Le dollar, on le sait, est la monnaie utilisée pour 60 % des échanges internationaux. C’est la devise de référence depuis plus d’un siècle. Mais être une devise universelle exige que cette monnaie soit abondante : elle est destinée à circuler, à disqualifier toute autre monnaie et à s’insérer dans toutes les anfractuosités de l’économie mondiale.
On dit souvent que le dollar est garanti par les capacités militaires des États-Unis, mais c’est plus simple que cela : le dollar est garanti par le dollar, puisque le dollar est consubstantiel à l’économie mondiale.
Mais, depuis la réélection de Donald Trump, il y a une étrange odeur de soufre monétaire. On reparle du dollar en des termes inquiétants : promotion américaine des cryptomonnaies, menaces d’une guerre des monnaies (les monnaies se déprécient en cascade pour s’octroyer un avantage concurrentiel, au risque d’importer de l’inflation, comme ce fut le cas dans les années 70), droits de douane prohibitifs à l’encontre de pays qui refuseraient le dollar.
Et puis, il y a la dette publique américaine, qui augmente de 1 000 milliards de dollars tous les cent jours, soit près d’un pourcent du PIB mondial. À ce rythme, cette dette, qui représente actuellement 34 % du PIB mondial, va exploser. En effet, imaginons que le PIB mondial augmente de 5 % par an (inflation comprise) et que la dette publique américaine poursuive cette croissance, tout en s’incrémentant du coût des programmes fiscaux de Trump (estimé à 8 000 milliards de dollars sur les 10 prochaines années). La dette publique américaine représenterait alors 47 % du PIB mondial, et cela pour un pays qui ne représente que 4 % de la population mondiale.
Donc, il y aura un événement : un défaut sur le dollar et/ou sur la dette publique américaine. Ce défaut sera bien sûr partiel. Bien sûr, on me rétorquera que c’est impossible, puisque ces aboutissements constitueraient un risque systémique qui ne peut, par essence, pas arriver. C’est aussi correct : le dollar et la dette publique américaines n’ont pas de substitut. C’est d’ailleurs ce qui poussa le secrétaire au Trésor de Richard Nixon, John Connally, à avancer en 1971 que le dollar était la devise des États-Unis mais le problème des autres pays.
Il peut aussi y avoir une cascade d’événements qui pourrait conduire à des pertes de confiance monétaire. Cela s’est vu dans les années 70, après l’abandon par les États-Unis de l’étalon-or.
Et puis, plus rien n’est cohérent dans la politique budgétaire et monétaire américaine : un déficit fical abyssal malgré le plein emploi, la volonté de Trump d’imposer à la Federal Reserve des taux d’intérêt bas pour affaiblir le dollar et stimuler les exportations américaines, alors que sa politique (tarifs douaniers expulsion des immigrants illégaux, etc.) sera inflationniste, donc de nature à augmenter les taux d’intérêt.
Il va y avoir un problème.
Et un gros, je pense.