CSA : la résolution des conflits entre actionnaires

La nouvelle compétence du président du tribunal de l’entreprise ...


Pour rappel, nous sommes toujours dans les dispositions du CS&A qui s’appliquent à l’ensemble des personnes morales.

Mais avec une particularité pour ce sujet : les règles communes examinées ci-dessus ne concernent que la SRL et la SA (à l’exception des sociétés cotées).


Modes de résolution des conflits internes entre actionnaires - Rappel

Les principaux modes de résolution des conflits entre actionnaires sont les suivants : l’exclusion d’un actionnaire et le retrait d’un actionnaire.


L’exclusion d’un actionnaire, c’est la sortie du « vilain petit canard », celui qu’on force à vendre ses actions aux autres actionnaires.

Le retrait d’un actionnaire, c’est la sortie de « l’actionnaire déçu », qui force les autres actionnaires à acquérir ses actions.

L’introduction de l’une de ces procédures est parfois précédée par des décisions judiciaires temporaires, comme la nomination d’un administrateur provisoire, la suspension ou l’annulation d’une décision prise par un organe de la société, décision qu’on estime préjudiciable à cette dernière.


La pratique nous fait dire que ces modes de résolution des conflits entre actionnaires ne doivent être utilisées qu’en dernier ressort, avec beaucoup de prudence. Car ils sont souvent préjudiciables pour la société, première victime du conflit entre ses actionnaires.

Ces procédures prennent beaucoup de temps durant lequel la société se trouve souvent dans l’incapacité de poursuivre ses activités. Elles coûtent beaucoup d’argent : les honoraires des conseils des différentes parties au litige, les expertises ordonnées par le tribunal de l’entreprise (elles sont souvent indispensables pour valoriser la société et les actions qui doivent être cédées suite à l’exclusion ou au retrait ordonné par le tribunal), l’indemnité de procédure à laquelle est condamnée la partie qui perd le procès. Enfin, elles imposent une dépense d’énergie dans le chef des actionnaires, même pour ceux qui restent, énergie qui ne peut être consacrée, ce faisant, au développement de l’entreprise. Cela peut même conduire à la mise à mort de la société si d’aventure, l’un des actionnaires devait finalement solliciter sa dissolution judiciaire (art. 2:73 CS&A).


Il est vrai que les modifications apportées dans le CS&A devraient davantage permettre au tribunal de l’entreprise de modaliser ses décisions. Mais les modes alternatifs de résolution des conflits (médiation, conciliation, etc.) devront toujours être privilégiés dans cette matière, nous en sommes convaincus.


Mieux encore : les différentes parties veilleront à prévenir les litiges futurs en organisant leurs relations dans les statuts de la société ou dans une convention d’actionnaires.


Parole d’avocat…


Nouvelle compétence du tribunal de l’entreprise

Ceci étant dit, venons-en maintenant à une première modification qui pourrait s’avérer intéressante si un jour vous deviez être concerné par un litige entre actionnaires (soit en cette qualité, soit en qualité de conseiller) : c’est l’extension des compétences du président du tribunal de l’entreprise devant qui est introduite une demande en exclusion ou en retrait d’un actionnaire.

Le CS&A prévoit dorénavant que « le président (du tribunal de l’entreprise) peut trancher tous les litiges connexes portant sur les relations financières entre les parties et la société ou avec les sociétés ou personnes qui y sont liées, notamment les litiges concernant les prêts, les comptes courant et les sûretés et portant sur les clauses de non-concurrence » (art. 2:62, §3 CS&A).

L’objectif de cette nouvelle disposition : permettre au président du tribunal de l’entreprise « de statuer (immédiatement) sur un certain nombre de litiges liés à la fin de l’actionnariat » (exposé des motifs).


Deux conditions doivent être réunies pour permettre au président du tribunal de l’entreprise de faire usage de cette nouvelle compétence :

  • Il doit s’agir de litiges connexes ;


Il faut se référer au Code judiciaire pour comprendre ce qu’on entend par cette notion : « des demandes en justice peuvent être traitées comme connexes lorsqu'elles sont liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et juger en même temps afin d'éviter des solutions qui seraient susceptibles d'être inconciliables si les causes étaient jugées séparément » (article 30 du Code judiciaire).


  • Il faut que ces litiges connexes concernent les relations financières entre les parties et la société ou avec les sociétés ou les personnes qui y sont liées, comme les questions concernant les prêts, les comptes courant et les sûretés.


Illustration

Prenez la situation (classique) suivante.


Un actionnaire demande à ce que le tribunal de l’entreprise force les autres actionnaires à acquérir ses actions, dans le cadre d’une demande en retrait.


Il apparaît que cet actionnaire est débiteur d’une somme d’argent à la société dont il est actionnaire.


Si l’action en retrait doit être déclarée fondée par le président du tribunal de l’entreprise, la société a un intérêt à exiger que le prix de cession des actions revenant à l’actionnaire sortant serve à apurer sa dette dans la société.


Dans le Code des sociétés, la société ne dispose pas de cette faculté. C’est par contre le cas dans le CS&A, grâce à cette nouvelle disposition.


La société sera d’ailleurs partie à la cause. Ce qui veut dire qu’elle sera citée devant le tribunal de l’entreprise par l’actionnaire qui introduit l’action en exclusion ou en retrait (art. 2:62, § 1er, al. 2, CS&A).


Litiges exclus


Vu les conditions imposées par le CS&A, certaines demandes resteront exclues de la nouvelle compétence du président du tribunal de l’entreprise.


Ainsi, les actions en responsabilité, en particulier les actions portant sur la responsabilité des administrateurs ou commissaires, ne relèvent pas de cette compétence (exposé des motifs).


En d’autres termes, il ne sera toujours pas possible d’aborder ces questions dans le cadre d’une action en exclusion ou en retrait organisée par le CS&A. Cela devra faire l’objet d’une autre action judiciaire.

Mots clés

Articles recommandés

Remboursement aux actionnaires de capital en devises étrangères

Asset deal ou share deal : de quoi parlons-nous et quelles sont les différences fiscales ?

Droit de superficie et boni de liquidation