La force majeure et les baux commerciaux

La question que beaucoup se posent en ce moment est la suivante : les mesures prises par le Gouvernement dans le cadre du Covid-19 qui imposent la fermeture de nombreux commerces peuvent-elles constituer un cas de force majeure permettant au locataire de suspendre le paiement des loyers ?


La question est loin d’être simple et il est difficile d’y apporter une réponse tranchée. Toutefois, voici ce que nous pouvons en dire et les conseils que nous pouvons donner.


Comme nous l’avons évoqué dans notre précédente brève consacrée à la force majeure, la fermeture imposée de nombreux commerces constitue un fait du prince, c’est-à-dire une décision imposée par l’autorité, ce qui constitue un cas d’application de la force majeure. Il s’agit d’un évènement imprévisible qui survient postérieurement à la conclusion du contrat et qui est indépendant de la volonté des parties. Cet évènement peut être de nature à empêcher provisoirement – le temps de ces mesures – le bailleur de fournir au preneur la jouissance des lieux, conformément à la destination prévue dans le contrat. Dans ce cas, il est admis que le bailleur n’est plus en mesure d’exécuter son obligation : il ne peut plus assurer au preneur l’usage et la jouissance des lieux loués conformément à ce qui a été prévu dans le contrat.


Par conséquent, il perd le droit d’exiger de ce dernier l’exécution de sa propre obligation, à savoir le paiement du loyer. Il s’agit là de l’application de la théorie des risques selon laquelle lorsque, dans un contrat synallagmatique (c’est le cas du contrat de bail), l’exécution de l’obligation (ou des obligations) de l’une des parties devient impossible par suite de cas fortuit ou de force majeure, le débiteur de cette obligation est lui-même libéré de l’exécution de celle-ci.


Le Code civil fait d’ailleurs une application particulière de ce principe de droit à l’article 1722 en cas de destruction de la chose louée à la suite d’un cas de force majeure. On pense, par exemple, à la destruction de l’immeuble à la suite d’une tempête. Ce texte ne doit toutefois pas être limité, au regard du principe de la théorie des risques évoqué ci-avant, à la seule perte « matérielle » de la chose louée.


S’agissant d’un obstacle temporaire, le paiement des loyers peut seulement être suspendu le temps de la durée de l’obstacle, sans que le contrat ne soit dissout. Il ne serait évidemment pas de l’intérêt du locataire de voir son contrat dissout en raison de cet évènement, sous peine de ne plus pouvoir exploiter son commerce lorsque les mesures de confinement prendront fin.


Ceci étant, la force majeure n’étant ni d’ordre public ni impérative, le contrat de bail peut avoir réglé les conditions et/ou les conséquences de la force majeure. Il faut donc, avant tout, consulter les termes du contrat qui traitent peut-être du sujet.


Enfin, au-delà de ces aspects juridiques, il est vivement conseillé au locataire de se concerter avec le bailleur avant de suspendre le paiement des loyers. Nous ne rappellerons jamais assez que les deux parties ont une obligation d’exécution de bonne foi du contrat et une interdiction d’abuser de leur droit. Bailleur et locataire doivent mutuellement faire preuve de compréhension et de solidarité.


Source : Linkedin

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