Charge de la preuve : comment recueillir et conserver des éléments de preuve (qui pourraient disparaitre)?

On le sait, en cas de contrefaçon, la saisie-description permet de protéger vos droits intellectuels (cliquez ici pour plus d’informations).

Mais qu’en est-il en cas de violation de secrets d’affaire et de concurrence déloyale ?

DroitF.F.F.Comment utiliser la saisie-description pour lutter contre la contrefaçon et protéger vos droits intellectuels?


Imaginez : après avoir travaillé pendant plusieurs années au sein de votre entreprise, votre associé démissionne pour rejoindre une autre entreprise, concurrente directe de la vôtre, et vous le suspectez d’avoir emporté des informations confidentielles et de les utiliser en faveur de cette entreprise.

Une question se pose : comment prouver que ces informations confidentielles ont été dérobées et que l’obligation de confidentialité a été violée ?

Conformément à l’article 8.4 du nouveau Code civil, « celui qui veut faire valoir une prétention en justice doit prouver les actes juridiques ou faits qui la fondent ». Vous avez donc la charge de la preuve que votre associé a violé ses obligations de confidentialité et qu’il est de surcroit auteur de concurrence déloyale.

Néanmoins, allier la théorie à la pratique n’est pas toujours chose aisée ! Dans le contexte particulier du secret d’affaire et de la concurrence déloyale, le législateur belge n’a pas encore prévu de procédure spécifique en vue de recueillir des preuves. Il n’existe donc aucune base légale expresse permettant de mettre en œuvre une saisie civile générale des preuves dans ces matières[1].

Une judicieuse brèche a cependant été ouverte par un arrêt de la Cour d’appel de Gand[2], aux termes duquel une forme limitée de saisie des preuves est possible moyennant, d’une part, le respect des droits fondamentaux et, d’autre part, une lecture combinée des articles 584, 871, 877, 878 et 1462 du Code judiciaire.

Au titre des droits fondamentaux, on peut, notamment, citer :

  • le droit à la vie privée, consacré par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme
  • l’inviolabilité du domicile, conformément à l’article 15 de la Constitution
  • l’article 17 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques, parmi lesquels le droit à la protection contre des immixtions arbitraires ou illégales à la vie privée d’une personne, à son honneur et à sa réputation.

Quant aux articles précités du Code judiciaire :

  • l’article 584 dispose qu’en cas de référé ou d’absolue nécessité, des mesures provisoires peuvent être prises par le président du tribunal, en vue de protéger les droits des parties, comme la désignation d’un séquestre, la saisie à titre conservatoire des biens en infraction dans le cas d’une obtention, utilisation ou divulgation illicite d’un secret d’affaire ;
  • l’article 871 permet au juge d’ordonner la production d’élément de preuve ;
  • idem pour l’article 877 lorsqu’il existe des indices sérieux et précis de la détention par une partie ou un tiers, d’un document contenant la preuve d’un fait pertinent ;
  • l’article 878 règlemente la manière dont un juge peut ordonner le dépôt de preuves ;
  • selon l’article 1462, « dans les cas où il y a lieu à revendication de la propriété, de la possession ou de la détention d'un objet mobilier, le revendiquant peut, moyennant l'autorisation du juge, saisir cet objet en quelques mains qu'il se trouve.»

En ce qui concerne la procédure :

  1. vous devrez introduire, par requête, une demande justifiée de saisie de preuves auprès du tribunal, en précisant, le mieux possible, les preuves à rechercher ;
  2. le juge examine si la saisie est nécessaire en vue d’établir l’existence de la violation du secret d’affaire ou de la concurrence déloyale et il procède à une mise en balance des droits de l’entreprise avec ceux de la personne en cause, dont le droit à la vie privée ne peut être violé ;
  3. après avoir procédé à cette évaluation, le juge rend une ordonnance ;
  4. si l’ordonnance autorise la saisie de preuves spécifiée, un huissier et/ou un séquestre exécute/exécutent ladite saisie ;
  5. en cas de concurrence déloyale, de violation de confidentialité, des dommages et intérêts peuvent être réclamés.

Toute l’équipe du cabinet Centrius se tient à votre disposition pour vous conseiller et vous accompagner dans de telles démarches. Si vous souhaitez en savoir plus, contactez-nous (db@centrius.be – 0484/681.081 – 064/70.70.70 – www.centrius.be).

Me David BLONDEEL & Me Fiona TINELLI

[1] D. Mougenot « La saisie de preuves admise par la Cour de cassation », J.T., 2024, p. 281.

[2] Gand, 30 juin 2022, R.D.C., 2022 ; arrêt confirmé par Cass, 4 janvier 2024, R.W., 2023-2024, p. 1063, note J. Del Corral.

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