L’accès à la propriété a pâti de la récente accélération de la croissance des prix immobiliers, en particulier pour les jeunes ménages.
Les prix de l’immobilier résidentiel en Belgique ont augmenté de façon significative au cours des dernières décennies. Il y a peu, la croissance des prix des logements s’est de nouveau accélérée malgré la pandémie de COVID-19 et ses répercussions sur l’économie, ravivant les préoccupations quant à l’accessibilité au logement, et plus particulièrement quant à la possibilité de devenir propriétaire, notamment pour les jeunes.
Une hausse des prix des logements (presque) continue et généralisée en Belgique
Depuis que des statistiques fiables existent en la matière, les prix de l’immobilier résidentiel ont nettement augmenté en Belgique. Seules deux périodes de recul des prix ont été observées: la première durant la première moitié des années 1980 et la seconde, plus récemment, lors de la crise économique et financière de 2008-2009. Cependant, ces replis sont demeurés limités au regard des hausses enregistrées au cours des décennies antérieures. Depuis 1973, les prix des logements en Belgique ont été multipliés par un facteur 15. En prenant en compte l’inflation, les prix réels ont triplé.
La progression des prix durant les décennies précédentes a été générale en ce sens qu’elle a concerné toutes les régions du pays ainsi que toutes les catégories de logements. On note toutefois une hausse quelque peu plus vive en Région flamande depuis 1973. En revanche, l’augmentation des prix des maisons à quatre façades ou plus a été moins rapide, surtout au cours des deux dernières décennies.
La croissance des prix des logements s’est de nouveau accélérée ces dernières années. Au total, pour l’ensemble des logements, les prix en Belgique ont grimpé de 16,4 % entre 2019 et 2021. Ce mouvement s’observe dans la quasi-totalité de la zone euro, où les prix ont bondi en moyenne de 15,5 % sur la même période. Il a par ailleurs été particulièrement marqué dans certains pays, tels le Luxembourg (30,8 %), les Pays-Bas (29,1 %) et l’Allemagne (21,9 %).
Plusieurs facteurs peuvent expliquer la hausse des prix immobiliers
Tout d’abord, la réduction des taux d’intérêt au fil du temps a été un important facteur de soutien au marché immobilier. En Belgique, ceux-ci sont tombés d’environ 14 % durant les années 1980 à seulement 1,5 % en moyenne en 2021. Toutes choses égales par ailleurs, une diminution des taux hypothécaires entraîne un allégement de la charge de remboursement des ménages pour un montant emprunté donné. Corollairement, pour une même charge de remboursement, le montant qui peut être emprunté augmente. La récente remontée des taux hypothécaires, surtout depuis le début de 2022, devrait modérer la croissance des prix des logements.
En outre, les revenus des ménages en Belgique ne cessent de progresser depuis plus de vingt ans, ce qui a très certainement été un facteur de stabilité pour le marché immobilier, empêchant ou limitant de potentielles baisses des prix des logements. Compte tenu du repli des taux hypothécaires, il en a résulté une hausse du prix qu’un ménage peut proposer pour l’achat d’un bien immobilier.
Par ailleurs, l’offre immobilière – c’est-à-dire le stock de logements – a augmenté plus vivement que le nombre de ménages depuis le début des années 1990. Cela n’avait par contre pas été le cas durant la première décennie de ce siècle, entrainant des pressions haussières sur les prix de l’immobilier résidentiel. Ensuite, le stock de logements s’est de nouveau agrandi plus rapidement, parallèlement à une modération de la croissance des prix immobiliers. Toutefois, la hausse importante du nombre de logements ces dernières années ne s’est pas accompagnée d’un nouveau ralentissement de la progression des prix immobiliers, au contraire. Il convient de noter que les prix des logements auraient certainement crû encore plus vite si l’offre ne s’était pas élargie.
Enfin, les réformes successives de la déductibilité fiscale des emprunts hypothécaires depuis 2015 ont assurément freiné la hausse des prix des logements. Conjuguées à l’expansion de l’offre immobilière, elles peuvent expliquer partiellement la croissance des prix quelque peu plus mesurée en Belgique par rapport à de nombreux autres pays de la zone euro.
Mesurer l’accessibilité à la propriété: l’approche classique
Une première façon de mesurer l’accessibilité à la propriété consiste à comparer l’évolution des revenus des ménages à celle des prix des logements. Bien que le revenu disponible des ménages ait augmenté depuis la fin des années 1990, sa croissance est demeurée inférieure à celle des prix durant la même période, ce qui est le signe d’une détérioration de l’accessibilité à la propriété, laquelle se serait de surcroît de nouveau intensifiée depuis 2019 sous l’effet de la hausse significative des prix immobiliers.
Cependant, une telle analyse doit nécessairement tenir compte de l’évolution des taux d’intérêt hypothécaires puisque la vaste majorité des ménages ont recours à un emprunt pour financer l’achat de leur logement. Si l’on calcule la charge de remboursement d’un emprunt hypothécaire – sous certaines hypothèses techniques –, l’accessibilité à la propriété s’est globalement améliorée après la crise économique et financière des années 2008 et suivantes, essentiellement grâce à la baisse des taux d’intérêt. Elle s’est au contraire dégradée à partir de 2019 en raison de la croissance marquée des prix immobiliers, qui n’a pu être entièrement compensée par une nouvelle réduction des taux d’intérêt hypothécaires et par la hausse du revenu disponible. En 2021, l’indicateur d’interest-adjusted-affordability faisait cependant état d’une situation plus favorable qu’en 2008.
Mesurer l’accessibilité à la propriété à travers le service de la dette d’un emprunt hypothécaire
Le volume des nouveaux crédits hypothécaires est en hausse depuis 2015. Cependant, la part des jeunes emprunteurs (18-34 ans) a légèrement diminué. Le pourcentage de crédits présentant une quotité élevée s’est en outre réduit. Compte tenu de la progression des prix de l'immobilier, cela signifie que les fonds propres nécessaires à l'achat d'un logement ont augmenté. Même si les (jeunes) ménages ont toujours accès au marché hypothécaire, ils doivent donc fournir un plus gros effort financier qu'auparavant. Cela peut contraindre les jeunes sans patrimoine important à contracter des crédits dont les coûts de remboursement sont plus onéreux, à acheter un logement de moindre qualité ou moins bien situé, voire à se tourner vers le marché locatif.
En tenant compte des montants moyens empruntés, la charge de remboursement d’un emprunt hypothécaire pour un couple travaillant à temps plein et rémunéré au salaire moyen demeurait inférieure à 20 % des revenus en 2021, c’est-à-dire à un niveau que l’on peut considérer comme sain. Toutefois, la charge de remboursement peut être significativement plus lourde pour certains ménages, surtout pour ceux dont la situation financière est moins favorable que celle mentionnée ci-avant. C’est notamment le cas si les revenus du ménage sont moindres ou si celui-ci ne dispose pas des fonds propres nécessaires. Par ailleurs, la charge de remboursement peut atteindre des niveaux particulièrement élevés si le bien acheté se situe dans certaines régions, en particulier à Bruxelles et dans des villes flamandes comme Gand, Louvain ou Bruges. Par contre, la situation est moins problématique dans des villes telles que Charleroi, Liège ou Mons.
Un taux de propriétaires constant malgré des inégalités croissantes
Devenir propriétaire de son logement a également des implications en termes de patrimoine. En effet, en Belgique, la majorité du patrimoine des ménages consiste en actifs immobiliers qui, en outre, constituent le principal moteur de sa croissance.
Si un groupe de la population souffre d’une diminution de l’accessibilité à la propriété, cela n’est donc pas dénué de conséquences sur la répartition des richesses. Or, bien que le taux de propriétaires en Belgique soit demeuré relativement constant entre 2003 et 2020, fluctuant en moyenne aux alentours de 72 %, celui des ménages les moins aisés financièrement – c’est-à-dire ceux dont les revenus sont inférieurs à 60 % du revenu médian équivalent – s’est significativement replié, tombant de 56 à 37 %.
Depuis 2019, les articles de la Revue économique sont publiés en français et en néerlandais sous forme de digests, leur version complète n’étant disponible qu’en anglais.