagner une portée destructrice inouïe ».
« Inondations, sécheresses, canicules, tempêtes violentes, feux de forêt... La situation va de mal en pis et les sombres records se succèdent à un rythme alarmant. Les canicules en Europe, les inondations phénoménales au Pakistan, de graves et longues sécheresses en Chine, dans la Corne de l’Afrique et aux États-Unis révèlent que la démesure de ces catastrophes n’a rien de naturel. Elles sont les conséquences de la dépendance de l’humanité envers les combustibles fossiles », a-t-il souligné. Une dépendance dans laquelle nous nous enfonçons chaque année un peu plus alors que les symptômes s’aggravent rapidement.
Les sept dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées, constate l’OMM, dépassant entre 2018 et 2022 de 1,17 °C la température moyenne entre 1850 et 1900. La probabilité que la température moyenne durant l’une des 5 prochaines années dépasse de 1,5 °C celle qui prévalait entre 1850 et 1900 est de 48 %.
Si le Met Office du Royaume Uni, l’OMM et le Programme mondial de recherche sur le climat (PMRC) confirment qu’il est moins probable que l’augmentation atteigne ce niveau en moyenne dans les 5 prochaines années, la persistance du réchauffement climatique ne permet pas d’exclure un franchissement de points de bascule dans le système climatique.
Selon le Programme mondial de recherche sur le climat, qui travaille sur ces seuils critiques au-delà desquels le système se réorganise à long terme, de nouvelles études s’imposent, en particulier sur la circulation méridienne océanique dans l’Atlantique, facteur important de répartition de la chaleur, du sel, et de l’eau dans le système climatique mondial, qui se montre aujourd’hui plus faible qu’a toute autre époque du dernier millénaire. L’autre point de bascule, la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique, entrainerait une élévation considérable du niveau de la mer durant des centaines ou des milliers d’années. Enfin, le PMRC évoque des « points de bascule psychologiques », au-delà desquels la population ne pourrait plus travailler en plein air sans assistance technique.
Les villes, qui concentrent 4,2 milliards d’habitants, 55% de la population mondiale, et qui sont responsables de plus de 70% des émissions anthropiques, seront confrontées à des incidences socio économiques d’ampleur croissante.
Selon le rapport, plus de 1,6 milliard de personnes vivant dans plus de 970 villes seront régulièrement exposées à des températures trimestrielles d’au moins 35 degrés centigrades. Entre mars et mai 2022, Delhi a connu cinq vagues de chaleur, marquées par des températures sans précédent atteignant 49,2 °C (120,5 °F). La moitié de la population de Delhi vivant dans des quartiers à faibles revenus, très vulnérables aux canicules, ces canicules ont entraîné des conséquences socio-économiques dévastatrices et de graves effets sur la santé publique. Les villes et agglomérations côtières de faible altitude, telles que Bangkok (Thaïlande), Houston (États-Unis) et Venise (Italie), risquent fort, elles aussi, d’être confrontées à une multiplication et une aggravation des inondations côtières par suite de l’élévation du niveau de la mer, et d’ondes de tempête.
Le Programme mondial de recherche sur la prévision du temps rappelle, dans ce rapport, que les catastrophes climatiques, météorologiques et hydrologiques ont augmenté d’un facteur 5 au cours des 50 dernières années, causant des dommages qui se chiffrent à 202 millions de dollars des États-Unis par jour. Plusieurs cyclones tropicaux successifs ont frappé le sud-est de l’Afrique, causant des ravages à Madagascar. En juin et juillet 2022, l’Europe a été touchée par deux vagues de chaleur et de sécheresse extrêmes. En juillet, le Portugal a enregistré un pic de température de 47,0 °C, une chaleur sans précédent dans le pays. Parallèlement, le Royaume-Uni passait pour la première fois la barre des 40 °C.
Les canicules estivales présentent un risque important pour la santé humaine, en particulier pour les personnes âgées et les infirmes. D’autres facteurs, tels que les conditions socio économiques, l’urbanisation (la présence d’îlots de chaleur urbain) et l’incapacité de faire face aux dangers, peuvent aussi accroître la vulnérabilité. Selon les premiers rapports, les vagues de chaleur ont entraîné la mort de plusieurs milliers de personnes.
Petteri Taalas, Secrétaire général de l’OMM, multiplie pour sa part les mises en gardes. « Les climatologues montrent de plus en plus clairement que, dans beaucoup de cas, si les phénomènes météorologiques extrêmes actuels sont devenus plus probables et plus intenses, c’est à cause du changement climatique induit par des activités humaines », a-t-il dit.
« Nous avons pu nous en convaincre à plusieurs reprises cette année, par l’observation de réelles tragédies. Aujourd’hui plus que jamais, nous devons agir pour multiplier les systèmes d’alerte précoce afin de renforcer la résilience aux aléas climatiques, tant actuels qu’à venir, des populations vulnérables. À cette fin, l’OMM mène actuellement une campagne pour garantir que, d’ici à cinq ans, toute la planète bénéficiera d’alertes précoces », a ajouté le Secrétaire général de l’OMM.
Moins de la moitié des pays du monde disent disposer de systèmes d’alerte précoce multidangers (MHEWS). La couverture est particulièrement faible en Afrique, dans les pays les moins avancés et dans les petits États insulaires en développement.
Source : Nations Unies