Déductibilité des frais d'étude : n'est-il pas temps de revoir la copie ?

L’administration fiscale considère que le caractère professionnel ou personnel des dépenses exposées par un contribuable pour participer à des cours, stages ou séminaires (droit d’inscription, droit de participation aux examens, frais de déplacement, livres ou encore syllabus) est fonction du rapport existant entre ces dépenses et l’activité professionnelle telle qu’elle est exercée par l’intéressé à l’époque des faits.


L'administration précise donc qu'il convient de faire une distinction selon qu’il s’agit de frais de cours, stages ou séminaires :


  • ayant un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par l’intéressé à l’époque où les cours sont suivis et qui sont nécessités par l’évolution de la technique de cette activité : de tels frais peuvent être déduits à titre de frais professionnels ;
  • en rapport avec une branche indépendante ou une nouvelle activité professionnelle : ces frais ne sont pas déductibles car ils doivent être rangés parmi les dépenses ayant un caractère personnel, visées à l’article 53, 1° du C.I.R. ( Com. I.R., 52/209)


Il peut paraître étrange de considérer que des frais d’étude réalisés pour pouvoir exercer une activité professionnelle future sont des dépenses d’ordre personnel et ne peuvent être portés en déduction au titre de frais professionnels.


L’objectif des dépenses d’études n’est-il pas d’acquérir à terme des revenus professionnels imposables plus importants ? Si un médecin généraliste suit une formation universitaire en vue de devenir spécialiste, si un chef comptable se lance dans une licence en sciences économiques pour briguer un poste de directeur financier, si un chef de rayon dans un grand magasin suit des cours de gestion pour espérer un poste de manager, pourquoi doit-on d’emblée affirmer que ces dépenses sont purement privées ? Après tout, le fisc n’a-t-il pas l’espoir de percevoir à terme plus de recettes fiscales de la part du contribuable qui occupe un poste plus prestigieux ou une fonction plus spécialisée, bref un emploi mieux rémunéré ?


Ce lien direct et absolu avec l’activité professionnelle en cours me parait une exigence à la fois excessive et dépassée. Une telle position rigide est vraiment d’un autre temps. Le souci de « s’adapter au marché », l’évolution technologique, ou le besoin de réorienter sa carrière lorsque celle-ci se voit menacée dans un contexte de crise, requièrent une plus grande flexibilité de l’administration fiscale.


A nouveau, l’administration ne s’immisce-t-elle pas dans l’organisation des affaires d’un contribuable en l’obligeant à ne suivre que des formations et des cours en rapport direct avec l’activité exercée ?


Si les dépenses déraisonnables sont évidemment susceptibles d’être rejetées, les frais consentis en vue d’exercer une profession nouvelle devraient en revanche être admis si ces frais permettent à celui qui les suit de se lancer dans un discipline porteuse d’emploi ?


D’ailleurs, il y a quelques années certains juges compréhensifs et sans doute à l’écoute du marché de l’emploi avait fait preuve d’une grande souplesse. Il a été jugé que les coûts d’une formation continue après des études universitaires (ou peu de temps après le début de l’activité professionnelle), pouvaient être déduits au titre de frais professionnels[1] . Le Tribunal de première instance de Bruxelles a également accepté qu’un contribuable, qui n’exerçait plus d’activité professionnelle pendant ses études, puisse néanmoins prendre en déduction les frais d’étude[2].


Hélas, dans un arrêt implacable 13 avril 2014 , la Cour de cassation est venue enterrer tous les espoirs des tenants d’une vision moderne de la déduction des frais d’études et de formation. La Cour de cassation vient en effet de mettre un terme à une telle jurisprudence. Selon la Cour les frais d’étude ne sont déductibles que s’ils se rapportent à des activités professionnelles déjà exercées. Les frais engagés pour une activité future ne sont pas déductibles. Et la Cour de rappeler que l’article 53 CIR stipule que les frais d'éducation non nécessités par l'exercice de la profession ne constituent pas des frais professionnels.


Face à une telle inflexibilité, on ne peut qu’éprouver un sentiment de gêne.


Du reste, on se demande quels sont les abus que la Cour de cassation semble dénoncer en cette matière. Il y a en effet un monde entre celui qui revendique les frais de sa piscine, de son sauna ou de son séjour à Majorque et celui qui consacre ses soirées à approfondir ou augmenter ses connaissances techniques.


De surcroît, la poursuite de nouvelles études par des milliers de contribuables a des retombées macroéconomiques évidentes.

On rétorquera que la Cour se limite à interpréter les textes de loi actuels.


Mais une modification législative prenant en compte la nouvelle réalité économique ne serait-elle pas souhaitable ?


[1] Gand 22 janvier 2002 Fiscologue 2002, vol 834, 8; Gand 3 juin 2003, Fiscologue 2003 , Vol 906, 9;. Trib.Bruges 9 juin 2010, Courr.Fisc. 2010/14

[2] Trib. Bruxelles 14 juin 2012, Fiscologue 2012, 1312, p.11


Lien

Mots clés