Changements apportés à la responsabilité des administrateurs par le Code des sociétés et des associations

​Le Code des sociétés et des associations (en abrégé CSA) est entré en vigueur le 1er mai 2019. Il modifie considérablement le droit des sociétés. Cette brève revient plus spécifiquement sur les points saillants de la réforme en ce qui concerne les règles en matière de responsabilité des administrateurs de sociétés.

On notera que les principes généraux qui régissent la responsabilité des administrateurs ont été intégrés dans la partie consacrée aux dispositions communes aux personnes morales visées par le Code, et sont donc voués à s’appliquer notamment aux associations et fondations (articles 2:56 et suivants du CSA). Un point d’attention plus particulier sera néanmoins réservé aux SA et SRL.

Régime commun de responsabilité

Sur ce sujet, il est renvoyé à l’une de nos autres brèves intitulée « la responsabilité des administrateurs ».

Un plafond de responsabilité

Une autre nouveauté du CSA méritant d’être signalée est le fait qu’il prévoit en son article 2:57 un plafond à la responsabilité des administrateurs, des délégués à la gestion journalière, et de toutes les autres personnes qui détiennent ou ont détenu le pouvoir de gérer effectivement la personne morale.

Ce plafond ne vaut que dans les cas où le comportement reproché a été posé en qualité d’administrateur ou d’une fonction assimilée.

Attention, eu égard aux règles de droit transitoire, il convient de garder à l’esprit que ce plafond ne s’applique qu’aux cas de responsabilités commis à partir de la date à laquelle le CSA devient applicable à la personne morale concernée (dans la majorité des cas le 1er janvier 2020, soit la date d’entrée en vigueur des dispositions impératives sans adaptation préalable des statuts). Pour les faits dommageables commis antérieurement, l’ancien Code des sociétés continuera de s’appliquer.

Les montants maximaux auxquels un administrateur peut être condamné en application de cette limite de responsabilité varient entre 125.000 euros et 12 millions d’euros. Cette indemnisation maximale varie en fonction du type de sociétés et d’associations, de l’intérêt public ou privé, du bilan et du chiffre d’affaires moyen hors taxe. Les montants applicables et leurs critères sont détaillés aux points 1° à 5° de l’article 2:57, §1er :

1) 125.000,00 € pour les personnes morales [1] :

  • Dont le chiffre d’affaires réalisé est inférieur à 350.000,00 € ;
  • Dont le total du bilan n’a pas dépassé 175.000,00 €.

2) 250.000,00 € pour les personnes morales [2] :

  • Qui ne relèvent pas du 1er point ;
  • Dont le chiffre d’affaires réalisé est inférieur à 700.000,00 € ;
  • Dont le total du bilan n'a pas dépassé 350.000,00 €.

3) 1 million d'euros pour les personnes morales :

  • Qui ne relèvent pas des 1er et 2e points ;
  • Qui n’a pas dépassé plus d’une des limites suivantes : chiffre d’affaire de 9.000.000,00 € et total du bilan de 4.500.000,00 €.

4) 3 millions d'euros :

  • Qui ne relèvent pas des 1er, 2e et 3e points ;
  • Qui ont dépassé les limites mentionnées au point 3 mais ni atteint ni dépassé aucune limite mentionnée au point 5.

5) 12 millions d'euros pour les entités d'intérêt public et les personnes morales :

  • Qui ne relèvent pas des 1er, 2e, 3e et 4e points ;
  • Qui n’ont pas atteint ou dépassé au moins une des limites suivantes : total du bilan moyen de 43 millions d'euros et chiffre d'affaires moyen hors taxe sur la valeur ajoutée, sur base annuelle de 50 millions d'euros.

Il est important de noter que ces limites de responsabilités ne s’appliquent pas dans certains cas listés à l’article 2:57, §3 :

  • en cas de faute légère présentant dans le chef des fautifs un caractère habituel plutôt qu'accidentel, de faute grave, d'intention frauduleuse ou à dessein de nuire dans le chef de la personne responsable ;
  • aux obligations découlant d’actions en garanties imposées par les articles 5:138, 1° à 3°, 6:111, 1° à 3°, et 7:205, 1° à 3° (ces actions n’étant pas visées par l’article 2:57) ;
  • aux responsabilités solidaires prévues dans le cadre des recours fiscaux et sociaux prévus aux articles 442quater et 458 du CIR 92, aux articles 73sexies et 93undecies du CTVA et à l’article XX.226 du Code de droit économique (attention, les articles 442quater du CIR 92 et 93 undecies du CTVA ont été intégrés dans le nouveau Code du recouvrement, entré en vigueur le 1er janvier 2020)

Ces cas sont analysés dans notre brève consacrée, de manière plus générale, à la responsabilité des administrateurs.

La responsabilité pour méconnaissance des dispositions légales quant à la distribution des résultats (5:144 CSA)

L’entrée en vigueur du CSA a également modifié les règles quant à la distribution des résultats dans les SRL. Il convient d’y être attentif car la responsabilité des administrateurs peut être engagée pour méconnaissance de celles-ci.

Le CSA instaure, en effet, désormais l’obligation pour l’organe d’administration d’une SRL de procéder à un test de liquidité (5:143 du CSA).

La mise en cause de l’organe d’administration d’une SRL pourra ainsi être envisagée s’il est établi que les administrateurs savaient ou auraient dû savoir qu’à la suite de la distribution de résultats, la société ne serait manifestement plus en mesure de s’acquitter de ses dettes au fur et à mesure de leur échéance pendant une période d’au moins douze mois à compter de la date de la distribution.

Les administrateurs doivent justifier leur décision de distribuer les résultats dans un rapport qui ne devra pas être déposé. Ils se baseront pour se faire sur les données comptables et financières de la société. Ce rapport est très important et devra être suffisamment précis. En effet, si la responsabilité est engagée pour violation de l’article 5:144, le magistrat en charge s’y referrera pour apprécier le contexte dans lequel la décision a été prise.

Conclusion

L’entrée en vigueur du nouveau CSA a modifié considérablement le droit des sociétés. Il convient d’être attentif aux éventuelles modifications ou précisions opérées à cette occasion en ce qui concerne la responsabilité des administrateurs.

Ceci est d’autant plus important que le CSA a supprimé la possibilité pour la personne morale d’exonérer par avance ou garantir les membres de l’organe d’administration ou le délégué à la gestion journalière de leurs responsabilités envers la société ou les tiers (2:58 du CSA). Cette règle est impérative et s’applique par conséquent à toutes sociétés depuis le 1er janvier 2020. Toute disposition statutaire, clause contractuelle, ou engagement unilatéral contraire serait réputé non-écrit.

Le respect de ces règles, mises à jour, participe à la bonne gestion d’une personne morale et évite une mise au cause personnelle.


[1] Il convient de procéder sur base de l'exercice précédant l'intentement de l'action en responsabilité, ou au cours de la période écoulée depuis la constitution si moins de trois exercices se sont écoulés depuis cette constitution pour calculer le chiffre d’affaire moyen sur base annuelle et le total du bilan moyen.
[2] A partir de ce point, il faut avoir égard aux trois exercices précédant l'intentement de l'action en responsabilité, ou à la période écoulée depuis la constitution si moins de trois exercices se sont écoulés depuis cette constitution.


Source : Lenoir et Associés, Avocats

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