Des ministres d’une étrange justice : non merci!

Il y a eu une époque où nos ministres de la Justice, tous partis confondus, connaissaient leur sujet et ont gardé une certaine place dans l’Histoire : Emile Vandervelde, Paul Hymans, Paul-Emile Janson, Pierre Wigny… Récemment, et si l’on excepte Koen Geens, on ne peut pas dire qu’on ait eu affaire à des juristes exemplaires, voire même tout simplement à des juristes. Vincent Van Quickenborne a fait des études de droit mais on doute que ses réactions en soient fort inspirées.

Il a échappé assez justement à deux scandales ridicules dans lesquels il ne semblait pas fautif: l’annonce, favorisée par une indiscrétion policière, du fait que certains de ses invités avaient… uriné sur un véhicule de police, et le fait qu’il se soit battu, peut-être comme agressé, avec son collègue le ministre de la Santé, en plein Conseil des ministres restreint. Rien de très glorieux pour notre pays, mais sans doute pas de quoi justifier une démission.

Par contre, il apparaît bien que c’est à contretemps qu’il a démissionné lorsqu’il est apparu qu’un homme poursuivi pour terrorisme en Belgique, n’y était que parce que, selon lui, un magistrat du Parquet de Bruxelles n’aurait pas géré à temps une demande d’extradition de la Tunisie. Il s’est avéré récemment que ce magistrat a été lavé de tout soupçon par un organe disciplinaire réuni conformément à la loi.

Et donc, Vincent Van Quickenborne, qui n’était en tout cas pour rien dans l’erreur éventuelle de ses services, a démissionné sans que cela se justifie. Aujourd’hui, au lieu de regretter cette erreur, il a le mauvais goût d’affirmer que la procédure n’a pas pu permettre de découvrir la vérité. En d’autres termes, lui, qui n’était pas concerné par les faits, sait ce qu’il s’est passé, tandis qu’un organe juridictionnel qui a pris une décision après une procédure légale et contradictoire, et dans le respect des droits de la défense, se trompe. Il faut un certain culot lorsqu’on a été ministre de la Justice pour oser affirmer cela …

Il est beaucoup moins admissible que l’on lave de tout soupçon un ministre en cas de torture dans une prison.


En revanche, son successeur, non élu, Paul Van Tigchelt, s’est maintenu en poste, alors qu’une faute beaucoup plus grave semble avoir été commise dans des services dont il est directement responsable. On a ainsi appris il y a quelques semaines qu’un détenu de la prison d’Anvers avait été torturé pendant deux jours sans que le personnel de surveillance soit intervenu. Là où Van Quickenborne avait, à tort, respecté la règle, pas toujours appliquée, selon laquelle le ministre est responsable de tout ce qui se passe dans son administration, même s’il n’est directement pas lié aux faits, son successeur se refuse à respecter cet usage, alors qu’il est pourtant beaucoup plus directement concerné.

On comprend que le ministre puisse difficilement être tenu pour responsable lorsqu’un magistrat ne met pas un dossier dans la bonne armoire, mais il est beaucoup moins admissible que l’on lave de tout soupçon un ministre en cas de torture dans une prison. Il n’y a en effet que deux interprétations possibles. La première est que, comme le disent les syndicats, le personnel est à ce point insuffisant qu’il n’est même pas capable d’assurer la surveillance des détenus lorsqu’ils commettent des actes de torture pendant deux jours consécutifs, et c’est très grave. La seconde est que, a supposer le personnel suffisant, la hiérarchie n’a pas pu organiser le service d’une manière permettant d’éviter que, sous les yeux du personnel, se commettent des actes de torture, soit des crimes parmi les plus graves. Dans les deux cas, il est difficile de dire que le ministre n’y soit pour rien puisque chaque fois cela implique, non une défaillance individuelle, mais une gestion catastrophique des services dépendant de lui.

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