Démystifions le métier d'enseignant : quel est le véritable enjeu de l'éducation ?

Interrogé en août par La Libre sur la possibilité de réaliser des économies dans le budget de l’enseignement, j’ai répondu « cela peut commencer par demander aux professeurs de donner plus que 20 fois 50 minutes 180 jours par an ». Cette réponse a été la mienne, mais elle est franchement offensante, et je la regrette. Comme le sujet des économies budgétaires va nous accompagner dans les mois et années qui viennent et comme l’éducation est un domaine fondamental, il m’a paru important de revenir sur le sujet, avec aussi en tête l’envie de faciliter pour d’autres, en politique ou en entreprise, la reconnaissance de leurs éventuelles erreurs.

La formule 20/50/180 que j’ai utilisée est inappropriée car tous les enseignants ne donnent pas « que » 20 périodes de cours par semaine, et car, vu que ce nombre de périodes s’entend en termes hebdomadaires, j’aurai dû être cohérent et parler du nombre de semaines de cours par an, pas du nombre de jours par an. Ensuite, plus important, le travail d’un enseignant ne se limite pas aux heures de cours. Le travail « hors cours », de préparation, de correction, de dialogue, est très variable d’un enseignant à un autre, en fonction des matières, de l’expérience acquise, de la rotation dans les attributions de cours et de l’implication personnelle avec les élèves, les collègues, les parents et la vie de l’école, et ma formule laconique a passé cette réalité sous silence. Enfin, la quantité d’heures de travail est un mauvais indicateur, qui tait ce qu’est la charge physique et mentale du travail. Une heure à donner cours, c’est plus dur qu’une heure à écrire une chronique !

Ce n’est pas tout. Si la charge de travail des enseignants mérite d’être examinée, le faire sous l’angle du nombre d’heures de travail par an comme je l’ai fait est réducteur. Ce qu’il convient d’interroger, avant les soi-disant 20 heures/semaine, c’est le régime dit DPPR, pour « disponibilité précédant la pension de retraite ». Ce système, qui permet aux enseignants de partir en préretraite à 58 ans, a été mis en place il y a 30 ans, dans un contexte d’excédent d’enseignants. Aujourd’hui qu’il est question de pénurie d’enseignants, il y a lieu de supprimer ce régime de faveur, pour que « quand cesse la cause, cesse l’effet ». Ensuite, il faut se pencher sur la très grande hétérogénéité de charge de travail entre enseignants. Il faut en particulier se soucier des jeunes recrues auxquelles on impose les horaires les plus ingrats, les classes les plus fatigantes ou les changements d’attribution les plus fréquents. Le problème actuel de pénurie ne se poserait pas si les enseignants partaient plus tard à la retraite et si les jeunes enseignants n’étaient pas découragés.

Tests PISA et PIRLS en tête, les comparaisons internationales sont sans appel : l’enseignement obligatoire en Belgique francophone manque d’efficacité et d’équité. Nous lui consacrons des moyens budgétaires plus élevés que la moyenne de pays auxquels il est raisonnable de se comparer, et, malgré cela, les résultats sont franchement moins bons qu’à l’étranger, voire carrément tout en bas du classement. Donc, on doit pouvoir faire mieux avec moins ! Nos enseignants sont, en moyenne, relativement bien payés, le nombre d’élèves par classe est relativement moins élevé et le taux d’encadrement (ratio entre le nombre de personnes à charge du budget de l’enseignement et le nombre d’élèves) est plus élevé. En synthèse brute, nous aurions des profs mieux payés, au régime de retraite plus généreux et dans des classes plus petites. Et peut-être aussi des enseignants en moyenne plus absents et des élèves plus souvent sans prof de remplacement. Ceci se doit d’être affiné. Ainsi, le taux d’encadrement est gonflé par les enseignants en détachement et en préretraite et la taille moyenne des classes est biaisée par les cours donnés à une poignées d’élèves.

L’enseignement est trop important pour être mal critiqué, mais aussi pour être laissé en l’état.

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