Changements pour les délais d’investigation et d’imposition en matière fiscale

Le 15 avril 2022, le Ministre des Finances Vincent Van Peteghem annonçait que le gouvernement fédéral belge s’était accordé sur un deuxième plan de lutte contre la fraude fiscale. Poursuivant une politique constante, ce plan avait pour but de doter encore l’administration fiscale de nouveaux pouvoirs et de réformer, assez profondément, les délais d’investigation et d’imposition applicables en matière fiscale.

Les mesures annoncées en avril 2022 visaient notamment une prolongation des délais d’investigation et d’imposition à dix ans pour tout dossier qualifié de « complexe ». Le plan prévoyait aussi d’allonger la période de contrôle fiscal à quatre ans en cas d’introduction tardive d’une déclaration fiscale. Ces mesures ont été discutées cet été au sein du gouvernement qui a, semble-t-il, abouti à un consensus.

Qu’en sera-t-il ?

  • Un nouveau délai de 4 ans en cas d’absence ou de remise tardive de la déclaration fiscale (les professionnels du chiffre déjà mis sous pression par les délais apprécieront) ;
  • Un nouveau délai de 6 ans devrait s’appliquer (i) aux sociétés belges faisant partie d’un groupe multinational et qui réalisent un chiffre d’affaires consolidé supérieur ou égal à 750 millions d’euros et (ii) aux sociétés belges qui sont intégrées dans les comptes annuels consolidés d’un groupe international, si elles ont plus de 50 millions d’euros de produits d’exploitation et de produits financiers ou plus de 100 équivalents temps plein. Ce délai devrait principalement servir à enquêter de manière plus approfondie sur les politiques de « prix de transfert » des groupes internationaux actifs en Belgique.
  • Un nouveau délai de 10 ans en présence d’une déclaration fiscale qualifiée de « complexe ». Ces déclarations sont celles qui font apparaître (i) des dispositifs hybrides, (ii) des montages mettant en scène des sociétés étrangères contrôlées (« Controlled Foreign Corporation ») et (iii) des « constructions juridiques » soumises à la taxe Caïman.

Ces nouveaux délais permettront donc à l’administration fiscale de disposer de plus de temps pour enquêter et pour imposer. Le gouvernement belge part, semble-t-il, du présupposé qu’accorder plus de temps permettra de gagner en efficacité.

Le gouvernement paraît toutefois omettre que le droit a comme fonction essentielle la paix sociale et, qu’à cette fin, il ne peut tolérer qu’une situation qui emporte des effets juridiques puisse demeurer indéfiniment ouverte et faire sans fin l’objet de discussions ou de litiges, à peine de mettre en péril la sécurité juridique. A défaut de règles de prescription, les droits et les obligations de chacun seraient en effet affectés d’une incertitude. En outre, le temps qui passe emporte la déperdition des preuves : la mémoire s’estompe, la photocopie s’efface, le papier se détruit…La collecte de preuves ne s’en trouve donc que plus difficile encore.

L’allongement des délais de prescription se heurte donc au principe de sécurité juridique. Disposer de plus longs délais d’investigation et d’imposition pour l’administration fiscale revient à prolonger la situation d’insécurité pour le contribuable, cette situation étant encore aggravée par l’important arriéré judiciaire que connaissent les juridictions fiscales, particulièrement à Bruxelles.

Il n’est donc pas certain que les objectifs d’efficacité poursuivis par le gouvernement soient rencontrés grâce à la prolongation des délais d’investigation et d’imposition.

Affaire à suivre.

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