La comptabilité traditionnelle est fondée sur l’existence d’une personnalité juridique indépendante de l’entreprise. Cette dernière est indépendante du patrimoine de ses actionnaires et les actifs de l’entreprise sont siens. Pourtant, il existe un principe comptable, qualifié en anglais de « substance over form » qui exige de dépasser l’apparence juridique pour restituer la réalité économique.
Selon ce principe, et au titre d’exemple, un actif utilisé dans le cadre d’un contrat de leasing est repris comme un actif de l’entreprise, même ce dernier est la propriété juridique d’une autre entreprise. La même logique pourrait être utilisée pour l’utilisation de la nature, c’est-à-dire des biens qui, même s’ils sont privatisés, comme une forêt ou une source acquise, sont en interaction avec de multiples écosystèmes.
Si l’entreprise appliquait le principe de « substance over form », elle devrait intégrer dans ses passifs des dettes dont elle n’est pas redevable prima facie, mais qui sont un dommage infligé aux actifs du reste des ressources de l’humanité. On pourrait alors imaginer que le bilan de l’entreprise devienne un métabilan, qui incorporerait, au passif, et par un passage négatif au compte de résultat, les externalités négatives tandis que les externalités positives et les remédiations de l’entreprise en manière environnementale seraient un actif de ce métabilan.
En suivant cette voie comptable, on en arrive à dépasser la notion de propriété privée, et même d’indépendance de la personnalité juridique de l’entreprise. Les dettes environnementales deviendraient communes. On n’est pas très loin de l’idée des communs de Gaël Giraud, qui se caractérisent par le fait que leur accès est universel, mais leur usage peut devenir exclusif (comme un bien privé).
Une entreprise devrait alors faire rétribuer l’utilisation des communs et comptabiliser des provisions pour ses destructions, qui impacteraient le prix de ses biens et services et surtout forceraient, grâce à ce métabilan, à respecter l’environnement.