A l’occasion d’un précédent article, nous vous parlions du mécanisme du remplacement extrajudiciaire de l’entrepreneur défaillant. Moyennant le respect de certaines conditions, ce mécanisme permet au créancier d’une obligation contractuelle non réalisée ou entachée de vices et malfaçons, de faire appel à un nouveau cocontractant, sans qu’il soit nécessaire d’introduire une action en justice. Le débiteur initial de l’obligation en souffrance est ensuite redevable, à titre de réparation, des frais engagés par le nouveau cocontractant.
Il faut reconnaître que le remplacement extrajudiciaire revêt des qualités indéniables, notamment en ce qui concerne la célérité de la solution apportée au litige. Toutefois, certaines zones d’ombres persistaient, ce dispositif étant essentiellement une construction jurisprudentielle, fondée, notamment, sur un arrêt de la Cour de cassation du 18 juin 2020.
L’application du mécanisme du remplacement extrajudiciaire était donc disparate, variant selon les cours et tribunaux qui en contrôlaient a posteriori la légalité et la légitimité. En rédigeant le livre 5 du nouveau code civil, le législateur a pris le parti de clarifier les conditions de mise en œuvre du principe, tout en respectant les lignes directrices données par la Cour de cassation.
Désormais, le créancier de l’obligation doit respecter cinq conditions cumulatives afin que le remplacement extrajudiciaire soit valide.
Il faut démontrer une faute dans le chef du débiteur au regard du critère d’une personne prudente et raisonnable placée dans les mêmes circonstances.[1]Contrairement à la résolution du contrat, le manquement ne doit pas nécessairement être « grave ». En outre, il n’est pas possible de réaliser un remplacement unilatéral anticipé : l’obligation concernée doit être en souffrance au moment de l’application du remplacement extrajudiciaire. Il ne peut s’agir d’un simple risque d’inexécution.
Cela peut être fait par toute voie de droit. Un tel constat est nécessaire pour permettre un possible contrôle judiciaire a posteriori.
Comme cela avait déjà été relevé par le Cour de cassation, au-delà de l’urgence, le créancier peut se prévaloir de circonstances exceptionnelles pour mettre en œuvre le remplacement extrajudiciaire.
En tant que forme d’exécution en nature, le remplacement extrajudiciaire doit être précédé d’une mise en demeure, qui doit, selon le principe de bonne foi, laisser au débiteur un certain délai pour s'exécuter.
Cette dernière condition n’avait pas été retenue par la Cour de cassation mais elle était déjà consacrée par une partie de la doctrine. La notification doit préciser au débiteur le choix posé par le créancier d’appliquer le remplacement extrajudiciaire. A défaut du respect de ces conditions, le créancier pourrait se voir reprocher d’avoir agi précipitamment et il s’expose donc au risque d’indemnisation du débiteur s’il est démontré que celui-ci a subi un dommage consécutif au comportement abusif et précipité du créancier.
En consacrant la possibilité d’un remplacement unilatéral à de strictes conditions, le livre 5 du Code civil s’efforce de respecter les intérêts divergents des parties au contrat. Ce mécanisme est soumis à un contrôle a posteriori du juge, qui est investi de larges pouvoirs en la matière pour rétablir l’équilibre contractuel.[2]
Me David Blondeel & Me Valentino Pollutri
[1]Art. 5.225 C. civ.
[2] Fl. George, P. Colson, A. Cataldo & B. Fosséprez, « Chapitre 1 - L’inexécution imputable au débiteur », Manuel de droit des obligations, 1ère éd., Bruxelles, Larcier-Intersentia, 2024, pp. 401-605.